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9-03-2012
Mots clés
Education
Interview

Temps de travail : « On reste dans une vision quantitative de l’école »

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Temps de travail : « On reste dans une vision quantitative de l'école »
(Céline Nadeau - Flickr )
 
Des enseignants plus présents auprès des élèves. La volonté, sur le principe des heures supplémentaires pour Nicolas Sarkozy ou la réduction du nombre d'élèves par classe pour Eva Joly est louable. Pour l'enseignant Sylvain Grandserre, c'est toute l'organisation du métier qu'il faut revoir.
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Travailler plus ? Encore une solution sparadrap pour Sylvain Grandserre, professeur des écoles en CM1-CM2 à Montérolier, près de Rouen. Il fait partie des enseignants désobéisseurs, qui ont refusé de suivre certains ordres du ministère. Sa proposition est à rebours du « travailler plus pour gagner plus ». Les professeurs donneraient moins d’heures de cours mais resteraient plus longtemps à l’école. Avec la revalorisation des salaires et la philosophie dès huit ans, c’est l’une des cent idées du livre « citoyen » Qui va sauver l’école ? [1], co-écrit avec Emmanuelle Daviet, la journaliste éducation de France Inter. Ils ont confronté trois visions de l’éducation : la leur, celle des candidats à la présidentielle, celle des syndicats et parents d’élèves.

Faut-il demander aux enseignants de travailler plus ?

Les professeurs des écoles font déjà 42 heures par semaine, au collège et lycée 39-40 heures. Sur une année complète, on n’est pas loin des 35 heures ! Et je rappelle que nous sommes payés toute l’année mais sur une base de dix mois. Il faudrait déjà penser à raccourcir les vacances scolaires. Nous devons sortir d’une vision quantitative. L’essentiel ce n’est pas de travailler plus mais de travailler mieux. Il faut que les enseignants soient au plus près des élèves et fassent moins cours de façon magistrale. Dans les pays scandinaves, il y a moins d’heures de cours : professeurs et enfants s’en sortent très bien et ont un meilleur niveau scolaire.

Et si on reste sur la base du volontariat ?

C’est un problème, justement. Les enseignants qui vont travailler plus seront ceux des bons établissements, où il n’y a pas de problèmes. En ZEP (Zone d’éducation prioritaire), quand chaque heure est un combat, les professeurs n’ont aucune envie de faire des heures supplémentaires ! Cette mesure va renforcer les inégalités et privilégier les élèves qui auront ces professeurs volontaires.

Que reprochez-vous à l’organisation du temps de travail des enseignants ?

On ne peut plus rester sur la base de 1950, qui ne prend en compte que ce temps de 18 heures de cours. En dehors de la classe, je rencontre les parents, les médecins scolaires, les psychologues... Si j’ai envie, je peux refuser ces rendez-vous. Ce n’est pas normal que cela soit du bénévolat en 2012. De nombreux enseignants créent aussi des clubs photo, théâtre, organisent des rencontres sportives, etc. J’en fais partie, mais c’est usant. Ce n’est que du temps bénévole. On a le sentiment d’être marginal, dans l’opposition. Mais Nicolas Sarkozy a raison sur un point : il faut donner des bureaux aux professeurs. Aujourd’hui, ils sont obligés de rentrer chez eux pour travailler. Résultat : les élèves passent deux fois plus de temps à l’école que leurs professeurs, qui ne sont pas disponibles pour eux. C’est un comble.

Que proposez-vous ?

Nous proposons que les enseignants aient un temps obligatoire non plus de 18 heures mais 24. Pour cela, on réduirait les heures d’enseignement magistral à 12. En France, le taux d’encadrement en école primaire fait partie des plus faibles de l’OCDE. L’une des solutions serait de mettre les enseignants en binôme. Ces mesures soulageraient les enseignants et les élèves, qui apprendraient mieux et auraient moins de devoirs à la maison.

La proposition de Nicolas Sarkozy reste floue. Mais l’objectif n’est pas de faire faire 26 heures de cours : c’est aussi d’augmenter ce temps de présence auprès des élèves...

La seule motivation de Nicolas Sarkozy est budgétaire, il est dans une vision purement quantitative. Il cherche seulement à pallier sa politique de suppression de postes. Cette politique, depuis cinq ans, a morcelé le système éducatif. Maintenant, beaucoup d’enseignants ont un temps partagé entre deux ou trois établissements. Or, pour que le suivi auprès des élèves soit efficace, il est essentiel de travailler dans un seul. On défend ce sentiment d’appartenance. De toute façon, si on travaille 8 heures de plus pour 500 euros supplémentaires, on restera sur un salaire assez faible.

Doit-on tout attendre des professeurs pour éduquer nos enfants ?

Non, les parents ont aussi leur rôle à jouer. Il faudrait un vrai statut de parents d’élèves, avec les mêmes droits que les élus et les délégués syndicaux : celui de s’absenter quelques heures, pour participer à l’éducation de leurs enfants avec les professeurs.

Quel constat dressez-vous de l’école française en 2012 ?

Il ne faut pas trop noircir le tableau. 72% des jeunes en France obtiennent le baccalauréat, la sortie du système sans qualification a été divisée par quatre en 30 ans, on accueille mieux les handicapés... Mais notre école est dépassée : on est confronté au problème de l’illettrisme, la formation professionnelle est à revoir, la responsabilisation des élèves. Nos élèves ont changé. Avec les technologies numériques, internet, la circulation des connaissances a changé. Avant, le maître était celui qui donnait le savoir. Aujourd’hui le savoir est un peu partout. Ils arrivent en classe en sachant une foule de petites choses, par morceaux. Pour la majorité, les politiques pensent une école à court terme. Il faut penser celle de 2020, de 2030.

Voir notre question de la semaine : « Temps de présence, heures de cours : faut-il demander aux enseignants de travailler plus ? »

[1] « Qui va sauver l’école ? 10 questions pour 14 candidats », ESF Editeur. 9,90 euros

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  • Sylvain Grandserre fait partie des lucides qui privilégient la qualité de l’enseignement, via la philosophie et l’analyse des situations. Noyer les neurones par les dates, les chiffres et autres comptabilités existentielles, crée l’ illusion du savoir et ne laissent aucune place à la réflexion et à l’esprit critique. Une stratégie pédagogique officielle, pour mener son troupeau par le bout du nez, et le garder sous la coupe des gouvernants. L’école telle qu’elle est conçue, ne sert qu’à formater des électeurs dociles et manipulables à souhait.

    17.03 à 18h36 - Répondre - Alerter
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