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12-11-2015
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Environnement
Climat
Monde

Gaz à effet de serre : comment calcule-t-on ses émissions ?

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Gaz à effet de serre : comment calcule-t-on ses émissions ?
(Crédit : Piotr Fajfel - Oxfam)
 
Pour espérer réduire le CO2 qu'on balance dans l'atmosphère, encore faut-il savoir combien on en émet. Raison pour laquelle les pays doivent régulièrement faire leur bilan. Mais comment ? Et avec quelle fiabilité ? Explications.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Le 1er octobre, ils étaient 146 pays à avoir soumis 119 copies – les 28 Etats membres de l’Union européenne n’en remettant qu’une seule – au secrétariat de la COP. Armés de ces contributions nationales (INDC pour « intended national contributions »), ils s’engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Mais avant de faire des promesses sur l’avenir, encore faut-il que les nations sachent où elles en sont aujourd’hui. Ce sont les inventaires nationaux, renouvelés chaque année, qui servent de base. Des inventaires que les pays industrialisés – rassemblés dans l’Annexe 1 de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) – ont l’obligation d’établir depuis la signature du protocole de Kyoto, en 1997. Mais comment sont-ils élaborés ? Avec quelle fiabilité ? Sont-ils vérifiés ? Elements de réponses avec un expert du Citepa (Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique), l’organisme chargé par le ministère de l’Environnement de réaliser ces inventaires pour la France.

Que prend-on en compte ?

Dans leurs bureaux du centre de Paris, une vingtaine d’experts du Citepa traquent les gaz à effet de serre et les polluants atmosphériques émis par la France. Des gaz divers envoyés dans l’atmosphère par une pléiade d’acteurs – industriels, transporteurs, agriculteurs ou encore citoyens. Des gaz à la nature très diverse : dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote, hydrofluorocarbures… Tant que, pour y voir plus clair, les experts attribuent à chacun de ces gaz un pouvoir de réchauffement global (PRG) qu’il compare à celui du CO2. Ainsi, dans leurs calculs, une tonne de méthane (CH4) comptera pour 25 tonnes de CO2. Tandis que l’émission d’une tonne de protoxyde d’azote équivaudra à 298 tonnes de CO2. Le tout apparaîtra donc en CO2eq ou CO2 équivalent.

D’où viennent les données ?

C’est là que la tâche se complique. Car les sources d’émissions sont diverses. Prenons une centrale thermique au gaz, par exemple. Fastoche. Puisqu’elle est incluse dans le système européen d’échange des quotas, recevant au passage des droits à émettre, elle sait parfaitement ce qu’elle consomme et relâche. Chaque kg de gaz qui s’en échappe est scruté à la loupe par des vérificateurs agréés venus de cabinets d’audit du type Ernst & Young, Deloitte, PricewaterhouseCoopers… Ceux-ci examinent le dossier de la centrale sur le papier ou se déplacent dans le cas des sites très polluants (quotas supérieurs à 500 000 tonnes de CO2 par an). Une fois leurs émissions calculées, les industriels remplissent une déclaration sur le site Gerep du ministère de l’Ecologie. Déclaration qui sera à son tour vérifiée par les inspecteurs des Dreal (directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement). Pas de calcul au doigt mouillé donc pour les 1 100 sites français couverts par le système de quotas et qui pèsent pour 25% des émissions françaises « Il y a beaucoup de niveaux de vérification par des organismes indépendants », souligne Julien Vincent, expert au Citepa.

Mais quid des autres sites industriels ? Pour ceux-là, les examinateurs du Citepa plongent dans les données du Bilan énergétique français, publié chaque année. « Si on prend le chauffage urbain, par exemple. L’ensemble des sites (les chaufferies, ndlr) ne sont pas couverts par le système de quotas. On prend donc la ligne chauffage urbain dans le bilan de l’énergie et on soustrait les sites couverts par les quotas », décrypte Julien Vincent. Et pour les secteurs complètement hors système d’échange européen ? « On se cale directement sur le bilan de l’énergie », précise-t-il.

Reste le cas, à part, du transport routier. Touché par ricochets par l’affaire Volkswagen, le Citepa insiste : « Il n’y a pas de sous-estimation au niveau national ». Simplement parce que les experts ne se fient pas au nombre de voitures qui roulent sur nos routes et à leur performance environnementale affichée. Certes, « nous entrons les données du parc automobile (nombre de voitures essence/diesel, vitesses moyennes…) mais nous le faisons davantage pour avoir des chiffres sur les émissions de polluants plutôt que sur le CO2. Pour le CO2, nous nous fondons essentiellement sur les consommations d’essence et de gazole au niveau national et non pas sur les voitures individuelles. Il ne s’agit pas de faire des mesures au niveau du pot d’échappement », poursuit Julien Vincent. Qu’importe donc si Volkswagen a triché et sous-estimé drastiquement les émissions de ces véhicules, le Citepa voit plus large pour ses calculs.

Quelles vérifications ?

Une fois les émissions calculées, sont-elles inattaquables ? Pas vraiment. Un contrôle est donc organisé par les experts du Groupe de concertation et d’information sur les inventaires d’émissions (voir article 6), composé des représentants de différents ministères. Mieux, « de manière volontaire, le Citepa participe à des revues bilatérales entre pairs afin de vérifier et améliorer si besoin les méthodologies mises en œuvre. Par exemple, le Citepa a participé à des revues bilatérales avec les experts des inventaires nationaux du Royaume-Uni et de l’Allemagne », écrit par e-mail Julien Vincent. Voilà pour la vérification en interne ou volontaire.

Mais les Nations unies ne sauraient s’en contenter. Pour obéir au protocole de Kyoto, tous les pays de l’Annexe 1 doivent se prêter au jeu de la vérification. C’est la règle de la MRV (pour « mesure-reporting-vérification »). Et ces contrôles sont de deux ordres : centralisés ou approfondis (ou « in-country »). Si les premiers sont réalisés chaque année à Bonn, en Allemagne, à partir de la paperasse fournie par les pays, les seconds ont lieu dans le giron même des nations. La France a ainsi été contrôlée en septembre 2010 par des experts agréés (1). « Ça se passe comme ça : six experts viennent chez vous pendant une semaine. On leur présente la méthodologie, ils entrent dans les fichiers Excel. C’est assez intrusif. Si par hasard il y a une sous-estimation, ils rédigent un rapport pour dire qu’il y a un problème. Et il faut recalculer l’inventaire. Si ça se reproduit plusieurs fois, on peut être en théorie forcé de sortir de Kyoto », assure Julien Vincent. Un système dissuasif : « Les six pays dont l’inventaire a un jour été jugé déficient ont rapidement corrigé le tir pour perpétuer leur participation à la mise en œuvre conjointe (projets de compensation dans les pays développés, ndlr) et aux échanges de droits d’émissions », souligne une publication de la Caisse des dépôts et consignations Climat en date de juin 2015 (voir PDF).

Reste un ultime barrage à passer pour les 28 de l’Union : les révisions européennes qui s’appliquent dans le cadre d’un énième acronyme, les MMR (monitoring mechanism regulation). « En termes de réduction d’émissions et de projections, ça va plus loin que ce que demandent les Nations unies », assure l’expert du Citepa. Mais ce contrôle-là n’en est encore qu’à ses balbutiements. « A partir de l’année prochaine, il devra avoir lieu tous les ans, pour chaque pays européen. Pour être sûr qu’ils respectent les objectifs de plafond d’émissions, non seulement pour les industries sous quotas mais surtout pour les hors quotas : l’agriculture, le tertiaire, les transports », précise Julien Vincent.

Et pour les autres pays ?

La chose est tout autre pour les pays qui n’appartiennent pas à l’Annexe 1. D’abord parce qu’ils ne sont forcés de rien. Si nombre d’entre eux donnaient leurs chiffres d’émissions tous les quatre ans, via des communications nationales, désormais, ils sont fortement incités à rapporter leur inventaire d’émissions tous les deux ans dans le cadre de Rapports biennaux actualisés (BUR). Mais « ils n’ont pas d’obligation réelle. Là, par exemple, on travaille avec le Maroc qui devait soumettre son inventaire l’année dernière et qui a pris du retard », poursuit l’expert. Du retard qui ne lui coûtera aucun reproche. Mais lui vaudra peut-être une bonne publicité. La CCNUCC publie la liste des pays qui jouent le jeu de l’inventaire (voir ici pour les communications nationales et ici pour les BUR.

Et du côté de la vérification ? Rien d’obligatoire non plus. D’ailleurs, le terme même de « vérification » en fait encore frémir plus d’un. « La seule vérification prévue actuellement est l’ICA (pour « Consultation internationale et analyse ») dans le cadre des discussions non intrusives sur les BUR », avance Julien Vincent par e-mail. Vous suivez toujours ? Retenez simplement qu’il s’agit d’une « consultation » et donc que les experts mandatés n’y jouent guère un rôle du gendarme. « Ce procédé a pour objectif principal d’aider les pays à améliorer leur BUR plutôt qu’à en analyser la qualité », précise-t-il à l’écrit. « C’est une équipe d’auditeurs – il ne faut surtout pas dire « vérificateurs » – qui mènent une discussion ouverte avec des pays ou des groupes de pays pour améliorer leur bilan. C’est davantage de l’ordre du soutien que de la vérification. Ce n’est pas intrusif du tout. Les pays ne risquent rien », poursuit-il au téléphone. Sauf que les pays ont tout intérêt à se laisser faire, notamment s’ils veulent encaisser des financements internationaux.

Même pour la Chine ?

Le 4 novembre dernier, la Chine annonçait qu’elle avait fortement sous-estimé son bilan, oubliant au passage 1 milliard de tonnes de gaz à effet de serre par an « soit plus que ce que l’économie allemande émet chaque année à partir de combustibles fossiles », soulignait alors Le Monde. Une preuve que le manque de vérification des chiffres publiés par les pays non-Annexe 1 peut induire de grossières erreurs et brouiller le bilan du monde entier ? Ce n’est pas sûr. L’erreur « n’aurait pas forcément été repérée lors d’une revue d’inventaire durant laquelle nous comparons les données utilisées avec les statistiques internationales, notamment celles de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). C’est donc plus un problème de statistiques sources qu’un problème de méthode ». En clair, si la Chine s’est trompée, c’est juste « qu’elle a dû oublier quelques mines… », risque Julien Vincent.

(1) Ils sont réalisés par des experts agréés par la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et embarqués dans des équipes de six, de préférence équilibrées entre pays industrialisés et pays en développement. La France en compte quatre : trois au Citepa (dont l’expert Julien Vincent), un à l’Inra (Institut national de la recherche agronomique). Quatre experts qui n’ont pas le droit de plancher sur le cas de la France même s’ils n’ont pas participé à son inventaire.

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