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6-08-2010
Mots clés
Alimentation
Agriculture
France

Derrière la pastèque sans pépins, des apprentis sorciers ?

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Derrière la pastèque sans pépins, des apprentis sorciers ?
(Crédit photo : DR)
 
Depuis juin, une campagne de publicité vante en France ce fruit « révolutionnaire ». De quoi se demander si les cerises sans noyau ou les poissons sans arêtes vont suivre… Les producteurs, eux, jurent que leur méthode est naturelle. Decryptage.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Vous êtes peut-être tombés nez à nez avec l’affiche. Dans le métro parisien, le tramway lillois ou lyonnais, des 4x3 vantent les mérites d’une pastèque sans pépins développée par Anecoop. En une seconde, vous imaginez des hommes en blouse blanche dans leurs labos, une pipette à la main, votre pastèque dans l’autre. Et au fond de votre esprit germe un mot terrifiant : « OGM ». Et pourtant. La pastèque sans pépin n’a strictement rien à voir avec la patate Amflora autorisée depuis peu à la culture dans l’Union européenne. Pour obtenir une chair rose bien lisse, la boîte qui la cultive n’a pas eu recours à la transgénèse. En clair, elle n’a pas introduit de gène issu d’une autre plante dans notre pastèque. « En faisant des recherches, on a retrouvé une variété dépourvue de pépins, explique Henri Thorent d’Anecoop. Par un travail de croisement, on a créé une variété hybride avec les caractéristiques qui nous convenaient. Mais il n’y a aucune manipulation génétique. » « Cette technique ne date pas du tout d’aujourd’hui. Elle est connue de toute la communauté scientifique », renchérit Miguel Abril, le directeur d’Anecoop France.

Du naturel, que du naturel quoi. Et une boîte qui utilise les méthodes de sélection employées dans l’agriculture depuis des générations. Mais voilà. Depuis quelques temps. Les associations ne font plus la guerre aux seuls OGM. En juillet, une armée de faucheurs volontaires a détruit des tournesols mutants plantés en Indre-et-Loire. Il ne s’agissait plus cette fois de dénoncer la transgénèse, mais bien la mutagénèse. Non, non, ne partez pas en courant, ce n’est pas si sorcier. Il s’agit en fait de la mutation forcée d’une plante par une série de chocs chimiques. « On va bombarder la plante d’herbicides par exemple pour qu’elle y devienne résistante », traduit Christophe Noisette d’Inf’OGM. Et l’homme de dénoncer des « OGM cachés » ou clandestins.

Une variété stérile

Mais quid de notre pastèque ? A priori, elle n’a pas subi de mutagénèse non plus. Il n’empêche. Pour obtenir leur pastèque sans pépins, nos amis d’Anecoop n’ont pas ramassé une graine par hasard dans un champ. « Ça (l’absence de pépins, ndlr) peut arriver à l’état naturel mais de façon très sporadique. Ce n’est pas comme cela que nous procédons », explique simplement Miguel Abril. Accrochez-vous. Tout se passe chez le producteur de semences qui fournit Anecoop. Celui-ci prend une pastèque classique dite « diploïde » (les chromosomes vont par deux). Sous l’action d’un produit comme la colchicine, extraite des graines de colchique, il obtient une variété tétraploïde (les chromosomes vont par quatre). Il croise ensuite ces pastèques tétraploïdes avec les pastèques classiques et obtient… une triploïde. Celle-ci est stérile mais a aussi pour immense avantage d’être quasiment dépourvue de pépins.

Mais alors est-ce vraiment naturel ? Les associations sont partagées. « Ils croisent des tétraploïdes et des diploïdes, deux plantes incompatibles. C’est une forme de manipulation, assure Christophe Noisette. Et pourtant, pour la loi, ce n’est pas considéré comme une manipulation génétique. Il n’y a même aucune obligation d’étiquetage. » « On est sur un domaine complètement différent des OGM, tempère Jean-Claude Bévillard de France Nature Environnement. On ne touche pas au cœur des molécules. »

Intolérance grandissante des militants ?

Le professeur Marc Fellous, chercheur en génétique et président de l’Association française pour les biotechnologies végétales, s’inquiète plus généralement de l’intolérance grandissante des militants face aux biotechnologies. « Si on rejette toute manipulation sur le vivant comme le demandent certains militants, je me demande ce qu’on va manger. Les tomates sont des mutants, les poires sont des mutants. Dans l’agriculture biologique, on utilise plein de mutants ! », s’exaspère-t-il.

« Bien sûr que l’agriculture n’est pas naturelle, rétorque Christophe Noisette. Mais avant, elle s’appuyait sur des techniques naturelles. Aujourd’hui, les biotechnologies vont contre nature. Par exemple, elles développent des céréales qui gardent les grains sur l’épi et qui ne peuvent plus servir à la reproduction. » Et le militant de s’interroger : « Pourquoi a-t-on besoin de développer une pastèque sans pépins ? Je ne pense pas que les pépins gênent tant que ça. » Sans doute pas mais « commercialement, c’est un produit qui a beaucoup fait monter la consommation de pastèques, garantit Miguel Abril d’Anecoop. C’est moins confortable pour le consommateur quand il doit enlever les pépins ».

Sources de cet article

- La production de pastèques sans pépins dans l’« Histoire des légumes »
- Le site d’Anecoop France
- La mutagénèse vue par Inf’OGM
- Le site de l’Association française pour les biotechnologies végétales
- Le site de France Nature Environnement

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  • Ca me fait penser aux huitres triploïdes (huitres stériles créees par reproduction entre un reproducteur quadriploîde et une huitre diploïde "normale", ce qui permet de manger des huitres non laiteuses l’été, là aussi jusqu’où faut-il s’adapter aux besoins des consommateurs ?). J’ai compris qu’il y avait un risque, celui de la diffusion de ces reproducteurs dans le milieu naturel, ce qui risquerait de rendre toutes les huitres stériles. Donc ma question : cette manipulation est faite en laboratoire, ou y a-t-il des pastèques quadriploïdes dans la nature ?

    12.08 à 10h33 - Répondre - Alerter
  • Réveillez-vous les gars, les pastèques sans pépins ça fait des années que ça existe aux Etats-Unis (et que c’est la majorité des pastèques vendues)... c’est pas une révolution ! Idem pour les raisins sans pépins. Ma constatation : moins de goût pour les variétés sans pépins, mais c’est un avis qui n’implique que moi.

    Perso la manipulation ne me choque pas... je constate juste qu’elle répond à un besoin croissant de facilité dans TOUT. Les pépins font partie des pastèques, c’est pas la fin du monde ! En enlevant les pépins pour le confort du consommateur, on participe au désengagement du consommateur vis-à-vis de l’acte de consommer. Si on continue comme ça, à quand la pastèque directement en intra-veineuse ? Non parce que mâcher c’est fatigant, et puis en plus on se met du jus partout...

    Je pense que le vrai problème de fond n’est pas un problème de manipulation de variétés pour faire des hybrides, ce qui existe depuis l’aube de l’agriculture (vous avez déjà vu un épi de maïs "naturel" ?), mais un problème de comportement de consommation. Ce qui renvoie d’ailleurs aux Etats-Unis, où les modes de consommation sont tragiques. On est en présence d’un bon exemple de "demande créée" ("manufactuerd demand") : vous saviez pas que les pépins dans les pastèques c’est insupportable, mais maintenant qu’on vous le dit n’acceptez surtout plus de pastèques naturelles !

    Ceci dit, moi j’aimerais bien des bananes sans peau... _ :-P

    9.08 à 11h01 - Répondre - Alerter
  • Pourquoi vouloir enlever les pépins des pastèques ? C’est une partie très agréable à manger !

    8.08 à 10h51 - Répondre - Alerter
  • Personnellement ce que je préfère dans la pastèque, ce sont les pépins... :))
    Ils offrent un côté croquant très appréciable ! (si si...)

    J’espère que les marchés continueront de proposer des pastèques avec pépins (qui se font de plus en plus rares hélas...).

    6.08 à 16h51 - Répondre - Alerter
  • Merci pour cet article qui change un peu des habituels "c’est intolérable" ou "ils ne comprennent rien au progrès".

    Je voudrais ajouter ma (petite) pierre à l’édifice (sans trop de parti-pris). Les histoires de ploïdie dans le monde végétal sont très nombreuses. Par exemple, le blé tendre qui nous sert à faire du pain est un hexaploïde (6 jeux de chromosome). Il résulte d’une association entre le blé dur (qui sert à faire les pâtes) et une autre graminée. Tout ceci il y a plusieurs milliers d’années. Bien entendu, sans l’aide de colchicine, mais je demande au fond quelle est la différence.

    Concernant les tournesols tolérants, je trouve ce site intéressant : http://www.tournesol-tolerant.cetiom.fr/
    Je serais très curieux de lire un article que vous pourriez écrire sur le sujet.

    Bien cordialement

    6.08 à 15h45 - Répondre - Alerter
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