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la Blanche

Par Eric la Blanche
29-11-2010

Retenue à la Source

Si les caisses de l'état sont vides, ce n'est pas parce que l'argent en sort, c'est parce qu'il n'y entre pas.

« Cette nuit, docteur, j’ai fait un rêve étrange : je remontais à pied le lit asséché de ce qui semblait avoir été une large rivière. Au long des berges mortes, on pouvait deviner qu’une végétation luxuriante avait poussé ici et qu’une verte vallée remplaçait autrefois le désert dans lequel je m’assoiffais. Au détour d’une colline, en amont, je finis par apercevoir, au loin, qu’un immense barrage bloquait fermement l’entrée de la vallée. Un village du tiers monde, miséreux, délabré, était blotti au pied de celui-ci. »

- Ah ah, gontinuez, fit le docteur, ça m’a l’air très zexuel, tout za. Rivière + barrage = zexe. Blocache pzygologique. Z’est limpide.

« Les pauvres maisons étaient regroupées au pied de l’immense mur de béton, écrasées par son imposante masse. Je compris bientôt la raison de cet inhabituel regroupement. Au centre du barrage, planté à même la paroi à hauteur d’homme, se trouvait un petit robinet fermé, tout simple. Il donnait dans un abreuvoir à sec. Ce robinet était le seul point d’eau du village, l’endroit où tous les habitants venaient chercher l’eau pour se désaltérer et irriguer leurs maigres récoltes. »

- Ah, ah, betit robinet, métaphore zexuelle, très pien ! fit le docteur. Ah ce moment, je crus bienvenu de lui préciser une ou deux choses :
- Bon, écoute-moi, Toubib : comme c’est moi qui paye la séance alors c’est moi qui cause, toi tu te tais et t’écoutes ou sinon je t’enlève un euro par mot que tu prononces, c’est pas parce que t’es psychamachin que je vais me laisser marcher sur la langue. » (J’ai un rapport très dynamique avec les représentants de cette illustre profession) Je poursuivis donc :

« Tandis que j’allais me désaltérer, un Mexicain sortit d’une maison et se dirigea vers moi. Il ressemblait à une sorte de François Fillon moustachu :
- Hé, dites donc, faut pas vous yêner, vous croyez qué c’est gratouit ? »

- Ah ah, gratuit, l’archent, z’est le caca de vous… interrompit le docteur, za ze précise ! D’un geste éloquent, je saisis sa lampe de bureau ; il se tut. Je repris :

« Je répondis au Francisco Fillón que je voulais juste étancher ma soif.
- Il n’y a plous rien, les cuves sont vides, lé village est rationné. Il n’y a plous d’eau. Ils gaspillent trop. Les villageois s’étaient peureusement regroupés derrière lui en ânonnant : plus d’eau, on gaspille trop.
- Ils gaspillent trop, n’ouvrez pas cé robinet. Il faut rationner. Il n’en reste plous.
- Le village est rationné ? Vous êtes cons ou quoi ? Et ça ? fis-je, en indiquant du doigt le sommet du barrage. Il ignora mon geste.
- Yé souis le gardien dou robinet, je travaille pour le barrage. Je vous dis qu’il n’y a plous d’eau. C’est comme ça. Ne discoutez pas.
- Vous êtes tous mabouls dans ce bled ou quoi ? fis-je, pourquoi ne prenez-vous pas un peu de l’eau qui se trouve de l’autre côté du barrage ? Il doit y en avoir des milliards de mètres cubes ? Allez, laissez-moi ouvrir ce putain de robinet.
- C’est pas à nous. On né peut pas. C’est comme ça. C’est obligé. Il n’y a plous d’eau qui reste pour eux. Ils gaspillent trop. Privilégiés. Les cuves sont vides. Il avait l’air sérieusement atteint lui aussi. Je repris mon sang-froid pour essayer de lui expliquer calmement ma façon de voir les choses.
- Vous êtes en train de me dire que vous êtes assez débiles pour mourir de soif au pied d’un barrage ?
- C’est pas à eux. On né peut pas. Ils gaspill…
- C’est bon, Coco-Perroquet, j’ai compris. Et cette eau, elle est à qui, alors ? Le Fillon me regarda, interloqué et les villageois éclatèrent de rire :
- Ben, elle appartient au barrage, pardi… vous sortez d’où ?
- Et le barrage ?
- Ben, lé barrage, il appartient à... heu... au barrage aussi ! Les villageois reculèrent instinctivement en disant : barrage, sacré, barrage, pas toucher...

Le docteur, n’y tenant plus, intervint :
- Ah ah, fictoire : z’est bien zexuel : le betit robinet, le bénis, tout est là : néfrose ! Le barrage, za représente la femme et… Je descendis du divan et mis mon visage à un centimètre du sien :
- Tu vas la fermer, oui, Sigmund ? Elle n’a rien à voir avec les femmes, ma névrose !
- Pourquoi ?
- parce qu’elle a à voir avec le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, que j’ai lu hier. Et ben figure-toi que les exonérations fiscales dont bénéficient les entreprises, c’est CENT SOIXANTE DOUZE MILLIARDS d’euros. Pour te donner une idée, ça fait DIX-SEPT fois le déficit actuel des caisses de retraite. Si tu ajoutes, les excès de rémunération du capital et les paradis fiscaux (40 à 50 milliards d’euros), tu te rends compte que si les caisses de l’état sont vides, c’est pas parce que l’argent en sort, c’est parce qu’il n’y entre pas.
- Et ?
- Et ben, les villageois, dans mon rêve, c’est nous.
- Ah ? Et le barrache ?
- Devine.

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COMMENTAIRES ( 2 )
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  • awrytHiPudOxhK : Retenue à la Source

    Inte9ressant cette comparaison avec l’univers de Zola. Ma premie8re imsropsien de Chine (il y a de9je0 6 ans de cela) a e9te9 : C’est le monde de La Cure9e ici !!! Les types, les cliche9s, les proble9matique sociales (on peut parler d’haussmanisation des grandes villes chinoises), tout y e9tait et j’espe8re d’ailleurs encore l’apparition d’un Zola chinois qui nous livrerait un regard clinique sur toutes les facettes de cette socie9te9 mouvante et complexe.

    7.08 à 00h38 - Répondre - Alerter
  • bouton noir : mes-contes de noel

    belle histoire,
    simpliste mais juste.

    alors on fait quoi ?
    On casse tout ?
    délicat et en général c’est pire après.
    On vote mieux ?
    difficile, les canaux de propagandes (et mensonges) sont très bien faits et omniprésents.
    On fait la grève ?
    peu efficace de mobiliser des esclaves. La mobilisation pourtant massive a été ignorée par le gouvernement, pas assez de casse probablement on a vu la différence avec les agriculteurs.

    Rien de tout cela, on attend la prochaine crise qui instaurera le travail obligatoire d’intérêt public (on y vient), en crevant de faim et de froid.

    6.12 à 13h20 - Répondre - Alerter
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A PROPOS

Dans ses chroniques d’hum(o)eur, Eric la Blanche, chanteur, décrypte l’actualité à sa façon, c’est à dire à l’envers et sans aucune honnêteté.

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