Laurent Lasne est le président du Syndicat national des inspecteurs en sécurité publique vétérinaire, chargés de contrôler la sécurité de l’alimentation. Il réagit après que Le Télégramme a dévoilé le contenu d’un rapport confidentiel de la Cour des comptes qui indique que l’offre de produits « premier prix » présente des « manquements graves aux conditions d’hygiène » et des « failles de traçabilité ».
Terra eco : Un rapport confidentiel de la Cour des comptes alerte des pratiques douteuses dans la fabrication des produits « premier prix » : crottes de souris dans le chorizo, viande gris verdâtre, moisissures, etc. Cela vous surprend-il ?
Laurent Lasne : Oui, je suis un peu surpris que les produits discount soient ainsi pointés du doigt alors qu’ils sont fabriqués dans les mêmes usines que les produits de marque ou de marque distributeur. S’il y a un problème de souris à un endroit, c’est le cas pour tous les produits fabriqués dans l’usine, quelle que soit la marque. Il n’existe pas des usines dédiées aux produits « premier prix » et d’autres qui ne font que du haut de gamme.Donc ce n’est pas une question d’hygiène ?
Non, le vrai sujet porte sur le choix des matières premières. Si l’on veut vendre un produit vraiment pas cher, on choisit des matières premières qui ne le sont pas non plus : du sel, du gras, du sucre. Les produits « premier prix » sont souvent trop gras, trop sucrés, trop salés. La vraie différence pour le consommateur qui achète des produits transformés « premier prix » ou de marque se situe d’un point de vue nutritionnel et non de sécurité infectieuse. A chacun ensuite de se demander ce qu’on peut mettre dans une saucisse vendue 3 euros le kilo, soit moins cher qu’un kilo de pain…Et qu’y met-on ?
Du gras et de la « VSM », de la viande séparée mécaniquement, autrement appelée « gros grain ». C’est un processus qui permet de récupérer la viande – de volaille notamment – qui reste collée à la carcasse. Une machine se charge de récupérer cette chair, mélangée à des os et de la moelle osseuse, et de transformer le tout en pâte de plus ou moins bonne qualité, selon le rapport viande/os voulu par le fabricant. C’est un procédé sans danger, d’autant qu’un traitement thermique adapté est appliqué, et qui peut être intéressant d’un point de vue nutritionnel, car cela fait des protéines à pas cher ! Mais il peut être tentant pour un industriel de vendre des os pour de la viande, afin de diminuer le prix de ses produits… Idem si vous achetez une compote de pommes « premier prix », elle pourra être plus sucrée et les pommes moins bien épluchées, donc avec davantage de résidus chimiques, qu’une compote plus chère. Il faut donc commencer par lire les étiquettes.Et privilégier les produits non transformés ?
Oui. Il est sûr qu’une côte de porc « premier prix » sera peut-être moins goûteuse qu’une côte de marque, car le porc aura été abattu plus jeune. Mais en achetant un produit brut, vous serez au moins sûr de ce que vous aurez dans votre assiette. Idem si vous achetez une pomme et faites votre compote vous-même. De plus, acheter les produits bruts revient souvent moins cher que les produits élaborés, même « premier prix ». Et on n’a pas d’incertitude sur la composition de ce que l’on mange.La crise et la baisse du pouvoir d’achat ont-elles un impact sur la qualité des produits élaborés ?
Disons qu’avec la crise certaines entreprises sont tentées de flirter avec les règles, pour augmenter leurs marges. Par exemple, en vendant du cheval pour du bœuf, en allégeant les auto-contrôles auxquels elles doivent se soumettre ou en faisant des économies sur les parures, ces morceaux retirés – pour des questions d’hygiène – de la carcasse et qui ne peuvent pas être vendus, car ils se trouvent au niveau de la plaie saignée. Plus vous parez large, plus vous retirez de viande souillée, plus cela vous coûte cher. Dans ces temps difficiles, certaines entreprises ont tendance à rogner le périmètre des parures.A lire aussi sur Terra eco :
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