- Credit : Antoninho Perri /ascom-unicamp
D’abord, allumer l’ordinateur. Puis télécharger le logiciel. Il faut y aller sans crainte d’encombrer sa mémoire : seuls 22,6 mégaoctets sont nécessaires. Une fois l’installation effectuée, indiquer le nom de la ville, sa population et le salaire minimum en vigueur. Appuyer sur la flèche en bas à droite et suivre les instructions.
Quelques clics plus tard, l’écran fera l’état des lieux des déchets domestiques produits par la ville sélectionnée. Il évaluera surtout les économies pouvant être réalisées en effectuant un recyclage des déchets, le nombre d’emplois nécessaires – sur la base du salaire minimum national [1] – pour effectuer le tri sélectif et les économies d’énergie obtenues in fine par la municipalité.
Une fois l’opération conclue, il ne restera plus qu’à envoyer un e-mail de remerciement à Marcio Magera, économiste et professeur de sociologie à l’université de Campinas, dans l’Etat de São Paulo, au sud du Brésil. C’est lui qui a créé, en 2005, Verdes (« Verts » en français), le premier logiciel informatique évaluant « la viabilité économique du recyclage des déchets solides ».
800 tonnes de déchets par jour
- Dans la favela de Tavares Bastos, à Rio de Janeiro
« Il était déjà scientifiquement prouvé que le recyclage des déchets solides était économiquement viable et qu’il pouvait créer des emplois. Le problème, c’est qu’il n’existait aucun outil permettant d’évaluer les bénéfices qu’une ville pourrait en tirer », explique Marcio Magera. S’appuyant sur des statistiques générales du pays (moyenne de production de déchets par habitant, nature de ces déchets, prix des matières premières recyclées…), le professeur a élaboré ce logiciel.
Une ville comme Campinas – 950 000 habitants – a ainsi découvert qu’elle produisait chaque jour 800 tonnes de déchets, dont plus de la moitié de déchets « secs » tels que canettes d’aluminium, verre, papier ou plastique. Autant de « précieuses ordures » qui, une fois recyclées, permettraient à la ville de « mettre de côté » chaque mois 9 millions de reais – 3,6 millions d’euros – et de créer plus de 13 000 emplois payés au Smic local.
Mais Verdes ne vise pas seulement les collectivités territoriales. « Ce programme est autant destiné aux villes qu’à tous ceux qui souhaitent s’investir dans un secteur économique en plein essor », explique son créateur. Notamment les structures de l’économie sociale travaillant auprès des publics en difficulté.
C’est le cas de la coopérative Reciclar située à Paulinia, une petite ville de 60 000 habitants, dans l’Etat de São Paulo. Seul le quart des déchets y est recyclé. « Mais, en seulement deux ans d’existence, la coopérative compte déjà 37 sociétaires qui perçoivent chaque mois un salaire minimum, sans compter le 13e mois, la mutuelle et les repas, précise Marcio Magera. Toutes ces personnes étaient en grande difficulté économique et sociale et la plupart vivaient dans la rue. »
A la conquête du monde
Alors, même si ce logiciel ne devait servir qu’à la réinsertion, le sociologue assure qu’il en serait déjà très heureux. D’où son combat pour offrir à tous un outil totalement gratuit. « Parfois, une ville doit payer jusqu’à 200 000 reais (80 000 euros) pour un diagnostic de recyclage de ses déchets solides, assure le chercheur. Avec Verdes, c’est gratuit et la marge d’erreur est minime. »Une gratuité que le créateur justifie en rappelant que le programme a été conçu durant sa thèse de doctorat « alors que [il était] payé par le gouvernement ». Marcio Magera ne veut pas limiter au seul Brésil. « Il existe une version de Verdes en espagnol et les valeurs sont données en reais et en dollars. Des municipalités de pays comme le Costa Rica utilisent déjà le logiciel. »
Et l’Europe ? « Si quelqu’un est prêt à traduire et adapter Verdes en français, en anglais, en italien ou en allemand, j’en serai le premier heureux », assure l’universitaire.
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