L’histoire commence – comme toute bonne histoire – à l’aube de la nouvelle année. Le 1er janvier 2010, Frédéric Crepin, militaire de Montauban, apprend de la bouche de sa télé que toute pétition signée par 1 million de personnes devra être examinée par la Commission européenne. Coup de chance, il n’est pas sourd et 24 heures plus tard, il tient son idée : il va lancer un appel contre le suremballage. « J’avais regardé les sujets abordés sur Facebook. Il y avait des gens qui s’attaquaient aux enseignes lumineuses allumées la nuit mais je me suis dit que ça aurait moins d’impact. D’autres réclamaient une étiquette énergétique modifiée sur l’électroménager mais c’est difficile de s’attaquer aux industriels. Le problème du suremballage me semblait dans l’air du temps et susceptible d’être formulé dans un texte acceptable par la Commission européenne », explique-t-il.
Le 2 janvier, vers midi, à l’heure où d’autres digèrent encore leur réveillon, le caporal-chef Crepin plonge sur son ordinateur. Avant de lancer la pétition, il crée un groupe Facebook. La première semaine, 400 personnes le rallient. « Le 8e jour, c’était un dimanche de pluie, explique, toujours précis, Frédéric Crepin, j’ai demandé aux 400 personnes de relayer l’invitation auprès de leurs propres contacts Facebook. » En 4 heures, le groupe se retrouve avec 800 membres. Et tout s’accélère. En un mois et demi, la page franchit le seuil des 100 000 adeptes. Au détour du succès, un juriste offre ses services pour rédiger la pétition tant attendue.
La question des emballages devait être intégrée au Grenelle…
L’exercice se doit d’être précis. « Pour présenter un projet devant la Commission, il faut faire valoir l’absence de législation ou la violation du droit communautaire sur cette matière », explique Pierre-François Morin, l’avocat spécialisé dans les questions d’environnement qui s’est attelé à la tâche. L’homme commence par définir le suremballage. Soit tout ce qui n’est pas nécessaire « à la protection du produit contenu, à sa conservation, son transport, son stockage, son identification ou l’information du consommateur ». Et appelle à supprimer tout ce superflu en précisant que le « droit de l’Union européenne ne propose pas de critères pour limiter la mise sur le marché des emballages ».
« Il y a bien des conventions tripartites entre les producteurs, les distributeurs et Eco-emballages mais pas de règlement contraignant », opine Sébastien Lapeyre, directeur du Centre national d’information indépendante sur les déchets (Cniid). Mais guère davantage. Pourtant, il y a encore quelques temps, la France semblait bien décidée à intégrer la question des emballages dans son Grenelle. Las, l’ambition a été réduite à peau de chagrin. « Le texte permet seulement d’installer des plateformes de désemballage à la sortie des caisses dans les supermarchés de plus de 2500 m2 », précise Sébastien Lapeyre.
« La pétition peut rester en ligne plusieurs années. La planète sera encore là »
Frédéric Crepin entend bien changer les choses. Le 12 mai, sa pétition a été mise en ligne. En deux semaines, elle a déjà recueilli 10 000 signatures. Certes, on est encore loin du million nécessaire mais le militaire est confiant. Et planche déjà sur l’offensive. Aux membres de chacune des pages Facebook – il y en a désormais neuf, chacune dans une langue spécifique–, il rappellera de diffuser le message, enverra aux médias des communiqués de presse, lancera peut-être une autre pétition pour raviver l’attention. Et si ça traîne ? « Peu importe. La pétition peut rester en ligne plusieurs années. La planète sera encore là pour quelques temps et le suremballage restera un problème. » Et si la démarche échoue, elle pourra au moins servir d’exemple. « C’est important de le faire, comme c’est important d’aller voter, souligne Frédéric Crepin. On a la possibilité de faire cette démarche citoyenne, autant l’utiliser. »
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