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22-09-2010
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Automobile
Monde
Enquête

Qui a tué la voiture électrique ?

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Qui a tué la voiture électrique ?
(Crédit photo : Rue des archives-PVDE)
 
Les meurtriers potentiels sont nombreux : pouvoirs publics, pétroliers, constructeurs automobiles, clients. Enquête sur un crime à explosion.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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« Dans des stations-services spécialisées, l’échange de véhicules [électriques] se [fera] instantanément, sur simple présentation d’une carte d’abonnement. » Discours de Jean-Louis Borloo, le ministre de l’Ecologie ? Déclaration du maire de Paris, Bertrand Delanoë, à propos d’Autolib, le futur service d’auto-partage de la capitale ? Vous n’y êtes pas. Cette phrase est tirée d’un documentaire diffusé le 13 août 1968 à la télévision française (1), qui narre tous les espoirs fondés, à l’époque, dans la voiture électrique et la pile à combustible. Ingénieurs et constructeurs s’y succèdent, expliquant que la voiture à électrons « devrait apparaître sur le marché dans quelques années », soulignant sa facilité de conduite, sa propreté et son faible encombrement. Un an plus tôt, Ford avait présenté un prototype urbain, la Comuta. Deux mètres vingt de long, la moitié d’une berline, quatre (petites) places, 60 km/h maxi avec une autonomie de 100 km. Ford envisageait de la commercialiser sous dix ans, insistant sur l’absence de fumées d’échappement. Mais, selon le New York Times, les constructeurs de Détroit voyaient cela d’un mauvais œil, allant jusqu’à dire que « les progrès des moteurs à explosion régleront la question des fumées d’échappement d’ici quelques années ».

On a vu le résultat. Plus de quarante ans se sont écoulés et les villes suffoquent toujours. Ozone, oxydes d’azote, particules, odeurs et bruit sont le lot des citadins. Et pourtant, il s’en est fallu de peu. Car la voiture électrique est apparue dès la fin du XIXe siècle, en même temps que les voitures à pétrole, et aurait bien pu rafler la mise. « Au départ, les chances de la voiture à vapeur, à pétrole et électrique étaient les mêmes, raconte l’historien néerlandais Gijs Mom, auteur d’un formidable ouvrage sur le 4 roues électrique (2). Avant 1900, il y avait des taxis électriques par centaines, à New York, Boston, Paris, ou Londres. » Son collègue Patrick Fridenson, de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, qui a cofondé le Groupe d’études et de recherche permanent sur l’industrie et les salariés de l’automobile (Gerpisa), souligne qu’on a compté jusqu’à 19 constructeurs de véhicules électriques en France. « L’Hexagone s’est distingué en tranchant le premier, dès 1901, en faveur du moteur à explosion. Les faillites se sont rapidement succédées : la Compagnie française des véhicules électromobiles en 1906 et Krieger en 1908. Aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, le choix s’est fait nettement plus tard. Nos voisins d’outre-Manche ont ainsi conservé jusqu’à aujourd’hui la tradition de petits utilitaires électriques pour livrer le lait à domicile, par exemple. »

Manque de conviction

Aujourd’hui, pétrole et voiture sont devenus synonymes. Pour quelle raison ? On invoque bien évidemment les aspects technologiques : l’autonomie des batteries, le manque de puissance dans les côtes. « On occulte l’absence de nuisances, la sécurité et la facilité de maniement, qui plaisaient pourtant aux femmes », résume Patrick Fridenson. Son collègue sociologue Michel Freyssenet, l’autre cofondateur du Gerpisa, s’interroge : « Le moteur à explosion était techniquement le choix le plus douteux, économiquement le plus incertain, et beaucoup de gens le rejetaient à cause de la pollution. Mais le pétrole était la seule énergie facilement transportable, et il existait déjà un réseau de distribution de pétrole lampant. Ce n’est pas le public qui a choisi, ce sont les constructeurs et l’armée. C’est plus une victoire du pétrole que de la voiture à essence. »

Par la suite, la voiture électrique est réapparue plusieurs fois sur le devant de la scène. « A chaque tension sur l’approvisionnement et le prix du pétrole, résume Michel Freyssenet. Mais le véhicule électrique a buté sur le manque de conviction des constructeurs. Puis, les craintes sur le pétrole se sont dissipées et la voiture électrique a été abandonnée. » Un argument que conteste Igor Demay, coordinateur technique des voitures électriques chez Peugeot : « Dans les années 1970, PSA était le leader mondial dans ce domaine. Cela a été douloureux, ressenti comme un vrai échec. » A l’époque, la voiture électrique avait été soutenue par EDF, et par quelques services de l’Etat, mais sans succès. Chez Renault, on pointe surtout les insuffisances technologiques de l’offre et la faiblesse de la demande. « Il n’y avait pas assez d’autonomie, justifie Thierry Koskas, le directeur du programme Véhicules électrique chez Renault. Les gens veulent au moins 150 km, même s’ils en font deux ou trois fois moins dans la journée. Et même il y a dix ans, il n’y avait pas de pression sur les émissions de gaz carbonique. » Cependant, l’autonomie a bon dos : car si les batteries ont progressé de manière spectaculaire depuis un siècle, les voitures ont pris tellement d’embonpoint que l’autonomie des véhicules est aujourd’hui proche de ce qu’elle était il y a cent ans. « Depuis les années 1970, la stabilisation des usages est devenue une contrainte, analyse Patrick Fridenson. La voiture à essence est si développée qu’il en devient presque impossible de la déloger. C’est la même inertie pour le clavier Azerty des machines à écrire. Cela fait des décennies que l’on sait qu’il y a plus efficace, mais il n’a, pour autant, jamais été remplacé. »

L’obsession des kilomètres

Dans les années 1990, le véhicule électrique refait parler de lui. En France, avec Citroën, et surtout aux Etats-Unis. La Californie a adopté en 1990 un « mandat » au nom de la qualité de l’air, qui impose alors aux constructeurs de vendre 2 % de voitures électriques dès 1998 et 10 % en 2003. General Motors (GM) est le premier sur les rangs avec l’EV1. Une voiture épatante, diront les utilisateurs qui s’arrachent les véhicules mis en location dès 1996. Mais dans le même temps, les constructeurs déclenchent une véritable guérilla contre le Bureau de l’air californien, qui finit par lâcher la voiture électrique en 2001. GM, qui a cessé de construire l’EV1 après plusieurs années de conflits internes, récupère les 800 exemplaires en circulation pour les détruire, en dépit de la mobilisation des utilisateurs. « Les constructeurs automobiles ont toujours tenu un double langage », observe Gijs Mom. « Renault annonce toute une gamme de voitures électriques, mais en même temps, il lance cette année un véhicule sportif utilitaire (SUV) Logan sous la marque Dacia, confirme Michel Freyssenet. Les associations de constructeurs font tout pour retarder l’adoption de normes d’émissions, arguant de leurs difficultés économiques. » Igor Demay rejette avec force cette affirmation : « Peugeot a lancé le filtre à particules sans contrainte réglementaire. C’est de cette innovation qu’est ensuite né un texte européen. » Gijs Mom pointe aussi les compagnies pétrolières du doigt. « Elles ont participé au sabotage de l’introduction de la voiture électrique en Californie. » Michel Freyssenet renchérit : « C’est à cette époque qu’ont explosé les ventes de SUV, gourmands en pétrole, qui représentaient 25 % du marché américain avant la crise. » Mais il ne faut pas oublier le rôle du public qui a, depuis longtemps, stabilisé ses exigences. « Dans la tête des gens, l’autonomie, c’est 500 kilomètres, estime Patrick Fridenson. C’est gravé dans leurs têtes, comme un élément essentiel de la valeur de l’objet automobile. » Une telle autonomie ne devrait pas être généralisable avant une dizaine d’années, rappelait récemment l’ancien patron de Tesla, une firme qui commercialise des voitures de sport électriques capables de rouler 400 kilomètres… à prix d’or. —

(1) A télécharger sur www.ina.fr

(2) « The electric vehicle : technology and expectations in the automobile age » (The Johns Hopkins University Press, 2004).

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  • Bonjour,
    Je sais que l’article est assez vieux, mais je suis assez choqué par rapport au titre de votre article .
    "Qui a tué la voiture électrique ? "
    avec une accroche comme celle-là c’est sûr que le lecteur va accroché , mais malheureusement cela met une mauvaise image à la voiture électrique, et il faut au contraire faire de ce bijou de technologie nos futurs moyens de transport ! La planète ne survivra pas longtemps. Je pense sincèrement que les mandataires automobiles, et les constructrices autos, ont un rôle majeur à jouer dans le changement des habitudes de vie, et donc c’est à eux de vendre ou créer de bonnes voitures électriques !

    14.02 à 13h58 - Répondre - Alerter
  • Alors que certains grands dirigeants chez Renault vantent la nouvelle gamme de véhicules électriques, le constructeur nous fait des misères pour entretenir nos Clio et Kangoo électriques produits entre 1996 et 2005.

    Jusqu’en 2011, un technicien spécialisé se déplaçait dans toute la France pour les entretenir et/ou les dépanner. A partir de cette date, nos demandes sont restées sans réponse, et il a fallu lourdement insister pour décrocher une ultime intervention.

    Désormais, il nous faudra amener nos véhicules électriques dans un garage agréé, parfois à plus de 200 kilomètres de chez nous. Dans la pratique, ça signifie qu’en plus du coût de l’opération d’entretien ou de réparation, il faudra payer une dépanneuse pour emmener et ramener le véhicule concerné.

    Contrairement à ce que le service clientèle nous a indiqué par téléphone, nous n’avons jamais reçu de courrier officiel ni la liste des garages agréés dont le nombre diminue sans cesse à cause des compétences non remplacées. A court ou moyen terme, cette politique de Renault signe l’arrêt de mort de nos ’anciens’ VE Renault, ce qui rappelle, en moins brutal, ce qui s’est passé chez GM avec l’EV1.

    Pour nous, utilisateurs des VE Renault de la première heure, c’est l’incompréhension. Nous pensions, sans doute naïvement, que le constructeur appuierait sa communication sur sa nouvelle gamme de VE en utilisant notre expérience. Car nous pouvons témoigner qu’un VE sait remplacer une voiture thermique au quotidien, qu’un VE à 100.000 km est toujours en parfait état de marche, qu’on peut aussi faire du tourisme voire passer des vacances en VE, qu’utiliser un VE en milieu rural ou urbain n’est pas une ineptie, que les propriétaires de VE d’ancienne génération sont toujours demandés pour l’organisation de différentes manifestations ou des témoignages en milieu scolaire.

    Que penser de cette situation pour des VE qui n’ont parfois que 7 ans à peine ? Que fera le constructeur dans 7 ans avec la nouvelle gamme disponible aujourd’hui ?

    En attendant, nous n’avons pas d’autre choix que de nous regrouper en associations pour rappeler au constructeur ses obligations légales en matière d’entretien et réparation : 10 ans minimum à partir du dernier modèle produit. Certains d’entre-nous envisagent même de faire expertiser le véhicule avant de le confier au garage agréé, de peur qu’une mauvaise manipulation plus ou moins intentionnelle vienne le réduire à l’état de véhicule bon pour la casse. Dans le monde du VE, ça s’est déjà vu maintes fois en France, a priori pas encore chez Renault.

    Le constructeur nous laisse à penser qu’il trouve notre communauté de ’pionniers’ insignifiante. Mon épouse avait besoin d’un nouveau véhicule. Nous attendions la sortie de la Zoé ; ma femme a décidé de ne plus attendre et vient de signer avec la concurrence pour son VE.

    Personnellement, je souhaiterais que les constructeurs soient plus cohérents dans leur politique de développement du VE. On ne peut à la fois vanter les mérites des véhicules électriques et se mettre à dos les utilisateurs et sympathisants des modèles anciens dont bon état général mérite toute leur attention.

    16.07 à 12h50 - Répondre - Alerter
  • La rallonge électrique toujours trop courte, le prix , la batterie , le véhicule
    L’avenir, sans doute les supra condensateurs, autonomie de 10, ou 20 kilomètres, mais pouvant être chargés en quelques secondes par induction, pourquoi pas aux feux rouges

    Sur la route , comme pour les autos tamponneuses avec perche et caténaire .Ah bon ça existe déja, ça s’appelle trolley bus ou train ?

    Trêve de plaisanteries le problème c’est la batterie,et tous les gisements de lithium du monde, de plomb ,ne suffiront pas
    Ce n’est pas pour ça qu’il ne faut pas la développer la ou elle est le plus utile, c’est a dire en ville

    15.07 à 23h22 - Répondre - Alerter
  • Je crois me souvenir que dans l’entre deux guerres, les societes electriques etaient privees et etaient proprietaires de grandes flottes de camions electriques qui se chargaient la nuit pour livrer le jour. C’etait meme l’origine historique d’une des plus grande societe de location de camions a Lyon qui s’appelait LOCAMION. Et puis la production electrique a ete nationalisee...et puis l’Etat et nos Syndicats qui savent a peine faire une chose a la fois ont simplement arrete cette pratique. Les transporeurs livreurs ont conserve leurs clients en passant a l’essence !
    Bref, tout cela pour souligner que "ne rien faire, c’est laisser faire !". Tout le monde a laisse faire l’assasinat du vehicule electrique et c’est bien domage...sauf pour ceux qui preferent les energies fosiles plutot que l’electricite....et ils sont nombreux !

    15.07 à 10h37 - Répondre - Alerter
  • Je pense que cet article devrait mentionner le documentaire de Chris Paine : "Who Killed the Electric Car ?", que je conseille vivement à ceux qui ne l’auraient pas vu.
    En découvrant le Terra Eco de ce mois-ci, cet article m’a tout de suite fait penser à ce film et je trouve dommage de n’y trouver aucune référence, car non seulement vous abordez le sujet traité dans ce documentaire, mais en plus vous avez choisi pour titre sa traduction mot à mot.

    6.10 à 14h52 - Répondre - Alerter
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