Climat : la longue route vers un accord mondial |
Par Thomas Matagne |
Engagements sur le climat : vers une police du CO2 ? |
MRV signifie « measurable, reportable, verifiable » ce qui se traduit assez directement en français par « mesurable, notifiable, vérifiable ». ICA signifie « International consultation and analysis » soit « consultation et analyse internationales ». Le MRV/ICA est un des chapitres discutés dans le cadre du groupe AWG-LCA, c’est-à-dire dans les négociations de long terme parallèles à celles sur le protocole de Kyoto.
Comme ces acronymes le laissent entendre, il s’agit de l’établissement d’un système international de transparence capable d’assurer l’intégrité environnementale (selon l’expression consacrée) et la confiance entre les parties sur le long terme. Ce point est donc fondamental : un accord avec un mauvais MRV/ICA serait synonyme d’un faux accord. On sait également qu’il n’y aura pas d’accord sans éléments sur le MRV/ICA.
Si le principe de contrôle semble évident, le concrétiser est en fait complexe : il faut à la fois s’accorder sur ce qu’il faut mesurer, sur la façon de le faire, d’en rendre compte et surtout sur les moyens pour vérifier la véracité de ce qui est annoncé…
Actuellement, dans le cadre de la Convention, les pays développés sont tenus de réaliser leur inventaire d’émissions de gaz à effet de serre tous les ans ; ce même inventaire est réalisé moins fréquemment par les pays en développement (article 12 de la Convention). De plus, tous les pays sont tenus de réaliser des « communications nationales », selon une périodicité variable (toujours selon leur niveau de développement). Dans ce document, en plus de l’inventaire, chaque pays doit donner les informations relatives à ses actions, à ses objectifs et les moyens consacrés.
Les inventaires des pays développés sont soumis à des « examens approfondis » par des experts, sous l’égide de la Conférence des Parties, qui évaluent leur qualité par rapport aux bonnes pratiques définies par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) (selon les articles 7, 8, 9 du protocole de Kyoto). Le contrôle international est donc strictement technique et limité.
Le terme « ICA » n’était pas présent dans les négociations officielles ; il est apparu avec l’accord de Copenhague (dont on rappelle qu’il a été rédigé à la marge de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques). ICA visait spécifiquement les pays en développement, en parallèle avec le MRV pour les pays développés.
A Copenhague, cette question avait conduit la Chine et les Etats-Unis à s’affronter frontalement, sans trouver de solution. Pour résumer simplement le problème d’alors, les Etats-Unis voulaient une vérification totale dans les pays en développement. Les Chinois y opposaient la souveraineté nationale et le fait que les pays développés ne sont pas soumis à des telles exigences (surtout s’ils ne sont pas membres du protocole de Kyoto). Inversement, les pays en développement demandent de la transparence sur les financements promis par les pays développés, et ces derniers souhaitent pouvoir vérifier l’usage qui est fait de l’argent mis sur la table.
Les pays développés n’ont pas confiance dans les statistiques des pays en développement ; ils sont également sceptiques dans la réalité des actions promises dans le cadre de l’accord de Copenhague (la Chine est particulièrement visée). Tandis que les pays en développement ont appris avec l’expérience que les promesses d’aide des pays développés font souvent long feu. Les méfiances réciproques sont justifiées de part et d’autre…
Depuis Copenhague, plusieurs textes ont été proposés par l’Union européenne ou par le Brésil et l’Afrique du Sud notamment. Mais celui qui a fait le plus de bruit et qui suscite le plus d’espoirs est sans doute la proposition indienne.
La proposition indienne repose sur un principe de publication régulière, incluant un inventaire des gaz à effet de serre, la description des actions d’atténuation, les effets obtenus, les progrès vers les promesses réalisées à Copenhague… Ce rapport serait soumis à une procédure de revue par des experts, puis par « les pairs » (c’est-à-dire les autres pays) lors de réunions dédiées à ces analyses. Malgré ses différences, elle reste relativement proche des autres propositions réalisées ; il est probable qu’elle convient globalement à la plupart des pays.
Au sein du texte de la présidence, le chapitre MRV (ainsi que celui sur l’atténuation des émissions) a été largement décrit comme insatisfaisant. C’est pour cela qu’il devrait être discuté prioritairement dans les 24 à 48 heures qui viennent. Un second texte devrait donc être rédigé immédiatement après. On en saura donc rapidement plus sur l’état du chapitre MRV/ICA et, en conséquence, sur l’ensemble des négociations de Cancún : si le MRV/ICA bloque, tout bloque…
Ce billet est originellement paru sur le site Adopt a negociator
Etudiant en sciences et politiques de l’environnement. « Tracker France » pour le site "Adopt a negociator", qui vise à donner accès à la société civile aux négociations sur le climat à travers le regards de jeunes venus du monde entier. |