Quand Philippe de Villiers mène une croisade, tous les coups sont permis, y compris l’intox. Pour marquer son opposition au projet de parc éolien marin entre Noirmoutier et l’Ile d’Yeu, voici la photo que le Conseil général de Vendée, dont il est le président, n’a pas hésité à publier dans son journal daté du 26 avril 2010 (1) sous le titre « L’éolien en mer ou l’océan défiguré » :
Impressionnant… Sauf qu’il s’agit d’un photomontage – pour tout dire assez grossier – destiné à effrayer le quidam. Sous la photo, la légende précise : « Le projet d’éolien offshore en Vendée, verrait, s’il aboutit, ce genre de paysage obstrué par cent éoliennes ». La société WPD, porteuse du projet, aurait préféré que le Conseil général de Vendée explique comment son service de communication s’y est pris pour réaliser cette image. Car l’emplacement du futur parc éolien y est inexact, les éoliennes sont positionnées en pagaille et en dépit du bon sens pour exagérer leur impact visuel et la photo est comme prise au téléobjectif… D’après un document très détaillé élaboré par WPD, voilà à quoi devrait réellement ressembler le parc éolien offshore « des deux îles », vue de la pointe de l’Ile d’Yeu :
vue d’ensemble à 180° (la flèche signale la balise des Chiens-Perrins au premier plan sur le photomontage du Conseil général de Vendée)
détail (on aperçoit le parc éolien des deux îles au fond, sous l’accolade) :
Une précision encore : cette photographie a été prise avec appareil 24x36 et une focale de 50mm, vision la plus proche de l’œil humain, avec des déformations et des perspectives identiques. Selon Pascal Berzosa, directeur général adjoint du Syndicat départemental d’énergie et d’équipement de la Vendée, qui se base sur son expérience de l’éolien et les photographies de parcs offshore existants, le montage de WPD est « parfaitement crédible ».
Vents contraires
On aurait aimé comprendre les raisons profondes de l’opposition de Philippe de Villiers au projet de parc éolien des deux îles, mais malgré nos nombreuses relances, celui-ci n’a pas souhaité répondre aux questions de Terra eco. On s’en tiendra donc aux arguments développés dans l’article du Journal de la Vendée. Sont évoqués pêle-mêle « les ravages » sur les fonds marins qu’occasionnerait l’installation d’une centaine d’éoliennes, « la modification des courants » ou l’impact sur la faune marines (poissons, oiseaux, etc.)… Des sujets de préoccupation réels et d’ailleurs largement débattus par tous les acteurs concernés, pêcheurs en tête. Mais la défiguration du paysage reste la pièce maîtresse de l’argumentation. Pour marquer plus encore les esprits, le journal reproduit une infographie signée Jean-Pierre Huguet, le président de l’association « Non aux éoliennes entre Noirmoutier et Yeu », comparant la taille de éoliennes à celle de la tour de Bretagne à Nantes (144 mètres) ou de la tour Montparnasse (210 mètres). « La Vendée ne veut pas devenir un champ d’éolienne », conclut l’article avant d’en appeler « au développement du solaire et de la géothermie qui ne défigure pas le paysage. »
Ces arguments laissent pantois Brice Cousin, chef du projet des deux îles chez WPD. « Oui, c’est vrai, les éoliennes, c’est vertical, donc une fois qu’elles sont installées, on les voit. Mais ce parc sera le plus au large possible : à 21 km du continent et à 13 km de l’Ile d’Yeu, c’est une configuration exceptionnelle en France (le parc offshore de Normandie n’est situé, lui, qu’à 6 km des côtes par exemple, ndlr). A cette distance, il y a une faible emprise sur l’horizon, d’autant que sur le littoral, vous avez une vision à 180° et que le parc ne sera visible que sur 20° à 30°, donc il n’y pas d’effet de barrière. Notre parc ne va pas boucher l’horizon, et encore, si on tient compte des conditions météo locales, le parc sera invisible un jour sur 3. »
WPD, leader de l’éolien offshore, comprend d’autant moins l’opposition de Philippe de Villiers que celui-ci lui avait réservé un accueil plutôt favorable au démarrage du projet, en 2007, lorsque le développement de l’éolien faisait encore partie du projet politique du MPF (Mouvement pour la France) qu’il dirige. (2) Ce qui est bon pour la France ne le serait-il plus pour la Vendée ?
Arbitrage politique
Mais au final, ce n’est pas le Conseil général de Vendée qui aura le dernier mot et donnera ou non son feu vert – probablement avant la mi-septembre – mais bien l’Etat. L’éolien terrestre ayant un peu de plomb dans l’aile depuis que les parlementaires l’ont malmené lors du vote du Grenelle II et le gouvernement compte bien se rattraper avec l’éolien offshore pour atteindre les objectifs du Grenelle de l’environnement. Le lancement imminent d’un appel d’offres visant à construire quelque 600 éoliennes au large des côtes françaises, pour un investissement public de 10 milliards d’euros, a d’ailleurs été confirmé la semaine dernière.
Déjà, le ministère de l’Ecologie a demandé aux préfectures de mener une concertation pour définir les zones les plus propices (voir notre carte). Le hic, c’est que le préfet des Pays de la Loire n’a pas classé la zone « Sud Loire » – celle qui concerne le projet des deux îles – comme « zone prioritaire » mais comme « zone éventuelle ». Une décision dont s’est ému Jacques Auxiette. Le président du Conseil régional estime que sa région a besoin des deux projets de parcs éoliens offshore – celui des deux îles en Vendée et celui, a priori mieux parti, de la société sur le banc de Guérande en Loire-Atlantique – pour notamment « diversifier sa production énergétique et tendre vers une plus grande autonomie alors que le réseau de transport électrique du territoire est fragilisé par son éloignement des sources de production ».
L’enjeu est de taille. Outre les 600 mégawatts de puissance visée par la ferme éolienne des deux îles, soit de quoi fournir en électricité l’équivalent de 700 000 foyers, les industriels estiment que la construction de ce parc pourrait localement créer 350 à 500 emplois pendant trois ans. Une aubaine pour les villes portuaire en pleine reconversion comme Saint-Nazaire, non loin des plages de Vendée. La Chambre de commerce et d’industrie de Saint-Nazaire, les chantiers naval STX et le cluster d’entreprises Neopolia (3) l’ont rappelé à François Fillon, dans une lettre commune, et sans photomontage, qu’il lui ont adressé au début de l’été.
A lire aussi sur Terra eco :
notre reportage « Voyage au pays de l’éolien offshore »
(1) Diffusé dans toutes le boîtes aux lettres du département.
(2) Proposition 295 du projet politique du MPF, au chapitre « La ruralité, le développement durable et les territoires » : « Multiplier par 4 à l’horizon 2020 la quantité d’énergie (chaleur, carburant, électricité) issue de ressources renouvelables : l’énergie éolienne, l’hydraulique, le solaire photovoltaïque, le solaire thermique, les biocarburants, la biomasse et la géothermie. La part des énergies renouvelables passerait ainsi de 10% aujourd’hui (dont 90% de chauffage au bois et d’électricité hydraulique) à 40% en 2020 ».
(3) Un réseau régional qui regroupe 90 entreprises et représente plus de 9 000 emplois dans l’industrie du pétrole et des transports.
Appel à nos lecteurs
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