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29-05-2008
Mots clés
Marques, Marketing
Monde

Rencontre avec l’homo consumerus

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Les publicitaires rêvent d’un individu à hauts revenus, en quête effrénée de nouveautés, imité par d’autres consommateurs. Ils l’ont trouvé dans la communauté gay. Enfin, dans son stéréotype.
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« Papa, maman, il faut que je vous dise quelque chose », lâche le fils. Silence gêné autour de la table. « Mais qu’est-ce qu’on a fait de mal ? », implore le père. « J’aime la viande ! », lâche le beau gosse. Ce « coming out » fait-il de Charal une viande gay ? A l’image des cartes bancaires dédiées – la « Rainbow Card » de Visa –, des croisières 100 % homo ou des alcools – la gamme « Rainbow Spirit  » de Marie Brizard – qui enivrent spécialement leur soirée, l’estampille gay remplit les poches des marques. On est certes encore loin du yaourt, du camembert, de la pizza ou du steack gay. Mais les marketeurs y songent certainement. Car à leurs yeux l’homosexuel(le) prend les formes généreuses d’un gros portefeuille : un statut de cadre ou une profession libérale, une vie de couple avec deux revenus, sans enfants. On parle de DINK dans les pays anglo-saxons pour « double income, no kids ».

Comme ils ne s’inscrivent pas dans une logique de transmission de patrimoine ou d’épargne pour leur famille, on les classe en purs consommateurs. Aux Etats-Unis, la communauté gay – dont le pouvoir d’achat est estimé à plus de 640 milliards de dollars  [1] – représente le marché communautaire non ethnique le plus lourd du pays (lire ci-contre). Les Anglo-Saxons qui ont le sens de la formule résument l’affaire en « dream market » – « marché de rêve » – pour les Américains et en « pink pound » – la « livre sterling rose » – pour les Anglais.

Des hommes-échantillons

Dans certains secteurs, c’est même l’embouteillage au portillon gay. Au rayon des voyages par exemple. A la tête de 1 400 membres, la Gay and Lesbian Travel Association affirme que la population homosexuelle concentre 10 % du marché touristique américain, soit 54,1 millliards de dollars de chiffre d’affaires. Ces clients voyagent en moyenne 7 fois par an et y consacrent 5 000 dollars annuels. Dans l’Hexagone, près de 70 % des homosexuels déclarent avoir bourlingué à l’étranger dans les douze derniers mois [2], alors qu’ils ne sont qu’un Français sur cinq à faire de même. Le secteur des assurances fait lui aussi sa révolution rose. Il était jusqu’alors difficile pour cette catégorie de clients, de s’assurer car les contrats types oubliaient la case « couple homosexuel ». Le néerlandais Aegis et le français April group ont donc façonné des « produits » sur mesure favorisant l’accès à la propriété des couples homosexuels ou permettant enfin aux individus séropositifs d’obtenir des assurances de prêt.

Mais les gays ne sont pas uniquement des parts de marché. Ce sont aussi de précieux détecteurs de tendances. Dans les études marketing, on les qualifie d’« early adopters ». Sensibles aux innovations, au design, aux technologies, à la mode, les marketeurs les considèrent comme d’excellents échantillonstests pour le lancement de produits. La marque Martial Viahero, qui a vu son sac bandoulière, le « record bag », adopté par la communauté homosexuelle, a rapidement gagné une image tendance. Bilan : plus de 300 000 exemplaires vendus.

Bien loin de la transgression

Mais attention, la ménagère de moins de 50 ans n’est pas exclue de ce billard marketing à cinq bandes. Car les gays, réputés pour être des clients exigeants, ont une bonne image auprès des consommatrices. Procter et Gamble n’a donc pas craint d’afficher, dès 2002, un jeune homo dans sa publicité pour Vizir. « Cela a permis de dépoussiérer la marque. En plus, les femmes aiment l’idée d’un homme qui s’occupe de la lessive, c’est plus valorisant que de voir une ménagère en blouse… », précise Laure Leveel, chef de publicité à l’agence Leo Burnett [3]. Aujourd’hui, communiquer en direction des gays ou en utilisant l’imagerie homosexuelle n’est plus un acte remarqué pour son militantisme.

« Nous sommes passés d’un marketing de la transgression à un marketing de l’opportunité », constate Gauthier Boche, auteur de l’article « Publicité » dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes. Les risques étaient tout autres, en 1994, quand Ikea a mis en scène un couple gay s’achetant des meubles de salle à manger. Aujourd’hui, l’affiche pour les matelas Matelsom mettant en scène deux hommes, en pyjama, dormant l’un contre l’autre, a suscité 400 e-mails d’indignation, essentiellement de blogs d’ultras catholiques. Pas de quoi faire flancher Emery Jacquillat, le patron de Matelsom, qui l’assure : « C’est une image de notre temps. Les homosexuels font partie de notre société. » [4]

La peur du ghetto

Reste qu’en France le marketing dit communautaire – sexuel, ethnique, religieux, voire même régional – ne prend guère. « La France républicaine est une et indivisible et rejette le communautarisme sous prétexte qu’il risque de ghettoïser la société », explique Anne Sengès, journaliste indépendante et auteur d’Ethnik, le marketing de la différence. En Europe, la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas ont franchi le pas depuis plus de cinq ans. Et aux Etats-Unis, on ne s’embarrasse pas de telles considérations. « Les Américains utilisent le marketing pour faire admettre à l’Amérique qu’elle ne peut pas se passer de ses minorités, poursuit Anne Sengès. Etre américain, c’est désormais partager non pas une couleur de peau, mais des habitudes de consommation. »

Un fantasme publicitaire ? Mais combien sont-ils ces homosexuels qui font tant rêver le monde de la publicité ? Entre 1,5 et 3,5 millions en France, 3,6 millions en Grande-Bretagne... Des chiffres sujets à caution puisque la plupart des statistiques européennes s’interdisent de poser des questions sur l’origine ethnique ou les orientations sexuelles. Et le recensement américain n’a entrepris qu’il y a peu d’inclure les données relatives aux couples homosexuels. Finalement, les données concernant ce marché proviennent surtout du lectorat des magazines ou des sites gays qui mènent les enquêtes. Or ces échantillons auto-constitués ne prennent pas en compte l’hétérogénéité de cette communauté, mais viennent au contraire renforcer le stéréotype du gay fêtard, urbain, branché.

[1] Evaluation de Witeck-Combs Communications.

[2] Enquête de BSP réalisée en 2006.

[3] L’Express, octobre 2004.

[4] Libération, 30 avril 2008.

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