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4-05-2010
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Finance
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Le roman de la dérive financière

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Le roman de la dérive financière
 
Flore Vasseur a publié en février « Comment j'ai liquidé le siècle », un thriller sur l'explosion du capitalisme et la fuite en avant de la finance mondiale. Plusieurs passages ne sont pas sans rappeler les déboires actuels de Goldman Sachs. Morceaux choisis.
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Dans le roman de Flore Vasseur, diplômée d’HEC, toute ressemblance avec la réalité n’est pas fortuite. Le narrateur est un dénommé Pierre, 37 ans, polytechnicien. Il occupe un poste de « quantitative trader » au Crédit général, tout comme – dans la vraie vie – Fabrice Tourre chez Goldman Sachs. Et il s’ennuie. Jusqu’au jour où il se voit confier, par une mystérieuse Mme Krudson, la mission de faire péter le système.

Extraits :

« J’ai trente-sept ans, 40 millions d’euros placés aux îles Caïmans. Je suis un camé des mathématiques browniennes. Un type payé pour titiller les fractales et planquer le risque. J’ai misé sur la déroute asiatique, surfé sur la bulle Internet, regardé ces abrutis de Merrill Lynch devenir fonctionnaires en 2008. (…) J’écris des programmes de calcul systémique, des modèles à cinquante variables. (…) J’appuie sur un bouton, lance un logiciel sur les marchés financiers. Une sorte de lampe d’Aladin qui crache du ratio à deux chiffres sans que je passe un coup de fil.

Sur le marché du travail, je suis une commodity : un produit de base qui s’achète et se vend. Un ordinateur, un téléphone, une connexion Internet : immédiatement adaptable, corvéable, je fais un boulot « liquide ». Je suis liquide. J’ai une plus-value, j’existe. Je perds, je disparais. Personne ne me demande comment je vais. Je franchis les étapes, sans chercher à savoir si cela me convient. (…) La banque loue le dernier étage du Peninsula Hotel au bout de la presqu’île de Kowloon. Elle convie la presse financière internationale, gâte des journalistes à la ramasse. Assis sur des chaises dorées, ils gobent bouche ouverte et yeux écarquillés nos communiqués financiers bourrés de mensonges. Ils les maquillent en article, se vautrent au spa, noient leur vie terne dans le luxe rococo. »

Sur l’emprise de la finance

« Les mathématiques et les codes nous ont donné le pouvoir. La complexité est l’arme absolue, le signe « + », l’unique règle. La planète est un Monopoly, les entreprises des sigles à la pelle, les cadres, les fantassins du grand capital. Le monde bosse pour nous. Nous n’apparaissons jamais. Nous, les banquiers, vivons leveragés, hyper-endettés. Nous misons un, empruntons cent, gagnons mille. PIB, cash-flow, monnaies, nous parions sur tout mais ne savons pas lire un bilan. Nous n’avons jamais mis le pied dans une entreprise, ce repaire de besogneux. Nous nous foutons de ce qu’elles produisent, du nombre de personnes qu’elles emploient. La finance a été inventée pour rendre possibles les grands projets, l’émancipation économique des peuples. En ce moment, nous parions contre l’humanité, valeur extrêmement volatile. La finance engendre des catastrophes. Elle prospère en les résorbant. Nos profits sont vos pertes. »

Sur l’impuissance du politique et l’impunité des marchés

« Largués, les politiciens publient de longues diatribes contre les excès du capitalisme. Elles sont écrites par des conseillers nés juste avant la chute du mur de Berlin. Ils nous traitent de terroristes. Ils nous ont fourni armes, cibles et plans d’attaque. Comme à Ben Laden. (…) Avec la crise des subprimes, nous venons de ruiner les populations. Au pire, je perdrai mon job et une autre banque me recrutera en doublant mon package. Pour nous, il n’y aura jamais de punition. Les médias s’acharnent sur les bonus. Il faut éviter la révélation du mensonge : depuis soixante ans, la vie à crédit est une tuerie. La finance a révélé sa mesquinerie. Elle dévaste la société. C’est qu’elle tient, bien ferme, le monde par les Bourses. »

Sur Goldman Sachs

« La firme est en train de réussir son OPA sur le monde. Les milliards sortent de nulle part, les banques sont renflouées, les populations prises en otage. C’est le casse du siècle, le plus gros délit d’initiés de l’Histoire. »

« Ils sont entrés dans la firme comme en religion, pour une expérience totale et après vingt entretiens d’embauche. Ils travaillent sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, oublient de partir en vacances. Pour ne jamais perdre de temps, ils dorment dans l’hôtel réservé à l’année par la firme, en face du siège à Wall Street. (…) Ils sont notés sur tout, comparés chaque jour, coachés en permanence par des parrains et marraines. Les salaires sont astronomiques, le rythme infernal, les carrières courtes. « Goldman Sachs est un poulpe géant dont les tentacules enserrent la face de l’humanité, pompant tout ce qui a l’odeur de l’argent », a écrit Rolling Stone Magazine dans son édition d’octobre. (…) Lloyd Blankfein, le patron de Goldman Sachs, exulte. Avec ses 68 millions de dollars de revenus annuels (et 500 millions d’actions de la firme), il est le plus heureux des banquiers. Dans une interview donnée au Sunday Times, il vient de déclarer : « Je suis juste un banquier, issu de classe moyennes, qui fait le travail de Dieu. » »

Sources de cet article

- Photo : Francis Costa

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Entrepreneur, chroniqueuse sur France Culture, Flore Vasseur est aussi documentariste et romancière. Elle est notamment l’auteur du roman « Comment j’ai liquidé le siècle », une charge féroce contre l’oligarchie politico-financière.

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