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30-05-2013
Mots clés
Recyclage, Déchets
France

Voyage au cœur du gaspi des supermarchés parisiens

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Voyage au cœur du gaspi des supermarchés parisiens
(Crédit photo : Amélie Mougey)
 
Des kilos de fraises à la benne et des douches à la Javel… La grande distribution n’a pas pitié de ses déchets. Pourtant, elle aurait les moyens de les limiter, mais elle n’en fait pas une priorité. Reportage dans la capitale.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Abdel (1) n’aime pas les supermarchés. Et pas du tout leurs poubelles. Trop lourdes, trop grosses, « mauvaises pour le dos ». Depuis un an, le jeune homme au pantalon vert et gilet jaune est éboueur pour la ville de Paris. Lorsque son camion approche d’un magasin Franprix, sa barbe de trois jours ne parvient pas à cacher une grimace. Ce jour-là, six bennes vertes viennent d’entrer dans son champ de vision. Trois fois plus larges que les poubelles des particuliers, elles sont surchargées. « On les ramasse cinq jours par semaine, donc on pourrait imaginer qu’elles ne pèsent que 20 kg, mais elles en font largement 40 », soupire-t-il. Soit plus de 60 tonnes par an pour un seul magasin de proximité. Une broutille par rapport au 500 tonnes jetées par les plus gros hypermarchés.

Abdel fait basculer les bennes une par une dans le camion. Dans leur ventre : du plastique et quelques cartons. Les emballages comptent pour 52 % des déchets de la grande distribution. Dans les hypermarchés, équipés de machines à comprimer le carton, beaucoup sont recyclés. Mais pour les magasins de proximité, le dispositif est moins développé. Alors les mêmes bennes digèrent aussi des produits frais : fruits, salades, yaourts, œufs, jambon, pain de mie…

A première vue, les poubelles de supermarchés ont une alimentation équilibrée. Mais sous les feuilles de salades se cachent aussi une dizaine de quiches lorraines, de pizzas et de plats préparés. La veille encore, ces produits auraient été vendus. Mais chaque matin, environ une heure avant l’ouverture du magasin, les responsables de rayon accroupis dans les allées passent en revue leurs régiments de fromage blanc. Ceux qui affichent la date du jour, voire du lendemain, sortent des rangs. Dans les supérettes, chacun fixe ses règles. « Chez Carrefour, c’est au moins deux jours avant », explique un salarié de la concurrence. De l’autre côté de la rue, un employé à la tenue siglée du « C » renchérit : « Pour certains produits, c’est même une semaine ! »

Gariguettes pas à la fête

De quoi allonger la liste des produits gaspillés. Chaque mois, certaines enseignes dressent le top 10 de la « casse », entendez des produits jetés. Sur le palmarès du mois d’avril que Terra eco s’est procuré dans une échoppe discount de taille moyenne, les fraises arrivent en pole position, avec plus de 110 kg de pertes. Mêmes dégâts chez Leader Price, où la gariguette n’était pas à la fête. « Parfois, lors des commandes, on fait de mauvais choix, les produits ne collent pas aux envies des clients », confesse Tarek (1), le responsable. Au-dessus de son bureau, le bulletin météo est affiché chaque jour pour lui permettre d’anticiper la saison des brochettes. « Mais il y a aussi les produits qui nous sont livrés déjà pourris », soupire-t-il. Sans compter les aliments comestibles, mais à l’emballage déchiré, mal étiquetés, ou les boîtes de conserves qui ont pris un coup sur la caboche. Pour tous, la sanction est la même : direction les sacs-poubelles pour une douche à la Javel. La règle vaut pour l’ensemble des enseignes. « Mais en réalité, pas grand monde ne le fait, commente un chef de magasin. Si on voulait être réglo, il faudrait ouvrir chaque pot de yaourt, chaque barquette de viande et y verser de la Javel, c’est un boulot monstre, on n’a pas le temps. »

Alors, pour éviter les glaneurs qui risquent de s’intoxiquer – officiellement –, ou de souiller la devanture du magasin – officieusement –, les supermarchés complotent. « On guette le passage du camion et on sort les bennes au dernier moment », explique un employé. Dans les magasins Dia, donner un ingrédient périmé constitue une faute grave, voire un motif de licenciement. « La direction utilise les dates comme un moyen de pression sur les salariés. S’ils refusent les heures supplémentaires, c’est sur ce genre de choses qu’on va les coincer », confie un chef de magasin. Alors les salariés font du zèle. Et les poubelles grossissent. Un magasin Franprix chiffre à environ 3 000 euros la valeur des produits qui partent chaque mois à la poubelle. Pour un Dia de 400 m2, ce chiffre grimpe à 9 000 euros, en moyenne. Des pertes conséquentes mais largement tolérées par les groupes. « On a droit à 1 % ou 1,5 % de casse sur l’année », explique un responsable de l’enseigne.

Côté gaspillage, les directions sont indulgentes. Car selon un rapport publié en 2011 par le ministère de l’Agriculture (2), en réalité, seuls les déchets de préparation de boucherie et de poissonnerie ne peuvent être évités, tout comme les fruits et légumes détériorés. Sur tous les autres produits, les supermarchés peuvent agir. Soit en assurant les rotations, c’est-à-dire en plaçant chaque jour les produits les plus anciens à l’avant des étals pour qu’ils trouvent preneurs. Soit en les mettant progressivement en rayons. « Mais il faudrait un espace de stockage et un salarié de plus, ce qui coûte bien plus cher que la valeur des produits jetés », reconnaît un responsable de Franprix. Alors pour écouler ses stocks, le gérant ruse. Derrière lui le montant « 4 euros » a été inscrit au marqueur sur une barquette de côtelettes qui en valait 8. Là encore, la charte de l’enseigne l’interdit. Même politique chez Leader Price : « On a pour consigne de ne pas faire de promos pour ne pas tirer les prix vers le bas », explique Tarek.

Grand-mère dorloteuse

Et si les acheteurs vidaient les rayons, fini le gaspillage ? Pas si simple. Comme une grand-mère dorloteuse, la grande distribution prévoit toujours trop grand. Et dispose d’une formidable capacité de réaction. « On fait nos commandes à J-1, donc si un soir on remarque qu’une rangée de produit est vide, on en recevra plus le lendemain », se félicite le responsable Franprix. Bref, plus on achète de produits frais en supermarchés, plus il y aura de « casse ».

Pour Tarek, qui a commencé sa carrière sur les marchés, la grande distribution produit fatalement plus de déchets. « Sur les marchés, c’est le vendeur qui manipule les produits. Ça évite qu’ils s’abîment et ça permet de glisser dans les sacs ceux que le client n’aurait pas choisis. Et puis, comme le primeur ou le boucher, il ne se prive pas sur les promos. L’objectif pour lui, c’est d’écouler. » —

(1)Tous les prénoms ont été changés. (2) A lire en intégralité ici.

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