« J’ai encore du mal à digérer cette réunion », soupire un scientifique. 93 académiciens et 24 invités étaient conviés ce lundi à l’Académie des sciences pour un grand débat autour du climat. Un raout souhaité en avril par Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, afin de « permettre la confrontation sereine des points de vue et des méthodes et [d’]établir l’état actuel des connaissances scientifiques sur le changement climatique. ». Alors sereine, cette réunion ? Correcte au moins, nuance un académicien présent. « Il y a encore quelques temps, les gens n’auraient pas pu se parler. Là, nous avons eu une longue discussion. »
Mais voilà. Neuf heures de débat, c’est bien court pour faire le tour des questions sur le climat. « Même en une journée, on ne peut qu’effleurer ces domaines très complexes », confie cet académicien. Une rapidité qui a fait le jeu des sceptiques ? « Nous avons eu une longue discussion sur la température moyenne ou sur l’activité du soleil (des points souvent sujets à controverse, ndlr) mais nous n’avons pas du tout parlé du rôle de l’océan par exemple », regrette un autre témoin.
« Pénible ignorance »
Déroutant aussi pour les spécialistes de répondre aux interrogations naïves de leurs pairs. « Quelques questions nous on fait revenir cinquante ans en arrière. Certains ont demandé comment nous savions que le CO2 est d’origine anthropique ! », poursuit-il . Un autre parle d’une « pénible ignorance » et d’un débat « infini sur ce que veut dire une température moyenne ». L’Académie des sciences aurait-elle été gagnée par le climato-scepticisme ? En tout cas le passage à la tribune de Vincent Courtillot, directeur de l’Institut de physique du globe, ou la « longue intervention » de Richard Lindzen, physicien américain, tous deux connus pour leurs positions sceptiques, ont fait grincer plus d’une canine. Quant à l’objet de toutes les crispations, Claude Allègre, il n’a assisté qu’à une heure de débat, sans intervenir. Reste que la discussion a eu le mérite d’exister. « Il a permis une explication au moins en interne. Ca nous a permis d’avoir une tribune, de réaffirmer une démarche authentiquement scientifique. C’est un pas que je crois utile », souligne un scientifique.
« Pas des extrémistes gagnés à Greenpeace »
Reste désormais à l’Académie à ne pas rater la marche de la communication. « Il faut voir comment l’Institut la gère, précise ce dernier. L’Académie ne peut pas en rester là. » Elle a promis de remettre un rapport sur le contenu du débat à huis clos. Une étape essentielle pour les climatologues qui cherchent à empêcher empêcher Claude Allègre de placer discrètement sa fondation sous l’égide de l’Institut. « Il est très important que le message des scientifiques orthodoxes soit perçu comme très sérieux, qu’on montre qu’ils ne sont pas des extrémistes gagnés à Greenpeace, comme le soutient Allègre. C’est ça qui aidera à résister à ce genre d’initiatives. »
Un peu de transparence dans un processus bien opaque. Impossible en effet de savoir où en est l’examen de la fondation Allègre par l’Institut, ni comment ce genre de décisions est prise habituellement. « Ça se passe entre deux portes. L’Institut a une structure compliquée. J’en sais plus sur ce sujet par la presse qu’en interne », soupire le même académicien. Beaucoup redoutent le sceau de l’Académie des sciences sur le think tank d’Allègre. « Ce serait un désaveu pour la communauté scientifique », poursuit-il. « Je perdrais toute confiance dans cette institution », ajoute un autre scientifique.
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