Alerte aux panneaux solaires ! En France, il en pousse par centaines, assure la pédégère d’ErDF (Électricité Réseau Distribution France) Michelle Bellon dans une dépêche AFP reprise par Le Monde. « Il y a en France un engouement un peu intéressé » pour le photovoltaïque, selon la patronne de la filiale d’EDF « car il y a quand même un effet d’aubaine assez fabuleux ». Comprenez un prix alléchant du rachat de l’électricité solaire. Du coup, le nombre des capteurs s’envolent. « Nous nous attendons cette année à plus de 75 000 raccordements nouveaux, 120 000 l’année prochaine, 150 000 en 2012. »
Il y a ceux qui crient « hourra ». Michèle Bellon, elle, se demande comment on va « bien pouvoir gérer toute cette production non prévisible, aléatoire ». En fait ce que craint la boss d’ErDF, ce sont les déséquilibres locaux. L’électricité en effet ne peut pas être stockée. Il faut donc la consommer aussi sec, de préférence localement. Car « plus il y a de transport, plus il y a des chances de pertes », explique Stéphane Muyard, directeur des opérations chez Sunnco, un acteur phare du secteur. Du coup, dans les zones où l’on consomme moins que l’on ne produit, la tension monte sur les lignes. Exemple dans les Landes, où les projets de raccordements « sont à hauteur de cinq fois la consommation de pointe du département », d’où « des risques de black-out complet », s’émeut Michelle Bellon.
L’Allemagne garde ses lignes « au frais »
Bigre. On sent la ruée sur les bougies dans les supermarchés landais. L’alerte, elle, énerve plutôt les professionnels du secteur. « Le réseau est capable de supporter plus d’électricité , assure Stéphane Muyard. Il suffit que les travaux et les installations adéquats soient faits. » La preuve avec l’Allemagne. « Il y a 20 fois plus de photovoltaïque que chez nous », souligne-t-il encore. Fin 2009, on affichait outre-Rhin 9785 MW de photovoltaïque installés contre 272 MW en France. « Et pourtant, on dit qu’en France, ça pose des problèmes ! On peut se poser des questions sur la volonté de ces acteurs-là de faire de l’énergie renouvelable », poursuit le responsable de Sunnco.
Mais comment fait donc l’Allemagne pour garder ses lignes « au frais » ? « Toutes les adaptations au réseau ont été faites », assure Stéphane Muyard. Et si le soleil fait trop carburer les panneaux, on peut limiter la productivité d’électricité en ralentissant les centrales thermiques. En France, en revanche, royaume du nucléaire, « on ne peut pas arrêter nos centrales d’un jour à l’autre », souligne Henri Saurine, ingénieur chez Tecsol, bureau d’études spécialisé dans l’énergie solaire.
« Si la région est isolée, ErDF fait payer plus cher le producteur »
Reste que la France a ses propres méthodes. En faisant payer une partie du raccordement aux producteurs d’énergie solaire. « Si la région est isolée, comme en Lozère, ErDF fera par exemple payer plus cher. Du coup, le projet a pas mal de chances de ne pas se faire. Ça permet une certaine auto-régulation », souligne Stéphane Muyard. Et puis, en cas de pic de production « on peut effacer (comprenez arrêter, ndlr) la production en tout ou partie. », souligne Richard Loyen, directeur général de l’association professionnelle Enerplan. « Mais ça remet en cause le contrat du producteur qui a un objectif en terme de rentabilité », rappelle-t-on au service de presse d’ErDF. Reste les « smart grid », les réseaux intelligents, qui se développent peu à peu. Soit des installations intelligentes susceptibles de régler l’effort de production en fonction de la consommation.
En fait, les producteurs accusent surtout ErDF de crier au loup avant d’en voir la queue. Mais aussi de jeter une ombre négative sur le secteur. « Je trouve ça assez scandaleux que des gens s’expriment ainsi et bloquent les énergies renouvelables », s’agace Stéphane Muyard. « ErDF a peur, résume Richard Loyen. Peur du changement. »
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