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Un concentré d’édition s’il vous plaît ! (suite)

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Incertitudes

...Quel sera l’avenir du nouvel ensemble La Martinière-Le Seuil ? La fusion entre les activités de distribution des deux entités, qui étaient gérées respectivement par Distribution-Diffusion Seuil et par Volumen, désormais réunies sous la marque Volumen, a entraîné de nombreux retards. Lassées des engagements non tenus du pédégé, Hervé de la Martinière, qui promettait un retour rapide à la normale, les éditions Odile Jacob ont quitté Volumen pour Gallimard. Les éditions José Corti, les éditions de Minuit et les éditions Christian Bourgois ont, quant à elles, intenté une action en référé devant le tribunal de commerce de Paris, pour faire constater les dysfonctionnements de Volumen. Déboutées, elles envisagent désormais d’intenter une procédure de résiliation de leurs contrats. De leur côté, les salariés du Seuil ont voté, le 21 décembre dernier, leur première grève depuis... 1968. À l’origine de la discorde : "l’absence d’un vrai projet d’entreprise et de tout dialogue social", ainsi que des différences de salaires et de statuts entre les anciens salariés de Distribution-Diffusion Seuil et ceux de Volumen. Cette action suit de près le départ de l’une de figures historiques du Seuil, Jacques Binsztok, responsable du département Images, opposé au rachat de son entreprise par La Martinière.

Le baron débarque

Hervé de La Martinière explique, pour sa part, dans un entretien accordé au journal Libération le 21 décembre, que : "Globalement, l’année est bonne, y compris pour la plupart de nos diffusés dont certains ont même des taux de progression à plus de deux chiffres. En ce qui nous concerne, le chiffre d’affaires du groupe a progressé de 4,3% à fin novembre." Et il souhaite que Le Seuil redevienne "leader" en littérature. Reste à savoir pendant combien de temps il pourra compter sur le soutien de ses actionnaires, dont la richissime famille Wertheimer, propriétaire de Chanel.

L’arrivée d’Ernest-Antoine Seillière dans l’édition française soulève également de nombreuses inquiétudes. La presse s’interroge sur ses intentions. Le holding familial d’Ernest-Antoine Seillière, qui affiche un chiffre d’affaires annuel de 600 millions d’euros pour un bénéfice annuel de 250 millions d’euros, est connu pour ses participations dans des entreprises de réseaux électriques, comme Legrand (37,4%), d’équipements automobiles, comme Valeo (9,9%), de services, comme Capgemini (2,4%) ou 9 Telecom (4,2%). Mais il n’était encore jamais intervenu dans le domaine culturel. Et sa dernière opération d’envergure : la fusion d’AOM, Air Liberté et Air Liberté, qu’il a conduite aux côtés de Swissair, s’est soldée par un échec retentissant, en 2001, avec 380 millions d’euros de pertes et la suppression de plusieurs milliers d’emplois.

Brutalité inédite

Les salariés d’Editis redoutent la fermeture de plusieurs maisons, "non rentables" ou "trop à gauche". En ligne de mire : La Découverte, dirigée par François Gèze, qui avait pris la suite des éditions Maspero, en 1983, avant d’être rachetée par Vivendi Universal Publishing, en 1998. Ernest-Antoine Seillière continuera-t-il à soutenir financièrement cette maison, qui édite la plupart de ses opposants ? On s’attend à un plan social. On s’alarme, également, du contenu des manuels scolaires, que le patron du Medef a critiqué à de nombreuses reprises, en dénonçant la "vision marxiste" qu’ils véhiculeraient. Outre ces considérations idéologiques, le rachat de marques comme Bordas ou Nathan par Wendel Investissements s’explique par la solidité du marché de l’édition scolaire, qui totalise un chiffre d’affaires de 313 millions d’euros par an, soit 13% du marché total de l’édition en France. Le rachat d’Editis ne serait qu’un début pour Ernest-Antoine Seillière, qui ne cache pas son intention de bâtir "en 10 à 15 ans, le premier groupe d’édition français". Le baron se rêve à la tête d’un empire.

En parallèle, on assiste à l’application de méthodes d’une brutalité inédite dans le secteur, où les salariés ne sont guère habitués à être traités comme des ouvriers de Moulinex ou de Metaleurop. Les éditions du Serpent à plumes, en savent quelque chose (voir encadré).

Le livre unique

L’apparition publique de Michel Houellebecq aux côtés d’Arnaud Lagardère, lors d’un séminaire d’entreprise, représente un événement considérable dans l’histoire de l’édition française. On assiste à la fin progressive de la figure dominante de l’éditeur et à la disparition du couple éditeur/auteur. Un nouveau modèle se dessine, dominé par la figure du contrôleur de gestion et, peut-être, par celle de l’agent littéraire, qui pourrait monter en puissance au cours des prochaines années, pour remplacer l’éditeur dans son rôle traditionnel de sélection, mais aussi de conseil et de soutien auprès des auteurs. Cette évolution "à l’anglo-saxonne" obéit à une logique économique. Externaliser le traitement des auteurs, c’est diminuer ses coûts, pour se concentrer sur le "cœur" de métier : la "best-sellerisation", c’est-à-dire la promotion des livres par le « cross média », la promotion croisée, qui joue sur la complémentarité entre les activités édition et médias d’un même groupe industriel. Une promotion accompagnée par une importante force de frappe au niveau de la distribution.

Une ligne, un euro

Un quasi-oligopole se met en place, constitué d’une poignée de grandes maisons d’édition [1], qui assurent aussi l’essentiel de la distribution des livres en France. Mais face à cet oligopole, de petites maisons continuent malgré tout à surnager. Une seule raison à cela : le prix unique du livre. Promulguée par la loi du 10 août 1981 dite "Loi Lang", cette mesure interdit aux libraires de consentir plus de 5% de réduction sur le prix des livres lors de leur mise en vente. Comme l’a expliqué l’ancien ministre de la Culture lors de la discussion du projet à l’Assemblée nationale : "Ce régime dérogatoire est fondé sur le refus de considérer le livre comme un produit marchand banalisé et sur la volonté d’infléchir les mécanismes du marché pour assurer la prise en compte de sa nature de bien culturel, qui ne saurait être soumis aux seules exigences de rentabilité immédiate".

Paradoxalement, ce système est contesté par certains membres de la Commission européenne au nom de la... concurrence. Pour ces "intégristes du marché", selon l’expression de l’économiste Joseph Stiglitz, "tout dispositif entravant le libre jeu de l’offre et de la demande doit être aboli". Même si sa disparition devait aboutir à renforcer un système oligopolistique et conduire à une uniformisation de l’offre. À la victoire du livre unique sur l’exception culturelle.

...RETOUR AU DEBUT DE L’ARTICLE

Lire l’article lié :
Et le serpent perdit ses plumes

[1] Le hit parade est avant tout un tir groupé. Hachette est N°1 avec 1,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, Editis N°2, ne pèse "que" la moitié de sa devancière : 573 millions d’euros. Quant au tiercé de poursuivants, La Martinière/Le Seuil, Gallimard et Flammarion, c’est une "bagarre" dans un mouchoir de poche (respectivement 280 millions d’euros, 265 millions d’euros et 225 millions d’euros de chiffre d’affaires).

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