Après les tensions et les désillusions de Copenhague fin 2009, cette première séquence de négociations à Bonn, en vue de préparer la conférence de Cancún, en décembre prochain, se déroule de manière incomparablement plus apaisée. La séance d’ouverture du « AWG-LCA » (Pour « Ad Hoc Working Group on Long-term Cooperative Action under the Convention », soit les parties qui ont ratifié la Convention des Nations unies sur les changements climatiques) en charge du texte de négociation principal, a ainsi été l’occasion pour la quasi-totalité des délégations d’affirmer leur volonté d’aboutir, nul ne remettant en cause ici l’importance de l’enjeu et la gravité des menaces pour nos sociétés que représente ce bouleversement climatique.
Néanmoins, mais peut-il en être autrement, les désaccords de Copenhague n’ont pas disparu comme par enchantement : niveaux d’engagement des pays développés, mécanismes financiers, système de contrôle des émissions… la liste des oppositions est toujours aussi longue et nécessitera encore de longues séances de négociations. Mais la manière d’aborder les difficultés a probablement un peu changé.
Cela a été dit avant cette conférence, mais cela se confirme dans les déclarations des uns et des autres : abandonnant l’idée de l’adoption d’un traité global « juridiquement contraignant » dès Cancún en décembre, les délégués se concentrent sur les points d’accord immédiatement accessibles. Il s’agit ainsi de redonner une dynamique à une négociation multilatérale en grande partie décrédibilisée après l’échec de Copenhague. Parmi ces points qui semblent ainsi se préciser, l’optimisme semble de mise concernant la conclusion de l’accord REDD+ sur la lutte contre le déforestation. Même s’il est très contesté par les pays d’Amérique du Sud à l’origine du sommet de la terre-mère qui s’est tenu à Cochambamba en Bolivie, et que bien des aspects financiers restent à éclaircir, cet accord-cadre, que soutiennent aussi les grandes ONG environnementales, serait un signal fort sur la priorité à donner à la préservation des grands poumons verts planétaires, dont la destruction est aujourd’hui responsable d’une part importante des émissions.
Rare avancée de la négociation de Copenhague, la mise en place du « Fast Start », ce fonds alimenté par les Etats les plus riches pour aider les pays en développement dans leurs mécanismes d’adaptation et et d’atténuation, fait aussi l’objet de nombres de débats. Est-il réellement « additionnel » ? Ne s’agit-il que du « verdissement » de fonds pré-existants ? Les ONG sont vigilantes et les débats nombreux sur telle ou telle utilisation. On aura néanmoins noté l’énergie mise par les pays développés (Europe, Japon, Etats-Unis…) pour convaincre de la réalité de leurs engagements pour tenir la promesse de Copenhague… Après les tensions et les affrontements de l’hiver danois, le mot d’ordre est bien de « restaurer la confiance » par des faits concrets.
Sur le fond de la négociation, il s’agit de substituer à la quête, actuellement impossible, de mécanismes généraux qui se sont englués à Copenhague dans la multitude des virgules et des parenthèses d’une négociation à 190 Etats, la dynamique de la multiplicité des mécanismes d’actions, entre fonds internationaux et accords bilatéraux. C’est clairement aujourd’hui la voie privilégiée par les délégations. On ne se focalise plus sur les phrases des textes mais on cherche à générer des échanges « sur le fond » pour mieux se comprendre. C’est la réponse privilégiée après l’échec, l’année dernière, d’un processus où le formalisme des dépôts d’amendements avait bloqué le système général des négociations. L’avenir dira la pertinence de ce choix : entre contournement nécessaire des blocages et risque d’abandon définitif de l’ambition d’un accord juridiquement contraignant.
D’ores et déjà, il semble clair que Cancún, qui ne peut être la revanche de Copenhague, ne sera qu’une étape d’un processus évolutif où l’on essaiera d’acter chaque année des avancées concrètes : REDD+, quelques mécanismes innovants cette année, un cadre financier plus global en 2011…Cette politique des petits pas peut sembler inadaptée à la rapidité des changements climatiques et à l’urgence de l’action, mais personne ici à Bonn, ni dans les délégations nationales, ni dans les ONG, ne semble penser qu’il puisse en être autrement.
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