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8-01-2015
Mots clés
Urbanisme
France

Rien de tel qu’un banc pour faire marcher les villes

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Rien de tel qu'un banc pour faire marcher les villes
(Crédit photo : Daniel Paquet - Flickr)
 
Les SDF, les jeunes, les musiciens et les désœuvrés qui squattent les bancs publics sont le prétexte à leur déboulonnement. Sans eux, pourtant, les urbains se cloîtrent et la cité risque de mourir.
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A Angoulême (Charente), on a voulu les grillager ; à Perpignan (Pyrénées-Orientales), on veut les escamoter. Régulièrement, depuis plusieurs décennies, certains élus veulent la peau du banc public. Pour le réduire en allumettes, ils l’accusent du pire des maux de la cité : la nuisance. Squatté par les SDF, les jeunes, les musiciens, les chômeurs, les désœuvrés, voilà les riverains exaspérés, les commerçants à cran, les habitants inquiets. En bon bouc émissaire, c’est le banc qui trinque. « Le banc disparaît là où il y de la démagogie de la part des élus et de l’incapacité politique à gérer les conflits », explique Jean-Paul Blais, sociologue et urbaniste, enseignant à l’Ecole des ingénieurs de la ville de Paris.

Une petite pétition et ciao ! Pire, la tentation est grande pour ceux qui ne veulent pas voir s’afficher la pauvreté ou l’oisiveté de prévoir et d’organiser l’éclipse du siège. Résultat, on se plaint, à Marseille, de l’absence de bancs dans le réaménagement du quai des Belges, au Vieux-Port. Fini le repos face à la Bonne Mère, gémit un blogueur de la cité phocéenne. Pas de bancs sur la Grand-Place de Lille pour souffler un peu, pleure une internaute ch’ti sur le site de la Voix du Nord. Les exemples foisonnent qui le réclament aux aménageurs. Car paradoxalement, le banc est un objet dont les citadins ne peuvent pas se passer.

Des bancs pour des villes qui bougent

Au Promu, le syndicat des professionnels du mobilier urbain, le phénomène est bien connu. « On vend très peu de bancs en début de mandat, les élus n’y font pas attention, explique Rodolphe Dugon, secrétaire général du syndicat. En revanche, deux ou trois ans avant les élections municipales, les mairies en installent. » Impossible de chiffrer précisément l’augmentation ou la diminution de ces objets du quotidien citadin. Trop peu d’entre elles ont pris soin de les compter. Tout juste apprendra-t-on, grâce aux données publiées par les collectivités, que la commune de Pau (Pyrénées-Atlantiques) en compte 1 460, que Toulouse en comptabilise 3821 et Paris près de 10 000. Difficile dans ces conditions d’établir un palmarès qui vaudrait pourtant le détour.

Car le banc est loin de symboliser l’immobilisme d’une ville. « C’est même l’inverse. Les mœurs ont changé, les gens sont beaucoup plus dehors qu’il y a quinze ans : les bancs sont victimes de leur succès !, rappelle Sonia Lavadinho, chercheuse au centre de transports à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. Une ville créative, qui bouge, comme Nantes ou Bordeaux, en France, est une ville qui en installe par milliers et c’est pour ça qu’elles attirent. » De la pause-sandwich à la petite clope avant de reprendre le travail, de la halte du joggeur à quelques précieuses minutes de bulle avant un rendez-vous, c’est l’ère des microséjours sur la place publique qui s’est ouverte. Jadis, le banc était au service des dimanches au parc avec les mioches. Aujourd’hui, comment s’en passer quotidiennement sur les places, voies sur berges et artères volées à la circulation automobile ?

Le banc brille par sa gratuité

Le célèbre architecte danois Jan Gehl, aux manettes de la revitalisation de quartiers à Londres, New York, São Paulo, Sydney et Copenhague, en a fait l’un des douze critères d’aménagement requis pour atteindre la qualité optimale d’un environnement piétonnier : dans la grande reconquête de la cité par les piétons, s’asseoir est une priorité. N’en déplaise aux pisse-froid, un banc saturé de postérieurs constitue un signe de bonne santé urbaine. Y poser le sien demeure un choix et l’on préfère toujours les endroits accueillants. « Certains prétendent que le banc amène du danger, ils se trompent, tempête l’urbaniste Anne Faure, présidente de l’association Rue de l’avenir. Le banc amène les gens dans la rue, cette présence dissuade certains délits : le banc est un outil d’agrément et de sécurité urbaine ! » Banal et indispensable, le banc brille également par sa gratuité. « L’espace public doit être libre et accessible à tout le monde. Si pour vous asseoir vous êtes obligé de vous mettre à une terrasse de café et de consommer, ce n’en est plus un », avance le designer Marc Aurel.

Depuis vingt ans, ce spécialiste du mobilier urbain cherche des alternatives au banc haussmannien qu’il estime un poil obsolète. Il utilise ainsi de nouveaux matériaux, comme la céramique, plus résistante, belle, moins onéreuse à l’entretien pour des collectivités. Et planche également sur d’autres formes : banquettes ou fauteuils, côte à côte, face à face, en salon, bientôt connectés.

Indispensable pour les aînés

Dans son plus simple appareil comme dans ses nouveaux habits, le banc public a de beaux jours devant lui. Il est le havre du passant, l’oasis du flâneur. Et ce n’est pas un luxe. « Le paradoxe, en effet, c’est qu’en ville, pour que les gens puissent marcher, il faut pouvoir passer du temps assis ! », lance Sonia Lavadinho. Sortons le podomètre : l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande 10 000 pas, 5 ou 6 kilomètres, soit une heure par jour de marche pour rester en bonne santé. Fastoche pour les athlètes et la prime jeunesse qui n’en feront qu’une bouchée. Enceintes, boiteux et ventripotents, eux, ne pourront jamais se passer de pause et donc de bancs. Mieux, les bancs deviendront à terme le refuge des vieux. « Si les personnes âgées ne peuvent pas fractionner leur trajets, c’est bien simple : elles ne sortiront plus et ce sera la catastrophe », s’alarme Anne Faure.

Dans nombre de quartiers imaginés et construits pour les voitures dans les années 1960 ou 1970, continuer à faire le tour du pâté de maison s’avère souvent une gageure lorsqu’on y voit mal, que le souffle est court, les genoux douloureux et le sac de courses toujours trop lourd. Rester cloîtré parce que le premier banc est à dix minutes, et c’est la perte d’autonomie assurée. En 2007, l’OMS a fait du banc un élément urbain indispensable de son guide mondial des « villes amies des aînés ». Portland, aux Etats-Unis, la première ville à s’être engagée dans la démarche, en a équipé ses trottoirs. Au mois de mai dernier, Manchester, au Royaume-Uni, recevait à son tour le label « Age friendly », après, parmi d’autres mesures, en avoir installé devant ses commerces.

« Le banc crée plus de ville, plus de vie- »

Ne souriez pas, jeunes ! Avec 25% de plus de 65 ans dans les pays d’Europe occidentale en 2030, le banc sauvera peut-être votre sécurité sociale. « Le banc dans l’espace urbain, c’est une question de santé publique, explique Sonia Lavadinho. Prenez les dépenses de santé liées à la sédentarité et imaginez combien de bancs on pourrait installer ! » Pour la sociologue, cet objet si banal et pourtant exceptionnel, trop souvent livré aux seuls services techniques, devrait faire partie intégrante de la conception de l’espace public. « C’est un objet de sociabilité : le banc crée plus de ville, plus de vie, souffle-t-elle. Si le banc ne remplit pas cette fonction, c’est seulement que ce n’était pas le bon banc, ou qu’il n’était pas au bon endroit. » Plutôt que d’en faire une variable d’ajustement de la peur de l’autre, espérons que les édiles pressés y fassent une pause et lui consacrent une pensée.



La difficile équation du banc public

A Paris, chaque banc coûte à la mairie 16,50 euros d’entretien par an. Une faible somme expliquée par le recyclage à 80% des lattes en bois qui, poncées et repeintes, habillent un autre banc. A raison de 26 000 bancs dans la capitale, le budget atteint 430 000 euros. D’après les spécialistes, plus un banc est occupé par un public divers, meilleure est sa santé. Les bancs mal placés, délaissés, attirant une seule catégorie de population – les fumeurs et leurs mégots, par exemple – ont toutes les chances de se dégrader rapidement. —

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