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21-04-2015
Mots clés
Finance
Climat
Europe
France
Interview

« Les monnaies locales peuvent encourager la transition énergétique »

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« Les monnaies locales peuvent encourager la transition énergétique »
(Crédit photo : taxtebate.org.uk - Flickr)
 
Et si le sol-violette ou l'Eusko allaient plus loin ? Ces monnaies complémentaires boostent déjà l'économie du coin, et si elles soutenaient les investissements écoresponsables ? L'économiste Jérôme Blanc y croit.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Le sol-violette à Toulouse, la Pêche à Montreuil (Seine-Saint-Denis), l’Eusko au Pays Basque… Une trentaine de monnaies locales complémentaires ont fait leur trou en France. Le principe est simple : on troque ses euros pour des espèces sonnantes et locales à dépenser dans les commerces de proximité. Selon le rapport remis le 8 avril à Carole Delga, secrétaire d’Etat chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Economie sociale et solidaire, ces monnaies pourraient permettre une « nouvelle prospérité ». Et si cette prospérité était aussi écologique ? A quelques mois de la COP21, les rapporteurs ont juxtaposé les contributions de deux économistes, Michel Aglietta et Jérôme Blanc, pour mettre en lumière la capacité des monnaies locales à favoriser la transition écologique. L’idée s’appuie sur des travaux antérieurs de Michel Aglietta, qui propose de donner une valeur sociale aux non-émissions de gaz à effet de serre pour booster les investissements les plus écologiques. La nouveauté arrive ensuite : Jérôme Blanc a étudié la possibilité de relier cette valeur sociale du carbone évité aux monnaies complémentaires. Objectif : soutenir localement les projets les moins polluants.

Terra eco : Votre proposition réconcilie monnaie et développement durable. Est ce que cela signifie que la finance est incapable de promouvoir la transition énergétique ?

Jérôme Blanc : On a manifestement un problème de financement pérenne des investissements bas carbone à cause d’une double incertitude. D’abord, les acteurs privés ne sont pas enclins à financer des projets risqués, peu rentables et dont les effets ne seront visibles qu’à long, voire très long terme. La deuxième difficulté est liée à l’humeur changeante des pouvoirs publics. Dans le passé, on a vu des dispositifs très incitatifs permettre à une industrie, comme le solaire, de se développer. Et d’un coup, cette dynamique se retrouve brisée par un changement d’agenda politique. La proposition de Michel Aglietta de donner une valeur sociale au carbone vient contrer cela pour inciter les acteurs à investir. A la différence d’un prix comme celui des droits d’émission de gaz à effet de serre, la valeur sociale ne fluctue pas en fonction du marché. Elle est fixée pour cinq ans. Ensuite, pour éviter que les gouvernants ne reviennent dessus, cette valeur est internationale et donc moins soumise aux changements politiques.

Pourquoi avoir choisi les monnaies locales pour proposer une application de cette idée ?

Les monnaies locales favorisent les achats de proximité, ce qui va de pair avec l’idée de transition écologique. Il faudra tout de même réfléchir à la question du périmètre concerné. Si l’on accorde un crédit ou une subvention en monnaie locale à un projet qui émet peu de gaz à effet de serre, il faut que le porteur de projet ait la possibilité de dépenser son argent dans le territoire concerné par la monnaie locale. Prenons la construction d’une maison écologique, par exemple. Cela implique de trouver des fournisseurs et des professionnels qui acceptent d’être payés en monnaie locale. Il faudra dans tous les cas garder une certaine souplesse, car il y a plein de choses que l’on ne produit plus localement et qu’il n’est pas question de relocaliser.

Concrètement, à quoi pourrait ressembler la prise en compte de la valeur sociale du carbone par les monnaies locales ?

Les collectivités locales ou territoriales auraient la possibilité de subventionner ou d’accorder un crédit à taux zéro aux entreprises ou aux ménages qui ont des projets qui émettent peu de gaz à effet de serre. L’évaluation des projets serait confiée à des organismes indépendants. Les sommes distribuées proviendraient, elles, d’un fonds d’investissement pour la transition écologique alimenté en monnaie locale par les collectivités.

Les collectivités locales devraient alors assumer le coût de la transition énergétique ?

Cela suppose la mise en place de politiques publiques d’investissement, mais les collectivités locales n’auraient pas vocation à tout financer : il s’agit simplement d’un coup de pouce.

Cela implique tout de même de pouvoir alimenter ces fonds…

C’est là qu’intervient le mécanisme de valeur sociale du carbone. Jusqu’à maintenant, quand une association émet de la monnaie locale, elle place la somme équivalente en euros sur un compte en banque. Cela permet d’assurer la convertibilité de la monnaie. Si l’on fixait une valeur sociale du carbone au niveau international, comme le propose Michel Aglietta, cela pourrait évoluer. Les collectivités auraient la possibilité d’émettre de la monnaie locale sans autre contrepartie qu’un certificat carbone. Imaginons un investissement qui permette d’économiser dix tonnes de carbone, par exemple. On prendrait la valeur sociale de la tonne de carbone, on la multiplierait par dix pour obtenir une somme en euros que l’on convertirait ensuite en monnaie locale pour obtenir un apport monétaire contre un certificat carbone.

Dans sa contribution, Michel Aglietta évoque la nécessité d’une instance internationale, comme un nouveau Fonds monétaire international (FMI) pour fixer et contrôler la valeur sociale du carbone. Pour les monnaies locales, qu’est ce que cela nécessiterait ?

Aujourd’hui, les monnaies locales sont principalement utilisées par des particuliers qui, par conviction, se rendent dans des bureaux de change pour convertir des euros en sols-violettes, par exemple, avant de faire leurs courses. Les professionnels ont beaucoup de difficultés à les utiliser pour payer leur fournisseurs. Pourtant, les monnaies locales peuvent aller encore plus loin et encourager la transition énergétique. Pour cela, il faut encourager leur utilisation, en permettant leur usage électronique notamment. C’est la première étape. Ensuite, les monnaies locales sont portées par des citoyens. C’est très bien, mais les connexions aux collectivités sont réduites, ce qui limite leur impact. Il faudrait que les associations qui portent ces monnaies soient remplacées par des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) dans lesquelles on trouverait les salariés de la SCIC, des citoyens, des partenaires financiers, mais aussi des collectivités locales et territoriales. C’est le meilleur moyen d’éviter que les citoyens soient dépossédés de leur initiative tout en intégrant les monnaies locales dans une logique de politiques publiques. Plus puissantes, les monnaies pourraient alors servir à investir au lieu de se limiter à des achats militants.

Pour que le mécanisme fonctionne, il faut que les monnaies locales aient un certain poids. En est-on loin aujourd’hui ?

En France, c’est l’Eusko, la monnaie du Pays Basque qui est la plus aboutie. Il en circule l’équivalent de 350 000 euros environ, ce qui est déjà pas mal ! A chaque fois qu’un Eusko est converti en euro, Herrikoa, une société de capital-risque abonde un fonds qui sert à soutenir des projets à dimension sociale, éthique et environnementale. Une dizaine de milliers d’euros ont déjà été distribués, ce qui est bien, mais tout de même limité. De manière générale, les monnaies locales manquent de connexions avec des structures de financement locale et solidaire. Les monnaies complémentaires manquent aussi d’appui des collectivités. Depuis juillet 2014, celles-ci peuvent percevoir les impôts ou les entrées de théâtre ou de piscine en monnaie locale. Et pourtant, à ma connaissance, aucune ne l’a proposé.

La proposition se focalise sur le carbone. N’est-ce pas réducteur ?

La transition écologique touche aussi à la biodiversité ou à la préservation des sols, mais la question du carbone est tellement grande et déterminante qu’il est essentiel de la prendre en compte. Si l’on arrive à connecter les monnaies locales à la valeur sociale du carbone, ce sera déjà un grand pas. Nous ne prétendons pas inventer un système miracle, mais ces propositions peuvent constituer de bonnes bases. Il appartient au ministère de les approfondir puis, éventuellement, de les soumettre au moment de la COP21.

Selon Michel Aglietta, la valeur sociale du carbone pourrait devenir le nouvel étalon universel des pays engagés au sein de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Y croyez-vous ?

La valeur sociale du carbone n’est pas palpable comme pouvaient l’être des lingots d’or. Mais il ne faut pas oublier que, dans les faits, les lingots d’or circulaient peu, hormis en temps de guerre quand on cherchait à les protéger. Remplacer l’or ou le dollar par une valeur qui tiendrait compte du changement climatique, pourquoi pas ? L’idée a le mérite de rendre une stabilité à un système qui n’en a pas et surtout de le rendre compatible avec une environnement dans lequel les ressources ne sont pas infinies. Nous venons de traverser de grosses crises et nous en connaîtront surement d’autres. Voyons-les comme des opportunités : elles nous offrent la possibilité de repenser les systèmes.

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- « Toulouse rend la monnaie solidaire »
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- « Le marché européen du carbone part en fumée »

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