On croyait l’idée plongée dans un sommeil profond depuis l’accord à minima de Copenhague. Mais le passage d’un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de -20% à -30% (d’ici à 2020 par rapport à 1990) a refait surface la semaine dernière avec une tribune publiée dans le Financial Times. Ses auteurs : les ministres de l’Environnement Français, Allemand, et Britannique. Ils estiment que l’objectif de -20% est « désormais insuffisant », mais également qu’il constitue « un obstacle essentiel » aux nouveaux investissements nécessaires « pour (...) une transition vers un modèle faiblement consommateur de carbone ».
Près du but, mais attention à la reprise
Sommes-nous déjà si proche du but qu’il faille viser plus haut ? En 2009, l’Union Européenne a émis au total environ 14% de CO2 de moins qu’en 1990. Deux ans plus tôt, lorsqu’ils ont adopté l’objectif de -20%, les chefs d’État européens n’imaginaient certainement pas arriver à un tel résultat en si peu de temps. A l’époque, les 27 n’étaient encore qu’à la moitié du chemin, avec -9,4%. Comment expliquer un bond aussi rapide ? Par les prix du charbon élevés, combinés à une chute de ceux du gaz en 2008 ; par l’effet des mesures de soutien aux énergies renouvelables ; et surtout par la récession économique, qui a démarré au second semestre 2008 et s’est poursuivie en 2009.Mais cette baisse vertigineuse « ne peut pas être extrapolée de manière simpliste pour le futur », avertit la Commission européenne. Celle-ci rappelle que la production est depuis repartie à la hausse, notamment dans des secteurs gourmands en énergie comme l’acier. Et si l’on y regarde de plus près, les 27 disposent d’un gros avantage : l’arrivée d’anciens pays du bloc de l’Est, dont l’industrie s’est effondrée en même temps que l’URSS. Par exemple la Slovaquie, pour qui la chute a été de -30% en cinq ans et qui a ainsi contribué à faire baisser la moyenne européenne.
Les anciens en ordre dispersé
Pour l’Europe des 15, les situations sont très variables. D’après les chiffres détaillés de 2008, les plus récents dont on dispose, plusieurs pays ont déjà dépassé l’objectif fixé par le protocole de Kyoto (échéance 2012) pour « partager le fardeau ». C’est le cas du Royaume-Uni, de l’Allemagne et des pays scandinaves. C’est aussi le cas de la France, qui devait stabiliser ses émissions mais a finalement enregistré une baisse de 6,4% en 2008. D’autres ont en revanche dérapé, comme l’Espagne, qui pas dépasser les +15% selon le protocole de Kyoto mais affiche déjà un lourd +40%. Idem, dans une moindre mesure pour le Tigre celtique irlandais ou l’Italie. Même l’Autriche, malgré sa bonne réputation environnementale manque à ses engagements (+9,6 % contre -13,0%). Les Pays-Bas et le Danemark sont aussi en retard.Au final, les bons résultats des grands pays amènent les 15 à -6,5%, pas très loin de l’objectif fixé par le protocole de Kyoto (-8%). Par conséquent, pour ce qui est d’atteindre -20%, voire -30%, la route est encore longue. Or ces pays pèsent 80% du CO2 émis par l’ensemble de l’UE. Avec la reprise économique, le défi sera donc double : poursuivre la baisse tout en évitant que les émissions des pays de l’Est ne viennent compenser celles des plus aisés. Même s’il y a encore du boulot, la bataille sera plus facile que la Commission ne l’avait prévu : en comptant seulement sur la poursuite des mesures déjà mises en place, elle prévoit dorénavant une baisse de 13,8% en 2020, contre un premier pronostic de -1,5% établi en 2007, soit un an avant la crise économique.
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