Au cours de la première conférence de presse donnée à la conférence sur le climat de Cancún ce lundi, le délégué américain Jonathan Pershing s’en est sorti avec une pirouette. Quand un journaliste lui a demandé si les Etats-Unis parviendraient à réduire de 17% ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2020 par rapport à 2005 en l’absence de cadre législatif , il s’est contenté de répondre : « Nous continuons de penser qu’il serait souhaitable d’adopter une loi sur le climat ». Un vœu pieux pour l’instant. Et ce depuis un moment. Et Cancún ne changera rien à l’affaire. Retour en arrière.
Il y a un an, à la veille du sommet de Copenhague, la planète espérait l’impossible et avait les yeux rivés sur Barack Obama qui, profitant de son voyage à Oslo pour recevoir son prix Nobel de la Paix, avait tenu à faire un saut à la conférence sur le climat. L’homme du « Yes we can » avait déclaré après sa victoire qu’il existait peu de défis plus urgents que le combat contre le changement climatique et promettait d’insuffler un souffle nouveau aux négociations. Pourtant, le président américain avait déjà dû se contenter au Danemark de réitérer l’éternel engagement de son pays à réduire ses émissions de GES de 17%. Pourquoi ? Car le Sénat américain n’avait déjà pas voté de loi « climat-énergie ». Obama avait les mains liées. Conscient de son impuissance, il avait donc promis au reste du monde que l’oncle Sam allait se mettre au régime carbone de son plein gré.
Kyoto : une signature symbolique
Petite leçon de droit constitutionnel américain : si l’occupant de la Maison-Blanche a beau être considéré comme l’homme le plus puissant au monde, en matière de ratification des traités internationaux, il dépend du bon vouloir du Sénat qui doit voter ces textes à la majorité des deux tiers. Rappelons aussi que le président Bill Clinton et son vice-président Al Gore avaient apposé leurs signatures au protocole de Kyoto en 1997 de manière symbolique. Le duo n’a jamais osé demander au Sénat de ratifier le document, conscient qu’il irait droit dans le mur. Quelques mois auparavant, les sénateurs avaient en effet voté par 95 voix à 0 la résolution « Byrd-Hagel » qui affirmait que les Etats-Unis ne signeraient aucun engagement international permettant de stabiliser les émissions de GES. Pas question de nuire à la santé de l’économie américaine sans participation notable des pays en voie de développement…
Il y a un an, les défenseurs de l’environnement avaient cependant raison d’espérer : la Chambre des représentants avait adopté en juin 2009 une loi s’engageant à une réduction des émissions de 17% en 2020. Mais au fil des mois, les sénateurs n’ont pas daigné se pencher sur la loi. Et Obama, sonné par la large défaite de son parti aux élections de mi-mandat a dû lui aussi admettre que l’adoption d’une telle législation était improbable au cours des deux prochaines années, la majorité républicaine – ainsi que certains démocrates – s’y opposant farouchement.
un plan B peu ambitieux
Que va-t-il donc se passer à Cancún, un sommet auquel ni Barack Obama ni la secrétaire d’Etat Hillary Clinton n’ont prévu de se rendre ? Comme le souligne Darren Samuelsohn dans les colonnes de Politico, Todd Stern, l’envoyé spécial de l’administration Obama sur le changement climatique, devra se contenter de déployer le plan B : une suite de réglementations émanant de l’EPA, l’agence américaine pour la protection de l’environnement, et des millions de dollars investis dans les énergies renouvelables dans le cadre du plan de relance adopté par Obama dès son élection. Quant au délégué Jonathan Pershing, il a assuré ce lundi qu’il existait d’autres moyens pour les Etats-Unis de se mettre au régime carbone, l’EPA ayant le pouvoir de légiférer en la matière et Obama pouvant toujours avoir recours à des ordres exécutifs, avant d’évoquer le remplacement progressif du charbon par le gaz naturel dans le pays. Bref, tout est bon pour prouver au reste du monde qu’avec ou sans loi « made in USA », qu’avec ou sans accord international, les Etats-Unis s’engagent à réduire ses émissions. Qui est convaincu ?
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