Conférence française pour la Biodiversité : il faut un signal fort !

Par Emmanuel Delannoy, directeur de l’institut Inspire

Au lendemain de la clôture de la conférence, 60 scientifiques de haut niveau, spécialistes de la biodiversité, lançaient un appel au chef de l’Etat pour dénoncer le décalage entre les enjeux posés par la dégradation de la biodiversité et les réponses apportées à ce jour. Au delà du manque de moyen, ce que déplorent ces savants, c’est l’absence réelle de mobilisation des élus et du gouvernement dans la lutte contre l’érosion du vivant.

Certes, la conférence de Chamonix a été ouverte par Chantal Jouanno, Secrétaire d’Etat à l’écologie. Mais ni le Président de la République, ni le Ministre d’Etat en charge du développement durable ne sont venus. Faut-il voir dans cette absence une illustration du manque de motivation que déplorent les savants ? Leur appel était préparé de longue date. Ils ne pouvaient, au moment où ils l’ont rédigé, savoir qui serait présent, ou absent. Mais le signal envoyé, ou l’absence de signal pour être plus juste, est troublant.

Car la semaine précédente, l’ONU publiait la troisième édition de son rapport sur les perspectives mondiales de la biodiversité. Et le constat est sévère : aucun des Etats signataires de la Convention sur la Diversité Biologique n’a atteint ses objectifs. La plupart des indicateurs sont au rouge et le risque d’une perte massive de biodiversité est plus que jamais d’actualité. De nombreuses espèces sont entrées dans une « spirale d’extinction » dont elles risquent bien de ne jamais sortir. La plupart des services rendus par les écosystèmes, comme le recyclage de l’eau, la lutte contre l’érosion ou la pollinisation sont dégradés.

En bien des endroits, des points de bascule irréversibles pourraient être atteints dans les prochaines années. Au delà de quelques espèces emblématiques, c’est l’ensemble de la biodiversité « ordinaire », celle dont nous avons pourtant le plus besoin, qui est aujourd’hui menacée. Plus que jamais, une mobilisation de l’ensemble des acteurs est indispensable. Et la France - avec la diversité de ses terroirs et paysages en métropole, ses territoires outre mer et sa façade méditerranéenne - compte au rang des Etats les plus concernés par l’érosion du vivant.

Vous me direz qu’il y a d’autres chats à fouetter. Que nos représentants sont déjà mobilisés sur tant de fronts, de la crise de l’euro à la signature de la loi Grenelle 2, qu’ils ne peuvent pas être partout. Mais faut-il rappeler ici ce que dit très clairement la constitution française ? « L’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ». On ne saurait dire mieux. La biodiversité constitue le socle de notre prospérité. Sa sauvegarde n’est pas qu’une question d’éthique, pas qu’un souci de conservation d’un « patrimoine naturel », mais elle est avant tout vitale, pour notre propre bien-être et celui des générations futures.

Nous dépendons des systèmes vivants pour notre sécurité alimentaire, pour notre santé, pour notre bien être et notre équilibre. A mesure que s’épuisent les ressources fossiles, cette dépendance ne fera que s’accroître.

Il faut le répéter inlassablement : la biodiversité n’est pas un problème de plus, elle est un élément de la solution. Investir dans la biodiversité, c’est croire en l’avenir. Se résigner à la laisser filer sans réagir, c’est renoncer à tout espoir d’une vie authentiquement humaine, aujourd’hui et demain.