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30-10-2014
Mots clés
Environnement
Chine

Wang Canfa, pour que justice soit verte

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Wang Canfa, pour que justice soit verte
(Crédit photo : jordan pouille)
 
En Chine, le droit de l’environnement a beau être pointu, son respect est souvent un vœu pieux. La faute à une justice un peu trop soucieuse de ne pas perturber les intérêts économiques en place. Sauf quand un universitaire ultradéterminé s’empare des dossiers…
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Drôle d’allure pour un professeur d’université. T-shirt gris, short de sport et sandales en plastique, Wang Canfa reçoit dans son petit bureau de l’université de sciences politiques et de droit de Pékin, au nord-ouest du troisième périphérique, comme s’il était chez lui. A 56 ans, ce chercheur bûche encore « plus de seize heures par jour », sans compter les nuits blanches. D’où, sans doute, cette tenue confortable aux airs de pyjama.

Wang Canfa (prononcez Wang Tsène-fa) a consacré toute sa carrière à l’environnement. Juriste de formation, il est incontournable sur le sujet. « C’est LE spécialiste du droit environnemental en Chine », confirme une responsable de la Banque asiatique de développement, qui le connaît bien. Plus que ses recherches académiques, c’est son action bénévole qui a fait de lui une personnalité clé des milieux écolos chinois. Cette reconnaissance, Wang Canfa la doit surtout au Centre d’assistance légale aux victimes de la pollution (CLAPV), l’ONG qu’il a fondée en 1998. Le CLAPV fonctionne comme un cabinet d’avocats, le seul en Chine spécialisé dans l’environnement. Grâce à une hot-line téléphonique gratuite pilotée par 40 volontaires, les particuliers sont mis en relation avec huit juristes qui leur apportent les conseils adaptés. « Au début, nous recevions énormément d’appels de citadins. Le premier jour, nous avons eu plus de quarante coups de fil ! Les téléphones n’arrêtaient pas de sonner », se souvient le professeur.

Malgré des moyens modestes, Wang Canfa a traité plus de 13 000 demandes et fait plier les plus gros industriels de la deuxième économie mondiale, notamment via des actions de groupe qui ont réuni jusqu’à 1 700 plaignants. Le tout sans s’attirer les foudres du gouvernement, bienveillant à son égard – il a ainsi été choisi pour le rôle symbolique de porteur de la flamme olympique au moment des Jeux de Pékin. Il faut dire que le CLAPV est efficace. Pollution de l’eau, des sols et de l’air, contamination chimique par des entreprises souvent de mèche avec les pouvoirs locaux : le Centre l’emporte dans 31 % des cas. Et parfois pour des montants considérables, comme lors de l’affaire de pollution d’une rivière qui avait ruiné un élevage piscicole du Shandong, province côtière du nord-est de la Chine, conclue par une indemnisation record de 5,6 millions de yuans (720 000 euros). « Le succès, c’est quand le plaignant obtient réparation, lorsque le pollueur se met aux normes ou lorsqu’il rend publiques des informations sur son bilan environnemental auparavant tenues secrètes », dit le professeur.

Carences alimentaires

Rien ne prédestinait Wang Canfa à partir en croisade contre les plus gros pollueurs chinois ou à parcourir la planète pour des réunions et des conférences. Cadet d’une famille pauvre de quatre enfants, il naît en 1958 dans le Shandong. Ses parents labourent les champs dans une ferme collective. Le quotidien est difficile sous Mao, et les repas se limitent à l’essentiel. « Si je suis de petite taille, c’est parce que je n’ai pas assez mangé quand j’étais enfant ! » affirme-t-il, rigolard. Le jeune homme est néanmoins très brillant. En 1976, les universités rouvrent progressivement après dix ans de fermeture sous la Révolution culturelle, permettant au futur universitaire de partir, en 1978, décrocher sa licence de droit dans le Jílín (nord-est), puis d’entrer à l’université de Xiamen (sud-est), où il inaugure un département de droit environnemental en 1984. Ses trois frères, restés dans le Shandong, auront moins de chance. L’aîné s’arrête au collège, le second au lycée et le troisième reste analphabète, « incapable d’écrire son propre nom ».

S’échapper de sa tour d’ivoire

Devenu professeur, Wang enchaîne avec un master à l’université de Pékin, la meilleure fac de Chine. Il quitte ce campus d’élite en 1988, diplôme en poche, puis rejoint l’université de sciences politiques et de droit de Pékin. Aujourd’hui, il y donne encore vingt heures de cours par semaine. Marié à une professeure d’informatique aujourd’hui à la retraite, il ne veut pas se contenter de cette tour d’ivoire. « On n’a pas beaucoup de pouvoir, quand on est universitaire, pour contraindre les usines à appliquer le droit. Le CLAPV était pour moi une façon de mettre à profit mes compétences personnelles », dit ce grand modeste… que le magazine américain Time a consacré comme un « héros de l’environnement », en 2007.

Selon lui, la crise environnementale que connaît la Chine ne vient pas de la législation – « sur certains points, le droit environnemental chinois est plus contraignant que les réglementations étrangères » –, mais de son application trop aléatoire sur le terrain. A cela s’ajoute une « justice verte » aux ordres du parti unique. Aujourd’hui, le pays dispose de plus de 200 cours de justice spécialisées en environnement. Mais beaucoup rechignent à s’emparer des cas emblématiques. Voire délivrent des jugements expéditifs. « Parfois, la cour se saisit de l’affaire le matin et rend son verdict le soir. Dans quel pays la justice peut-elle être si rapide ? », peste Wang Canfa. Grâce au financement de plusieurs ambassades, dont la chancellerie française à Pékin, l’universitaire forme aussi des juges chinois au très technique droit environnemental. Plus de 1 400 d’entre eux ont été initiés depuis le lancement du programme, en 2001. « Avec les juges, le résultat est surprenant », s’exclame-t-il en pianotant sur son Ipad. D’un coup vif de l’index, il ouvre son compte Weixin, une messagerie instantanée grâce à laquelle il chatte avec ses anciens élèves. « Regardez, maintenant ce sont eux qui m’alertent quand il y a des affaires de pollution ! » —

En dates

1958 Naissance dans le Shandong (nord-est de la Chine)

1988 Obtient son master à l’université de Pékin

1998 Fonde le Centre d’assistance légale aux victimes de la pollution, dont il est toujours directeur

2007 Le magazine américain Time le consacre comme un « héros de l’environnement »

2014 Obtient le prix Magsaysay, l’équivalent asiatique du prix Nobel

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