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11-03-2004
Mots clés
Social
France

Travailler, sans toit

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Salariés le jour, sans abri la nuit... En France, un SDF sur trois travaille. Les associations de lutte contre l'exclusion s'alarment de ce phénomène, qui a pris cet hiver une réelle ampleur. Cette situation s'explique souvent par le cumul de plusieurs handicaps : difficulté à se loger, grande solitude et précarité de l'emploi. Terra economica a suivi dans leur quotidien quelques-uns de ces travailleurs sans toit.
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Reportage photographique à l’association la Mie de pain : Pierre-Emmanuel Rastoin

Tous les soirs, la même routine. Vers 21 heures, avant d’aller s’entasser à six ou huit dans les lits superposés installés dans de lugubres boxes d’une dizaine de mètres carrés, des sans-abri partent à la recherche d’Emmanuel Courcier, le chef du refuge de l’association la Mie de pain. En général, ce sont toujours les mêmes. Ils viennent voir leur veilleur de nuit pour qu’il note leur numéro de lit. Pour être identifiés. Pour qu’on les réveille vers cinq heures, deux bonnes heures avant les autres. Alors le lendemain, dans l’obscurité, Emmanuel Courcier, muni de sa liste de matricules, fait le tour des 442 lits du centre de la rue Charles-Fourier, dans le treizième arrondissement de Paris, pour trouver cette dizaine de SDF qui, tous les jours, se lèvent aux aurores pour aller travailler.

Lambert, 54 ans, intérimaire et SDF

Parmi eux, ce matin-là, il y a Lambert et François. Lambert, 54 ans est intérimaire. Depuis plusieurs mois, il travaille dans le BTP, 37 heures et demie par semaine pour un peu plus de 2 000 euros par mois. François, lui a 50 ans. Il travaille dans la boucherie-charcuterie depuis 1969. Il est en CDI, salaire net : 1 500 euros. Lambert et François ne sont pas des cas isolés : l’INSEE estime qu’en France, 29% des SDF travaillent. En moyenne 32 heures par semaine. De son côté, le Secours catholique relève qu’entre 20 et 25% des personnes qu’il accueille depuis 1999 ont un emploi. La plupart du temps, un emploi précaire (temps partiel, intérim, travail non déclaré) mais la part des sans-abri qui travaillent à plein temps augmente, note le Secours catholique. En 2001, 5% des personnes recueillies dans ses centres bénéficiaient ainsi d’un CDI à temps plein.

Tout près du HLM

Lambert a toujours connu la rue depuis qu’il a quitté Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), son père docker et ses neuf frères et sœurs, il y a 28 ans. Depuis, il s’est spécialisé dans le BTP. En ce moment par exemple, il répare des routes en Ile-de-France (selon l’INSEE, 90% des SDF qui travaillent sont employés ou ouvriers). Même s’il est très seul, Lambert n’a pas l’air malheureux. "Il n’y a que le logement qui me manque", dit-il. Il y a quelques années, cet homme fort au look de marin a bien failli décrocher un HLM, mais il a pris connaissance trop tard de la lettre envoyée par la mairie de Paris, qui lui annonçait la bonne nouvelle. Depuis, il a laissé tomber, "ça prendrait trop de temps".
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Le refuge de la Mie de pain accueille 442 sans abri.

Solitude et résignation

Alors, comme Lambert a coupé les ponts avec sa famille et qu’il n’a pas vraiment d’amis, il est resté à la rue. Même solitude, même résignation chez François. Lui bichonne à plein temps la bidoche dans un supermarché parisien. Il a cherché pendant plusieurs mois un HLM. En vain. "De toutes façons, à Paris, pas la peine de chercher si vous ne connaissez personne." D’ailleurs, s’il est sur une piste pour louer dans quelques mois un pavillon de banlieue parisienne, c’est bien grâce à "un coup de bol" : "Je connais quelqu’un à la mairie de Colombes." Ce fatalisme est tout ce qu’il y a de plus rationnel : rien qu’en Ile-de-France, 350.000 demandes de HLM sont en souffrance. Et 14% d’entre elles sont réitérées depuis plus de cinq ans.

Précarité sur précarité

Mais la pénurie de logements sociaux n’explique pas tout, précise Gilbert Lagounel, directeur institutionnel du Secours catholique. C’est aussi "l’explosion des loyers du privé et les garanties exigée" qui rendent la tâche ardue. François, par exemple, ne trouvant pas de HLM, s’est attaqué aux agences de particuliers. Sans succès, vu le montant des cautions et les garanties demandées. Si l’augmentation des loyers est si dure à soutenir et les garanties si compliquées à satisfaire, c’est en partie dû au développement des emplois précaires. François est en CDI, mais depuis peu. Auparavant, son quotidien était fait de CDD, d’intérim et de temps partiel. Comme pour Lambert, toujours intérimaire. C’est ainsi que le phénomène des travailleurs à la rue - ce que le Samu social appelle une "nouvelle problématique" - est apparu alors que le travail précaire explosait. Il y a dix ans, ces emplois représentaient 4,5% de l’emploi total. Aujourd’hui, deux fois plus. Et à l’ANPE, 70% des annonces présentées correspondent à un emploi précaire. Prisonniers de leur solitude, victimes de la pénurie de logements, ces exclus cumulent souvent précarité psychologique, précarité du logement et précarité de l’emploi. Un vrai cercle vicieux...

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  • Réaction à l’article "travailler sans toit"
    Je trouve que le processus est bien expliqué, mais j’ai été un peu gênée, car les deux personnes que vous citez ont des salaires confortables, avec lesquels beaucoup de gens ne vivent pas dans la rue.

    Il me semble que votre explication vaut pour de nombreux « travailleurs sans toit », mais que pour ces deux exemples là - l’un d’eux en particulier - ce n’est pas le marché du logement qui est en cause, mais peut-être plutôt le fait qu’il soit désocialisé et qu’il dépense 900 euros par
    mois aux courses...

    J’ai regretté de ne pas voir le cas d’un ou une salarié(e) au revenu clairement insuffisant pour se loger dans les conditions actuelles du marché. Pourtant, il me semble que c’est là une vraie nouveauté, cette réalité vraiment subie sans qu’interfèrent forcément des incapacités à gérer
    un budget, à restreindre des formes de déviance comme le jeu ou l’alcool, etc...

    Valérie.

    17.03 à 15h35 - Répondre - Alerter
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