"Water makes money", le film

"Water makes money" [1] : par ce titre accrocheur, Leslie Franke et Herdolor Lorenz veulent à nouveau jetter un pavé dans la mare. En 2007, les deux réalisateurs allemands indépendants avaient déjà réalisé un film sur les méfaits de la privatisation de l’eau [2], ainsi qu’un autre film sur les intentions de privatisation de la Deutsche Bahn (rail allemand). Dans les deux cas, leur message était clair : la privatisation n’est ni un processus irréversible, ni une panacée.

Convaincus de l’effet néfaste, à long terme, de l’abandon par les municipalités de la gestion de l’eau à des firmes privées, qui se retrouvent de fait en situation de monopole, ils abordent point par point chacun des abus constatés. "Au cours de nos recherches, nous avons remarqué que les investissements de firmes privées comme Suez ou Veolia, numéros 1 du secteur, avaient tendance à diminuer sur le long terme", souligne Leslie Franke. "Or la détérioration des infrastructures provoque des fuites, qui engendrent elles-mêmes un gaspillage de l’eau, comme c’est déjà le cas à Londres." Là ne s’arrêtent pas les problèmes : sur leur site de présentation, les deux réalisateurs posent les questions qui fâchent : quel rapport y a t-il aujourd’hui entre le prix facturé au robinet et les prestations fournies par les industriels ? A Paris, combien des collaborateurs appointés par Veolia et Suez sont réellement au service des Parisiens ? Etc.

Aidés par une équipe de scientifiques, Leslie Franke et Herdolor Lorenz ont également enquêté sur la qualité de l’eau, pour arriver au constat que cette dernière n’était pas nécessairement meilleure qu’avant, alors même que les prix facturés augmentent d’année en année.

Paris fait de la résistance

Pour rendre ces éléments plus concrets, le film -en cours de réalisation- prend appui sur l’exemple de la Ville de Paris, qu’il traite sous forme d’enquête policière. Au 1er janvier 2010, les élus de la ville ont décidé de reprendre le contrôle de la gestion de l’eau. "La première conséquence de cette décision, c’est que Paris retrouvera un droit de regard sur la fixation du prix de l’eau", explique Leslie Franke. L’association de consommateurs Que Choisir a d’ailleurs montré qu’une telle démarche permettrait au syndicat des eaux d’Ile-de-France d’économiser chaque année 80 millions d’€ sur le contrat de 300 millions d’€ passé avec Veolia.

Soutenu par des dizaines d’organisations, tels Attac, le syndicat allemand Verdi ou les Robins des Bois, "Water makes money" a la particularité d’être financé [3] par "ceux qui ont envie de le voir, qui ont besoin de cette aide pour mieux comprendre". Autrement dit par tous ceux qui se sentent concernés par la gestion de l’eau qui coule au robinet. Le budget total a été fixé à 90 000 € et 30 000 € ont d’ores et déjà été récoltés. A partir de 20 €, chaque contributeur recevra le DVD du film, qu’il pourra projeter publiquement, dans les écoles ou les mairies. "Le film a vocation à être diffusé à large échelle par ceux qui le financeront, assure Herdolor Lorenz, qui se dit "plutôt optimiste". Son premier essai de financement via des souscriptions sur le web remonte à 2007. A l’époque, les montants avaient dépassés le budget prévisionnel. D’où cette idée d’intégrer au film des exemples hors de France et d’Allemagne, au cas où les dons dépasseraient 90 000 €, et de les rembourser au delà de 120 000 €. On ne sait jamais...

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