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10-02-2005
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Technologie
Monde

Jeremy Rifkin : quand l’économie se parfumera à l’hydrogène

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Que deviendrons-nous dans un monde sans pétrole ? Terra economica a posé la question à l'économiste américain Jeremy Rifkin, célèbre pour ses ouvrages L'économie hydrogène et La fin du travail. Apprêtez-vous à brancher votre réfrigérateur sur la voiture de fonction du voisin...
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Jeremy Rifkin, président de la Foundation on Economic Trends

"Nous sommes aux balbutiements d’un changement historique dans notre manière d’appréhender l’économie mondiale de l’énergie. L’âge industriel qui commença avec le transport de la houille à partir de Newcastle, il y a quelques centaines d’années, touche à sa fin dans les champs pétrolifères du Moyen-Orient. Nos géologues experts en pétrole prédisent que la production mondiale peut s’effondrer ("Peak Oil") dès 2010, au plus tard en 2037. Le "Peak" désigne le moment où la moitié des réserves connues de pétrole brut sera consommée. Ce point atteint, les prix augmenteront en flèche et continueront de grimper d’autant plus que nous entamerons notre glissade, franchissant un à un les paliers d’alerte qui jalonnent la courbe de la production mondiale dans sa phase descendante, inexorablement [1].

De l’eau et de l’énergie

Dans le même temps, une source entièrement nouvelle d’énergie est en passe de voir le jour. L’hydrogène - la plus légère et la plus abondante ressource disponible dans l’univers - constitue notre prochaine révolution énergétique majeure. Les scientifiques le surnomment "le pétrole infini", pour définir la dimension inépuisable de la ressource. Autre avantage, lorsque l’hydrogène est employé à des fins de production d’énergie, ses uniques résidus sont l’eau pure d’un côté, l’énergie de l’autre.

Cette ressource a le potentiel de couper court à notre dépendance au pétrole. Elle réduira les émissions de dioxyde de carbone, contribuant du même coup à l’apaisement des effets liés au réchauffement de la planète. Son abondance permettra à des populations n’ayant jamais eu accès à l’électricité, d’en produire elles-mêmes.

Réserves limitées

L’hydrogène est disponible partout sur terre, mais on en trouve rarement dans la nature sous forme de gisement pré-constitué. On doit l’extraire des hydrocarbones ou de l’eau. A ce jour, la façon la plus économique de produire un hydrogène commercialisable est de l’extraire du gaz naturel, à partir d’un procédé de transformation par évaporation. Néanmoins, tout comme pour le pétrole, les réserves en gaz sont limitées, ce qui n’en fait pas une ressource durable. L’hydrogène pourrait également être extrait du charbon, mais cela signifierait un accroissement des émissions de dioxyde de carbone. Il existe une dernière façon de produire de l’hydrogène, un procédé sans aucune consommation d’énergie fossile. Les sources d’énergie renouvelable - photovoltaïque, éolienne, hydro et géothermique - sont de plus en plus utilisées pour produire de l’électricité. Par électrolyse, cette électricité permet de transformer l’eau, en hydrogène d’un côté, et en oxygène de l’autre. L’hydrogène peut également être extrait de résidus et déchets produits par l’industrie énergétique et l’agriculture, communément appelés biomasse. Une fois produit, l’hydrogène peut être stocké et utilisé pour produire de l’électricité.

Le point essentiel, à ne jamais perdre de vue, c’est que l’énergie renouvelable est une énergie intermittente. Une société de l’énergie renouvelable est donc impossible, sauf à stocker l’énergie produite sous forme d’hydrogène. Le soleil ne brille pas tous les jours, le vent ne souffle pas tous les jours, et l’eau ne coule plus forcément de source lorsque survient une sécheresse. Lorsque l’énergie renouvelable vient à manquer, il devient impossible de générer de l’électricité et l’activité économique se fige d’un coup. Mais, si en période d’abondance d’énergie renouvelable on consacre une partie de l’énergie produite en amont à l’extraction puis au stockage de l’hydrogène à partir de l’eau, nous disposerons alors d’une source d’énergie viable et continue.

Jusqu’à 40 jours d’autonomie

Les centrales de production d’énergie fonctionnant à partir d’hydrogène trouvent déjà des applications commerciales à la maison, au bureau, dans l’industrie, et des cartouches d’hydrogène portables seront disponibles sur le marché dans quelques années. Les consommateurs pourront ainsi recharger leurs batteries de téléphone, ordinateur et autres applications domestiques, jusqu’à 40 jours d’autonomie et même davantage, avec une seule cartouche portable. Les principaux constructeurs automobiles ont déjà dépensé plus de 2 milliards de dollars en recherche et développement sur les automobiles, autobus et camions à hydrogène, et les premières productions à l’échelle industrielle devraient voir le jour en 2009. Car si les coûts d’exploitation des énergies renouvelables et d’extraction de l’hydrogène sont encore élevés, de récentes avancées technologiques couplées à des économies d’échelle permettent de les réduire chaque année. Les systèmes d’énergie à hydrogène sont par ailleurs deux fois plus efficaces que le moteur à combustion interne.

La grimpette des prix du pétrole

Néanmoins, les coûts directs et indirects du pétrole et du gaz vont continuer de grimper sur le marché mondial. Tandis que nous nous rapprochons du nexus entre baisse tendancielle des prix des énergies renouvelables et de l’hydrogène d’une part, et augmentation structurelle du prix des énergies fossiles d’autre part, c’est donc l’économie actuelle de l’énergie traditionnelle qui constitue le lit le plus sûr de notre transition vers la nouvelle ère énergétique.

L’économie de l’hydrogène débouchera sur une nouvelle donne énergétique, avec de multiples conséquences pour le monde entier. Les flux énergétiques, aujourd’hui centralisés et contrôlés par des compagnies pétrolières multinationales et les services publics, pourraient devenir obsolètes. Dans l’ère nouvelle des énergies renouvelables, n’importe quel être humain pourrait se comporter à la fois en producteur et en consommateur de sa propre énergie, procédant ainsi par "génération redistribuée". Des millions de consommateurs finaux pourraient brancher leurs batteries d’hydrogène personnelles sur un réseau interconnecté de stations d’hydrogène locales, régionales ou nationales, à partir de technologies performantes et d’une architecture semblable à celle du Web. Ces millions d’utilisateurs en bout de chaîne seraient alors à même de partager l’énergie sur le principe du peer-to-peer, créant par là même une forme nouvelle et décentralisée dans la production et dans l’usage de l’énergie.

Ma voiture est une centrale électrique

Dans l’ère nouvelle de la production d’énergie à hydrogène, l’automobile sera une "centrale de production d’énergie montée sur pneus". Un foyer traditionnel consomme entre deux et quatre kilowatts-heure [par jour] d’énergie pour le chauffage et l’électricité. Or chaque automobile à hydrogène disposera d’une puissance de production propre de 20 kilowatts. L’essentiel des automobiles étant la plupart du temps à l’arrêt, il suffira à leur propriétaire de relier la maison à l’automobile, au bureau ou au réseau d’électricité interactif principal durant les heures de non utilisation, revendant ainsi l’électricité qu’ils produisent au réseau national. Si 25 % seulement des automobilistes utilisaient ainsi leur véhicule en mini-centrales énergétiques, le monde serait en mesure d’éliminer 100 % des implantations aussi gigantesques que polluantes écologiquement, dont nous dépendons pourtant entièrement aujourd’hui.

L’exploitation de l’énergie hydrogène va changer nos habitudes quotidiennes aussi fondamentalement que l’arrivée du charbon et de la vapeur au XIXe siècle, ou que le passage aux énergies fossiles et au moteur à combustion interne au XXe. Réaliser la transition vers l’économie hydrogène, c’est le premier des challenges et la plus belle opportunité du XXIe siècle."

Jeremy Rifkin préside la Foundation on Economic Trends à Washington. Il est l’auteur de L’Économie hydrogène : après la fin du pétrole, la nouvelle révolution économique (La Découverte et Syros), La Fin du travail, Le Siècle biotech et L’Âge de l’accès (éditions la Découverte).

[1] Voir à ce sujet le dossier de Transfert.net, "L’impasse énergétique"

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