Les vieilles recettes sont les meilleures. Les messageries roses avaient, en leur temps, fait décoller le Minitel. Le mot "sexe" est rapidement devenu la requête la plus courante sur les moteurs de recherche Internet... Et la téléphonie mobile est en passe de tomber la chemise, voire davantage. Les premiers appareils capables d’échanger des messages multimédia (MMS), autrement dit de recevoir des images, des photos et des sons, ont fait leur apparition depuis quelques mois. "Et d’ici quatre ou cinq ans, 80 % des téléphones mobiles, sur un total de 270 millions en Europe, pourront recevoir des images", estime Jean-Charles Doineau, consultant à l’Idate, un cabinet d’études spécialisé en téléphonie mobile. Déjà, "les images érotiques circulent entre portables, parfois même sous forme de spam [messages non sollicités, ndlr]", avertit Fran Fanning, chef de produit chez Telcotec, société informatique de Dublin.
Orange et sa "pin-up du jour"
Le marché est à saisir : les revenus dérivés des MMS pourraient atteindre 18,7 milliards d’euros dans le monde en 2008, selon le cabinet de conseil Strategy Analytics. Les échanges de MMS entre particuliers (P2P, ou de "Paul à Pierre") devraient représenter l’essentiel de cette coquette somme, et les services d’abonnement aux MMS coquins (A2P ou "application-to-person") rapporter 4 milliards d’euros.- Illustration : Sami Boularès
Des images coquines partout, n’importe quand, et voilà notre portable paré de nouveaux charmes. Les opérateurs sont, eux, envoûtés. En France, Orange assure avoir une politique stricte de sélection des fournisseurs de contenus, et ne pas divulguer les numéros de portable à des tiers. Et pour cause, l’opérateur ne souhaite voir personne occuper le marché du MMS rose à sa place. Pour 8 euros par mois, pin-up du jour, hot girl, mangas X, strip-tease et kamasutra sont désormais au programme. Sur le portail Vodafone Live de SFR, la pin-up est à 0,99 euro pièce. Chez Bouygues Telecom, les MMS de charme - modèles Playboy ou Lui - sont facturés "au poids", 750 kilo-octets pour 5 euros par mois. Plus la photo est précise, plus il en coûte à l’utilisateur voyeur. Bouygues Télécom empoche 14% du total et l’éditeur du service 86%.
"Surface de nudité"
Tandis que les opérateurs distillent des images cochonnes, la société Telcotec œuvre à la diffusion d’un logiciel de filtrage des MMS. Ce programme, doté d’une intelligence artificielle "évalue la façon dont se présentent les corps, pour distinguer les nus artistiques des images à caractère pornographique", précise Fran Fanning. En fait, il analyse les images pour en calculer "la surface de nudité" (sic) et rejeter les plus osées. "Le service de filtrage devrait intéresser les parents inquiets de voir leurs enfants visionner des images pornographiques, qui pourraient être échangées entre les enfants eux-mêmes ou bien reçues sous forme de spams", souligne Fran Fanning.Mais le système n’est pas sans faille. S’il fonctionne pour les images reçues sous forme de MMS - qui s’affichent instantanément sur l’écran du téléphone -, il filtre très difficilement les pièces jointes aux e-mails reçus sur le téléphone portable. Quoi qu’il en soit, la pudeur a un coût : 14 euros par an pour l’abonné qui en ferait la demande à son opérateur, estime la société Telcotec. Celle-ci compte bien vendre son invention aux opérateurs Orange, SFR et Bouygues Telecom. Ces derniers tiennent à conserver leur part de marché élevée chez les jeunes, et doivent donc rassurer les parents. Aux opérateurs les bénéfices du rose, à Telcotec ceux de la censure.
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions