Une maison en containers au milieu de la campagne québécoise ? Assez étrange pour attirer un photographe du New York Times en quête d’habitats « extrêmes ». Architecte de la Belle Province, Bernard Morin est l’auteur de cet assemblage atypique de sept containers maritimes dans lesquels s’ébattent ses six enfants. Pour eux, vivre dans l’acier – 80 % de la bâtisse – n’a rien d’étonnant. Dans quelques décennies, leur maison sera peut-être un classique.
Empilables, mobiles et résistants, on trouve des containers en rab dans tous les ports de commerce du globe. Mieux encore, ils n’ont quasiment pas besoin d’être transformés pour devenir habitables. Il suffit de poser une isolation et de dessiner des ouvertures. D’occasion, un container s’échange entre 1 000 et 1 500 euros. Après la livraison, deux possibilités : on peut construire sa maison seul ou la faire assembler par des entreprises spécialisées. Pour une demeure d’environ 100 m2, comptez entre 120 000 et 160 000 euros, hors frais de transport. « Ces maisons sont dans l’air du temps parce qu’elles répondent à l’envie qu’ont les gens de modeler l’espace dans lequel ils vivent », explique Guillaume Grenu, de l’agence parisienne d’architecture Olgga. En 2006, avec ses associés, il a voulu satisfaire ce désir en créant une « maison évolutive » et bon marché, composée de deux blocs en bois superposés que les gens peuvent « modeler » à leur guise. Ego d’accord mais écolo d’abord. Les structures en préfabriqué, bois ou acier, produisent en effet peu de déchets lors du chantier. Presque rien dans le cas d’une « maison container », contre 8 tonnes pour l’équivalent en dur, assure Bernard Morin.
« Fast-food architectural »
Paradoxalement, le but du préfabriqué n’a pas toujours été de personnaliser l’habitat, mais au contraire de fabriquer en série, rapidement et à bas coût. L’urbanisation croissante rend pourtant cette forme de « fast-food architectural » incontournable, analyse l’architecte québécois. Lui qui travaille sur un projet d’immeuble en containers à Montréal voit désormais dans le « préfab » une opportunité écologique et créative. A Londres, les « Container Cities », bâties en 2001 et 2002, ont permis de réhabiliter les docks. A Amsterdam, les « tempohousing » – des barres d’immeubles en containers – offrent des logements étudiants confortables et économiques. En France, les premières cités U en containers seront livrées au Havre en septembre 2010 : 27 m2 pour 250 euros par mois, c’est mieux qu’une boîte de sardines hors de prix ! Autre atout : ces studios d’un nouveau genre seront modulables et mobiles, au gré des plans d’urbanisme.
Koen Olthuis, architecte néerlandais, prédit, lui, qu’« à l’avenir, les villes seront dynamiques, constituées d’éléments déplaçables en fonction des flux de population et des contraintes environnementales. » Son agence, Waterstudio, est connue pour ses concepts de maisons et de villes flottantes. En 2010, elle livrera le premier quartier d’Europe bâti sur l’eau dans le village de Naaldwijk, à l’ouest des Pays-Bas. Soixante logements seront regroupés sur un bloc de béton flottant de 8 000 m2. Conçus pour avoir un impact minime sur l’environnement grâce à une structure amovible et des bâtiments performants énergétiquement, les projets de Waterstudio seront bien entendu déplaçables au gré des besoins. Ils seront surtout capables de s’adapter à la montée des eaux, un problème majeur aux Pays-Bas, l’essentiel du territoire se situant sous le niveau de la mer.
A l’origine du travail de Koen Olthuis, les projets modulaires technicistes des années 1960, comme la « Plug-in city », un ensemble de capsules emboîtables imaginées par le mouvement architectural anglais Archigram. Différence notable cependant : au XXIe siècle, les flux économiques et technologiques ne sont plus seuls à modeler les villes. Il faut désormais composer avec l’environnement, ses aléas et ses opportunités. —
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