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Contre-capitalisme

Par freretuck
30-04-2012

III - QUE FAIRE ?

La critique politique du capitalisme est en panne. Tout le monde s’accorde sur le diagnostic. Personne n’est en mesure de délivrer un traitement global et efficace. Les stratèges de la révolution prolétarienne, autrefois si diserts, ne peuvent ou ne veulent plus s’exprimer. Certains présentent de très pertinentes solutions locales pour un désordre global, d’autres proposent des idées tenant davantage du vœu pieux que d’une volonté avérée. Chacun sait que ce n’est pas suffisant pour changer le monde.

Il est temps de reprendre espoir et initiative. De contrer le capitalisme dans sa globalité. De l’atteindre en son cœur, à travers ses propres contradictions. De tirer profit de sa force pour mieux l’affaiblir. La mise au point d’une stratégie globale et réfléchie est nécessaire pour mener à bien une critique efficace du capitalisme. La stratégie politique est nécessaire mais pas suffisante.

Une critique du capitalisme doit fondamentalement être liée à la proposition d’une alternative concrète et à sa construction effective sans attendre une échéance imprécise. Une telle construction est possible aujourd’hui.

Une nouvelle société ne peut émerger que des flancs de l’ancienne société. On ne fait pas table rase du passé. Toute révolution n’est que l’évolution d’une situation suffisamment mûre pour être visiblement modifiée à brève échéance.

Le capitalisme est une organisation avant tout économique, qui imprime sa marque sur les terrains politiques et intellectuels. La clé de sa disparition et de son changement se trouve en son sein même. Comme le féodalisme portait en germe les conditions économiques d’émergence et de développement du capitalisme moderne, de même le capitalisme porte en germe les conditions économiques d’émergence et de développement d’une nouvelle société, adaptée aux besoins de l’immense majorité de la population.

De même que les marchands du Moyen-Age se sont progressivement affranchis de la tutelle du pouvoir féodal d’une poignée de seigneurs de guerre par leur enrichissement progressif et la prise de contrôle de la vie économique, les prolétaires modernes sont en mesure de s’affranchir progressivement de la tutelle des rapports marchands imposés par une poignée d’investisseurs financiers en prenant le contrôle du pouvoir économique. Or, celui-ci réside aujourd’hui aux mains des investisseurs financiers.

Le pouvoir des investisseurs repose sur la détention du capital et leur capacité à le reproduire, ce qui les renforce. Si l’on souhaite s’affranchir d’un tel pouvoir, la seule solution est de prendre le contrôle du cœur du système : celui qui contrôle l’investissement, c’est à dire la reproduction du capital, contrôle le capital. Qui contrôle le capital, contrôle l’économie. Et qui contrôle l’économie, contrôle la société.

Les investisseurs, par leurs méthodes, leurs règles et leurs outils contrôlent l’ensemble du système. Ils sont capables de créer de la richesse ou capital pour leur seul profit, au mépris de toute autre considération. Or, si la richesse créée par le biais des investissements était attribuée non pas aux investisseurs mais réinvestie dans la création et le développement d’activités productives socialement utiles, répondant réellement aux besoins de la population, il serait dès lors possible d’imaginer le développement de circuits économiques productifs, utiles et socialement équitables. Libérés des circuits capitalistiques classiques, ces activités sociales et solidaires seraient porteuses d’émancipation pour les salariés, les consommateurs et par conséquent les citoyens.

Une économie sociale et solidaire existe. Elle représente 10% du PIB et se développe petit à petit. Un embryon de finance solidaire existe également. Avec 3,082 milliards d’euros, il représente 0,075% des actifs bancaires en France. Les circuits d’investissements solidaires sont faibles, morcelés et éparpillés entre différents supports pas toujours efficients ni même solidaires. Les investissements dits « socialement responsables » (ISR) ne sont que des cache-sexe d’entreprises capitalistes très lucratives se livrant à du mécénat ou à des initiatives relevant davantage du marketing que d’un engagement sincère et durable pour l’environnement, les travailleurs ou les consommateurs. Les entreprises dites de croissance verte sont avant tout des entreprises cherchant à s’assurer du profit tout en proposant d’agir ponctuellement pour le respect de la planète. Les dons aux ONG enfin ne permettent pas de développer une activité productive utile à la population et un fonctionnement économique à même de modifier en profondeur les rapports sociaux. De telles initiatives, enserrées dans les mailles de la quête du profit individuel illimité sont par nature limitées dans leur portée. Elles ne permettent de créer ni les richesses suffisantes ni les emplois permettant de s’affranchir durablement des rapports capitalistes de production et d’échange. Par conséquent, de telles initiatives ne peuvent contribuer efficacement à créer un monde plus vivable aux richesses réparties plus équitablement.

Seules, les coopératives de production créent de la richesse équitablement produite et démocratiquement redistribuée. Lorsqu’une entreprise classique abreuve abondamment ses actionnaires au détriment d’une vision à long terme, une coopérative rétribue ses travailleurs librement associés et continue d’investir pour produire mieux. Cette économie productive et solidaire représente le germe et le cœur d’une véritable économie durable, productrice de biens et de services utiles pour l’immense majorité de la population. Cette économie est appelée à se généraliser. Encore faut-il lui donner les moyens de se développer et de se structurer.

Le schéma suivant montre qu’en 2010 , sur les quelque 3 milliards d’euros investis en France dans l’épargne solidaire, seuls 15 % sont fléchés en direction de projets émanant d’entreprises solidaires. Parmi elles, un faible nombre seulement sont des coopératives.

http://idata.over-blog.com/5/92/50/...

Chaque mois, des projets solidaires ne peuvent éclore, faute de financement suffisant. Aujourd’hui comme hier, le capital constitue pour tous, tenants du système ou opposants, le véritable nerf de la guerre.

Chaque jour, à chaque minute, des milliards de dollars et d’euros sont échangés sur les marchés pour le plus grand profit des investisseurs et d’eux seuls. Les banques, les assurances, mais surtout les fonds d’investissement sont les outils permettant aux investisseurs de prospérer quotidiennement. Par la mobilisation de capital au sein de différents produits financiers, plus ou moins risqués donc plus ou moins rentables, les fonds d’investissement engrangent du capital qu’ils vont ensuite redistribuer à leurs propres souscripteurs.

Aussi, face aux fonds d’investissement capitalistes qui produisent du capital pour le seul profit individuel, de nouvelles armes peuvent et doivent s’élever : les fonds d’investissement contre-capitalistes, qui capteront ce même capital au service de véritables progrès collectifs. Chercher l’argent où il se trouve. Investir du capital et en récupérer le profit comme n’importe quel investisseur. Utiliser les mêmes outils et les mêmes méthodes que les investisseurs professionnels. Puis le redistribuer non pas à des investisseurs anonymes, mais aux acteurs d’une économie productive et solidaire libérée des rapports marchands, ayant vocation à se développer dans tous les secteurs pour se substituer à terme au fonctionnement capitaliste de l’économie.

S’insérer au cœur du système capitaliste pour récupérer le capital où il se trouve. Autrement dit, appliquer la stratégie de Robin des Bois combinée avec la tactique du cheval de Troie.

L’émergence de fonds de ce type permettra d’accélérer radicalement le développement d’une économie sociale, solidaire et productive afin d’extraire des pans de plus en plus larges de l’économie du système capitaliste et de sa funeste quête de profit illimité.

Le schéma suivant montre le fonctionnement comparé d’un fonds d’investissement capitaliste classique et d’un fonds de type contre-capitaliste, du point de vue du mécanisme financier :

http://idata.over-blog.com/5/92/50/...

Concrètement, il s’agit de capter le profit à son origine par le biais d’investissements classiques, et d’en redistribuer massivement le produit au bénéfice de structures économiques durables. Par le recours à l’investissement capitaliste classique et éventuellement à la spéculation, les gains potentiels peuvent être supérieurs à 10% par an, soit parmi les meilleurs résultats possibles. Par une rémunération correcte et sans excès de ses travailleurs, les frais de gestion peuvent être plafonnés à environ 1% (quand la plupart des fonds capitalistes réclament entre 2 et 5%) et limitent ainsi la déperdition de capital. Par une rémunération légèrement supérieure au taux d’épargne sans risque (le Livret A en France), à environ 3% par exemple, le fonds contre-capitaliste est à même d’attirer les capitaux de particuliers-consommateurs responsables et solidaires. Par l’affectation du solde au financement de projets solidaires productifs via des prêts, des avances remboursables, une autre économie est à même de se financer et donc de se développer.

Si 100 000 personnes mettent chacune 10€, le capital du fonds atteint 1M€, ce qui est peu mais suffisant pour commencer à investir, engranger du profit et enclencher un mécanisme de redistribution au profit de l’économie solidaire et productive. Le risque de perte de capital existe comme dans toute forme d’investissement. Mais les perspectives de gains sont au moins équivalentes. Ce qui est possible pour un fonds d’investissement classique n’a aucune raison technique de ne pas l’être pour un investisseur contre-capitaliste.

Le produit des investissements classiques pourra être massivement injecté dans les financeurs et les entreprises solidaires à même de proposer des projets socialement utiles, économiquement viables et humainement épanouissants. Financer un secteur productif solidaire est infiniment plus durable que subventionner n’importe quelle ONG qui ne propose que des solutions ponctuelles.

De tels fonds d’investissements peuvent émerger à tout moment. Ils ne nécessitent qu’un peu de matériel informatique et quelques compétences professionnelles. Des traders cherchant du sens à leur métier pourraient même y contribuer efficacement. Tirer partie de toutes les forces et des contradictions du capitalisme pour en retirer un profit maximal au bénéfice du plus grand nombre, s’appuyer sur toutes les énergies, les ressources et les informations que ce système produit chaque jour pour mieux faire émerger une organisation économique alternative crédible, concrète et globale, c’est la stratégie contre-capitaliste qui est proposée ici.

COMMENTAIRES ( 1 )
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  • vegeshopper : III - QUE FAIRE ?

    C’est la première fois que je lis un article aussi intéressant et réaliste sur la façon de sortir du capitalisme, dont tout le monde sait qu’il est devenu un système pervers. C’est hélas la finance qui gouverne le monde et rien ne changera sans une prise de contrôle de celle-ci à d’autres fins. Je garde cet article en archives et ne manquerai pas de le relire et de m’en inspirer.

    15.01 à 21h31 - Répondre - Alerter
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