C’est grave docteur ? Ausculté tous azimuts, l’inoxydable "trou de la Sécu" fait peur. Surtout quand on entend la classe politique au grand complet, flanquée d’une flopée d’experts, clamer en chœur qu’"il faut sauver la Sécurité sociale d’un naufrage financier". Il est vrai qu’en 2004, le déficit de l’assurance maladie a atteint 13,2 milliards d’euros. Pas de quoi pavoiser, mais la faillite guette-t-elle vraiment notre système de protection sociale ? "La notion de trou de la Sécu doit être relativisée, estime Claude Le Pen, économiste de la santé. Contrairement à une entreprise dont la survie dépend du produit de ses ventes, il y a peu de chances que la Sécurité sociale connaisse jamais une cessation de paiement". Les prestations dues aux assurés ont d’ailleurs toujours été honorées. Mais au prix d’un lourd endettement.
Un vrai gouffre
Fin 2004, le "déficit cumulé" de la branche maladie s’élevait à 32 milliards d’euros. Pire : la facture, qui s’est allongée de 25 milliards en treize ans, risque de peser ad vitam aeternam sur les générations futures, via la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Initialement prévu pour être prélevé jusqu’en 2014, cet impôt continuera à être perçu jusqu’à l’épurement de la dette, conformément aux dispositions de la réforme Douste Blazy. Forfait d’un euro par acte médical, augmentation de la CSG pour les retraités, hausse du forfait hospitalier, relèvement de 0,03 % du taux de "contribution sociale de solidarité des entreprises"... Ce - énième - plan de résorption du plus célèbre trou de l’Hexagone vise à dégager 15 milliards d’euros pour faire revenir l’assurance maladie à l’équilibre dès 2007.
Une maladie incurable ?
Pas sûr que la potion du docteur Douste suffise à guérir les causes profondes du mal. La loi du 13 août 2004 sur la Sécurité sociale précise que l’Etat doit rembourser à la Sécu les exonérations de charges qu’il offre aux entreprises. Or le gouvernement "oublie" chaque année de restituer 2 milliards d’euros, sur ces 21 milliards d’exonérations diverses.Autre facteur aggravant du trou : la surconsommation de médicaments dont les Français sont champions du monde. La faute à qui ? Aux patients, accrocs aux ordonnances gonflées à bloc ? Aux médecins, trop laxistes ? Au poids des laboratoires pharmaceutiques ? "La France est le pays où les médecins résistent le moins à la mainmise de l’industrie pharmaceutique", tranche Philippe Pignarre, auteur de Comment sauver (vraiment) la Sécu. "En 2001, seul un médecin sur six était passé par la formation continue, ce qui les place en situation de dépendance vis-à-vis des laboratoires", complète Gaby Bonand, secrétaire national de la CFDT. En cause aussi, selon les détracteurs des industriels, le système d’évaluation des médicaments mis sur le marché. "L’intérêt thérapeutique des nouveaux médicaments, plus chers que les anciens, n’est pas toujours justifié", ajoute Philippe Pignarre. Quand ils ne sont pas dangereux, comme l’anti-inflammatoire Vioxx, retiré précipitamment par Merck en octobre dernier en raison d’un risque secondaire élevé d’accident cardio-vasculaire.
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