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28-02-2008
Mots clés
Développement Durable
Monde

Quand l’homme emprunte la Terre

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Chaque année, il faut des tonnes de « nature » pour subvenir aux besoins d’un Terrien. Problème : cette « empreinte écologique » dépasse les ressources de la planète. Explications.
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Mme Lambda revient du supermarché. Dans le coffre de sa voiture, de quoi remplir sa penderie, son frigo et donc ses poubelles dans quelques jours. Son emploi de vendeuse la conduit à grimper dans sa voiture tous les matins pour effectuer les 15 kilomètres qui séparent son domicile de son lieu de travail. Le problème, c’est que la planète héberge désormais plus de 6 milliards d’êtres humains et que nos comportements – même s’ils peuvent sembler banals à nos yeux – finissent par dépasser les capacités de la Terre à supporter cette (sur)activité. En 1990, un étudiant canadien, Mathis Wackernagel, se penche sur le problème et entame une thèse sous la direction de William Rees à l’université de Columbia à Vancouver (Canada).

Au lendemain du sommet de Rio, les deux chercheurs planchent sur un outil visant à calculer ce qu’ils baptisent alors, sans grande inspiration, « la capacité de soutien appropriée  » de la planète. « C’est un informaticien qui nous a soufflé le terme d’“ empreinte écologique ”, reconnaît Mathis Wackernagel. Il venait de s’offrir un nouvel ordinateur, plus compact que le précédent et il louait la “ faible empreinte (comprendre “ trace ”) sur le bureau ” de son achat. » En 1996, les deux compères publient le premier ouvrage sur la question  [1]. L’empreinte est enfin définie et désigne l’espace utilisé par les hommes pour produire les ressources nécessaires à leur mode de vie et pour rejeter leurs déchets. Pour l’évaluer, il s’agit d’abord de faire l’inventaire de notre bonne vieille Terre, puis de savoir quel garde-manger écologique (la « biocapacité ») est à notre disposition.

Petite leçon d’arithmétique. Considérons la superficie totale du globe et soustrayons les zones dites « non biologiquement productives » comme le grand large, les glaciers, les sommets ou les déserts. Prenons en compte et quantifions les besoins minimaux des autres espèces (faune et flore) en eau, air, habitat et nutriments. Il reste à la disposition de l’Homo sapiens 11,2 milliards d’hectares. Partagé entre les 6,3 milliards d’individus, cet espace se réduit à 1,78 hectare par personne. D’après ce calcul, l’homme dispose donc, pour une année, de l’équivalent de plus de 3 terrains de foot.

Mais l’équation se corse. Car, pour satisfaire nos modes de vie et notre consommation, l’empreinte moyenne de l’homme grimpe d’un cran et passe à 2,23 hectares par habitant, soit 4,5 terrains de football, selon les calculs de l’ONG Planète vivante. Le hic saute aux yeux : l’empreinte écologique de l’humanité équivaut à 125 % de la biocapacité planétaire. L’humanité vit donc au-dessus des moyens de la planète. A ce rythme, la gueule de bois écologique est prévue pour 2050. Bien entendu, un Asiatique ne pèse pas avec la même intensité sur le globe qu’un Africain ou un Nord-Américain. En Europe, l’empreinte s’élève à 4,8 ha par habitant ; en Amérique du Nord à 9,6 ha ; dans les Emirats arabes unis à 11,9 ha. A l’inverse, elle n’est que de 0,8 ha au Yémen et de 1,6 ha en Chine.

« Encore jeune et imparfait »

S’exprimant en hectares, en nombre de planètes ou en terrains de foot, l’indicateur ne fait pas l’unanimité. « On résume le grand tout de la nature dans un seul chiffre. Mais en réalité, il perd tout son sens car on veut lui faire dire trop de choses », regrette Frédéric Paul Piguet, chercheur à l’Institut de politiques territoriales et d’environnement humain à Lausanne (Suisse). D’après lui, l’empreinte agrège des concepts hétérogènes, ce qui s’avère scientifiquement douteux [2]. D’autant que cet indicateur devrait rendre compte du dépassement des limites de la planète ainsi que du partage des ressources planétaires, deux choses très différentes. « Dans l’empreinte écologique, la consommation d’un hectare de bois provenant d’une forêt correctement exploitée est égale à celle d’un hectare d’une plantation intensive d’eucalyptus.

Or, d’un point de vue écologique, ces hectares sont totalement différents. Un indicateur ne peut pas traiter deux questions concurrentes en même temps », ajoute Frédéric-Paul Piguet. Plus modérée, Thanh Nghiem dirige l’institut Angenius qui aide les collectivités à utiliser cette mesure, notamment pour les déchets : « L’empreinte est un outil encore jeune et imparfait. Sa principale faiblesse réside moins dans les querelles d’experts que dans les difficultés à l’utiliser correctement au niveau d’une collectivité ou d’une entreprise. » En France, l’Institut français de l’environnement a lancé un audit sur l’intégration de l’empreinte dans les statistiques nationales. « Cet indicateur ne peut pas servir à la mise en oeuvre de politiques écologiques car il est presque totalement aveugle aux dommages causés aux ressources naturelles  », prévient Frédéric Paul-Piguet.

Les joies de la calculette

Malgré ses lacunes, l’empreinte se diffuse à grande vitesse. Auprès du public qui s’initie aux joies des « calculettes à empreinte » foisonnant sur le Web. Mais aussi auprès des collectivités et des institutions. Dix ans après leur premier article, William Rees et Mathis Wackernagel ont créé le Global Footprint Network, dont le principal objectif est de faire de l’empreinte un indicateur aussi couramment utilisé que le produit intérieur brut. C’est déjà le cas au pays de Galles, en Suisse, au Japon, dans les Emirats arabes unis ou en Belgique. « Pour un pays, cela sert à mesurer son degré de dépendance vis-à-vis de l’extérieur, précise Thanh Nghiem. Par exemple, les Emirats se demandent s’ils doivent utiliser leur énergie pour fabriquer de l’eau et arroser leur désert, plutôt que d’importer les fruits et légumes qu’ils n’arrivent pas à cultiver. » Quelles que soient les critiques, l’empreinte laissera donc sa trace. Peut-être indélébile. —

[1] Our Ecological Footprint : Reducing Human Impact on the Earth, William Rees et Mathis Wackernagel.

[2] Revue Futuribles, octobre 2007.

Sources de cet article

- Le site du Global Footprint Network, où se trouvent les données pays par pays

- Pour calculer son empreinte personnelle

- Le site du WWF

- L’agence Angénius s’adresse aux collectivités et à certaines entreprises

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Journaliste errant dans les sujets environnementaux depuis treize ans. A Libération, mais de plus en plus ailleurs, s’essayant à d’autres modes d’écriture (Arte, France Inter, Terra of course, ...). Il y a deux ans, elle a donné naissance (avec Eric Blanchet) à Bridget Kyoto, un double déjanté qui offre chaque semaine une Minute nécessaire sur Internet.

1 commentaire
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  • Bonjour Laure,

    Merci pour cette excellente synthèse sur l’empreinte (et l’emprunt à la Terre).

    Deux précisions :

    - l’adresse web d’angenius c’est http://angenius.net (et non .fr)

    - nous avons créé avec une communauté active d’utilisateurs, de chercheurs et d’experts un site collaboratif "empreinte ouverte" (http://ee.angenius.net) dont l’objet est de partager librement la connaissance accumulée dans les projets menés par les uns et les autres.
    Il y a, entre autres, une base de données ("TEO" pour Tableau Empreinte Ouverte) en téléchargement libre qui donne plus de 500 facteurs pour calculer l’empreinte.
    Il y a aussi des guides méthodologiques et des cas concrets, ainsi qu’une perspective stratégique sur l’empreinte et ce qu’elle sous-tend.

    A bientôt et bravo pour ce site, très vivant et efficace !!!

    Voir en ligne : Site de l’Empreinte Ouverte

    14.03 à 08h59 - Répondre - Alerter
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