En 2006, la Californie avait ratifié une ambitieuse loi – connue sous le nom d’AB 32 – faisant de la lutte contre le changement climatique son cheval de bataille. Une première aux Etats-Unis qui doit contraindre l’Etat à ramener ses émissions de gaz à effet de serre à leur niveau de 1990 d’ici à 2020. Pièce maitresse de la politique verte d’Arnold Schwarzenegger, le gouverneur de Californie (dont le mandat arrive à terme), cette loi devait être mise en application à partir de 2012. Mais c’était sans compter sur les manœuvres d’un groupe financé en grande partie par l’industrie pétrolière. Son idée : organiser un référendum en novembre sur le sujet dans l’espoir d’envoyer AB 32 aux oubliettes.
Baptisé « proposition 23 » ou « la California Jobs Initiative », cette consultation cherche à convaincre les Californiens que la mise en application d’AB 32 aggravera le marasme dans lequel se trouve la huitième économie au monde. En d’autres termes, La Californie ne peut s’offrir le luxe d’un régime carbone trop contraignant alors qu’elle est en faillite. Astucieusement, le groupe de pression déclare ne pas vouloir abolir cette loi mais simplement la suspendre jusqu’à ce que le taux de chômage – qui s’élève aujourd’hui à 12,4% – passe sous la barre des 5,5% pendant quatre trimestres consécutifs. Un exploit qui n’est arrivé que trois fois au cours des trois dernières décennies !
La Californie, le royaume des « clean tech »
A l’approche des élections, la bataille fait donc rage. D’un côté, les partisans de la proposition 23, généreusement financés par les géants pétroliers texans Valero et Tesero, propriétaires de raffineries en Californie, estiment qu’AB 32 ferait perdre à l’État 1,1 million d’emplois et 3,7 milliards de dollars par an (2,8 milliards d’euros). Pourquoi ? A cause de la hausse du prix du pétrole, la loi sur le climat taxant les industries les plus polluantes. De l’autre côté, les défenseurs de l’environnement, épaulés par les représentants de l’industrie « clean tech ». Ces derniers font en effet valoir que si la Californie s’est imposée comme le royaume du secteur – l’État continue de recevoir l’essentiel des investissements en la matière –, c’est qu’elle fut le tout premier État américain à ratifier une loi visant à réguler les émissions de gaz à effet de serre.
« Nous considérons la menace sérieuse », explique Bob Epstein, cofondateur d’Environmental Entrepreneurs, un réseau composé d’influents entrepreneurs verts, qui fait campagne contre la proposition 23. Selon lui, si les électeurs votent en faveur de la suspension de la loi sur le climat, la Californie en souffrira : les entrepreneurs de l’industrie « clean tech » risquent de s’installer en dehors des frontières californiennes dans des États pro-environnementaux, comme le Colorado ou dans des pays comme la Chine ou l’Inde qui misent sur la croissance verte. Or, à ce jour, rappelle Bob Epstein, 500 000 emplois verts ont été créés en Californie, preuve que la lutte contre le changement climatique a un impact positif sur l’économie régionale.
Ingérence du Texas
Pour convaincre les Californiens, plutôt écolos dans l’âme, Bob Epstein et ses alliés focalisent leurs attaques sur les parrains du référendum. « Depuis quand le texan Valero (qui a financé à hauteur de 4 millions de dollars les anti AB 32, ndlr), se soucie-t-il des intérêts des électeurs californiens ? », ironise Bob Epstein, qui note que ni Exxon, ni Chevron ni même BP ne se sont prononcés contre la loi. A ce jour, les sondages semblent indiquer que les Californiens n’apprécient guère l’ingérence du Texas dans les affaires de l’État le plus vert du pays, 48% des électeurs se disant contre la suspension de la loi sur le climat et 36% y étant favorables. « Reste qu’un certain nombre d’électeurs se disent encore indécis », nuance Bob Epstein qui redouble d’efforts à quelques semaines du scrutin afin de convaincre les Californiens qu’AB 32 est un moteur de croissance et non un tueur d’emplois.
Autre argument brandi par l’entrepreneur vert : le fait que l’air sera inévitablement plus sale si la mesure est adoptée. « AB 32 exige une réduction de l’utilisation des énergies fossiles, principale source de pollution atmosphérique en Californie », assure-t-il.
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