Par Arnaud Gossement, avocat, Maître de conférences à Sciences Po, responsable du Réseau Environnement & Droit.
« Je voudrais dire un mot de toutes ces questions d’environnement. Parce que là aussi, ça commence à bien faire ». Tels sont les mots prononcés par le Président de la République au Salon de l’agriculture, samedi dernier. A-t-il eu raison ? Deux choses me frappent à la lecture de cette petite phrase.
L’auberge espagnole
La première tient à l’ambiguïté calculée du propos présidentiel. Celle-ci, toutes proportions gardées, n’est pas sans rappeler le « Je vous ai compris » lancé à la foule d’Alger par le Général de Gaulle. Chacun pourra en effet trouver dans la déclaration de Nicolas Sarkozy ce qu’il souhaite y trouver. Coté face, le Président tend la main aux agriculteurs qui se sentent pointés du doigt lorsqu’il est question dans la presse d’algues vertes, de pesticides ou de nitrates. Côté pile, le Président a aussi rappelé son engagement en faveur d’une agriculture durable. Mieux, quelques heures plus tard, l’Elysée a distribué aux journalistes un document précisant que Nicolas Sarkozy « souhaitait un changement de méthode dans la préparation et la mise en œuvre des mesures environnementales en agriculture dans le respect du Grenelle de l’Environnement ».C’est la tactique de l’auberge espagnole. Le responsable politique recherche simultanément l’écoute ou la faveur de publics dont les demandes sont contraires. Doit-on le lui reprocher alors que son rôle est aussi de rassembler les contraires ? Sujet complexe. L’intérêt de la déclaration présidentielle est cependant ailleurs.
Agriculture durable
Nicolas Sarkozy a-t-il eu raison d’adresser un tel signal aux agriculteurs ? Ces derniers ont-ils vraiment l’écologie en horreur ? Pas si sûr. En réalité, le sujet n’est peut-être pas de savoir si le Président a ou non entendu renier le Grenelle de l’environnement. En réalité, la question est de savoir s’il s’est adressé aux agriculteurs ou à certains d’entre eux uniquement. La référence faite à l’élevage de porcs, symbole des dérives d’un modèle agro productiviste le laisse penser. Il se peut que Nicolas Sarkozy se soit davantage adressé aux grands producteurs qu’au monde agricole dans sa diversité.Un exemple. Depuis le 12 janvier, de nombreux agriculteurs sont en colère à la suite de la décision du Gouvernement de baisser les tarifs d’achat d’électricité produite par des panneaux solaires. Pour maintenir un revenu ou améliorer celui existant, de nombreux exploitants ont installé des systèmes photovoltaïques sur le toit des hangars voire sur des friches agricoles. Or, le gouvernement a récemment remis en cause la rentabilité de tels systèmes. Ici, l’intérêt économique de l’écologie a été parfaitement compris. Et l’opposition opérée entre agriculture et environnement par le Président est hors sujet. De la même manière, des agriculteurs se lancent dans le bio ou les labels de qualité. Pour ces derniers aussi, nul besoin d’opposer écologie et économie agricole. Bref : parler d’« agriculteurs » renvoie à des réalités diverses.
Double rôle
En définitive, cet épisode traduit un nouvel impératif économique. Défendu de longue date par les écologistes : rémunérer les agriculteurs, non seulement pour nous nourrir mais aussi pour protéger l’environnement en gérant par exemple les jachères ou toute autre zone non cultivée comme des espaces de biodiversité. Nicolas Sarkozy a raison de rappeler que les agriculteurs sont les premières victimes des épandages de pesticides. A titre personnel, je pense même qu’il n’a aucun intérêt politique à affaiblir le Grenelle de l’environnement ou à écarter Jean-Louis Borloo. Mais opposer agriculture et environnement revient à perpétuer en effet ce modèle productiviste dont le monde rural est victime. L’ambiguïté aboutit à une contradiction.(Crédit : Service audiovisuel Elysée / P. Segrette)
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