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Pourquoi des paysans haïtiens refusent les semences de Monsanto

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Pourquoi des paysans haïtiens refusent les semences de Monsanto
(Photo : graines Monsanto brûlées par des paysans haïtiens. Crédit : Grassroots International)
 
Le 13 mai, Monsanto a annoncé un don de 475 tonnes de maïs conventionnel et de semences potagères aux paysans d'Haïti. Des milliers de paysans ont manifesté contre le géant de l'agrochimie et revendiquer la souveraineté alimentaire d'Haïti. Terra Eco revient sur la controverse et interroge les deux camps.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
SUR LE MÊME SUJET

- Le point de vue de vue des opposants à Monsanto :

Bazelais Jean-Baptiste, agronome de formation et fondateur de Seeds for Haiti [1]

Terra eco : pourquoi les paysans haïtiens refusent-ils le don de Monsanto qualifié de cadeau empoisonné ?

Bazelais Jean-Baptiste : « Monsanto a fait un don de semences hybrides ce qui signifie que chaque année les fermiers haïtiens devront racheter des semences à Monsanto car il est impossible de les replanter, la performance de ces semences (censées être à haut rendement) s’estompant chaque année. Or le prix est dix fois plus élevé que celui des semences locales. Les paysans ne seront donc pas en mesure d’acheter de telles semences. Ce don de Monsanto illustre la volonté de cette multinationale de convertir Haïti à l’agriculture industrielle, un modèle pas viable pour l’île. En Haïti, nous sommes en présence d’une agriculture de subsistance. Or ces semences hybrides nécessitent des conditions spéciales et l’utilisation de pesticides. Songez que nos paysans continuent pourtant de travailler pieds et mains nus et qu’ils n’ont ni engrais ni pesticides ni système d’irrigation (à part une petite minorité au sud de l’île) ce qui signifie qu’ils ne pourront pas obtenir de meilleurs rendements. Les semences locales sont beaucoup plus résistantes. »

Monsanto se défend pourtant en déclarant qu’il s’agit d’un don purement philanthropique. Si vous contestez ce don de semences hybrides, quelle est selon vous la meilleure façon d’aider les paysans en Haïti ?

« Monsanto est une multinationale dont la motivation première est de gagner de l’argent et conquérir des marchés. Au lieu de donner des semences pour un montant de 4 millions de dollars, Monsanto aurait mieux fait de donner cet argent aux fermiers pour les aider à améliorer les semences locales. Les paysans ont par exemple besoin de silos et d’outils agricoles. Il est important de réaliser qu’en Haïti l’agriculture n’est pas subventionnée par le gouvernement contrairement aux États-Unis ou à la France. L’État ne finance pas la production agricole donc les fermiers ont besoin de prêts pour acheter leurs semences. Quant au gouvernement américain, il ne croit pas en la souveraineté alimentaire d’Haïti. La population locale est considérée comme une main d’œuvre bon marché que l’on peut exploiter en la faisant travailler dans des usines d’assemblage. »

Le Ministère de l’agriculture haïtien a pourtant autorisé ce don de semences, loué les efforts de Monsanto et assuré que ces semences avaient été testées de manière concluante en Haïti.

« Il faut comprendre qu’en Haiti le gouvernement local n’a aucune autorité et qu’il dit oui à tout quand on lui propose de l’aide. J’ai travaillé pendant de longues années pour le ministère de l’agriculture mais son impact est inexistant. L’essentiel du budget du ministère est un budget de fonctionnement pour acheter des véhicules, de l’essence et payer les employés. Le ministère n’a pas les moyens d’investir dans le développement agricole et encore moins dans la recherche agronomique. »


- Les faits selon Monsanto :

Darren Wallis, porte-parole de la multinationale américaine basée à Saint-Louis dans le Missouri, souvent accusée de vouloir convertir la planète aux bienfaits des semences OMG, a répondu par email aux questions de Terra eco.

Le pourquoi

« Ce don vise à aider les paysans d’Haïti à accroitre leur production alimentaire. Quelques faits : 66% des Haïtiens dépendent de l’agriculture pour gagner leur vie. En Haïti, 80% de la nourriture est importée et 1,9 million d’Haïtiens ne mangent pas à leur faim. Contrairement à ce que certains médias ont rapporté les semences données par Monsanto ne sont pas génétiquement modifiées. Il s’agit de semences de maïs hybride conventionnel et de semences potagères de haute qualité. Notre expérience dans un pays comme le Malawi nous a montré qu’un don de semences hybrides pouvait aider une région importatrice d’aide alimentaire à devenir exportatrice. »

Le comment

« Le Ministère de l’Agriculture haïtien a donné son aval et aidé Monsanto à choisir les semences les plus adaptées aux conditions agricoles en Haïti comme le maïs, le chou, la carotte, l’aubergine, le melon, l’oignon, la tomate, l’épinard et la pastèque. La première cargaison a été distribuée aux agriculteurs haïtiens via le projet Winner, financé par l’USAID (agence américaine pour le développement international), qui fournira l’expertise et les engrais dont les fermiers auront besoin au cours des 12 prochains mois . »

A propos de la réaction des paysans haïtiens

« Il est déconcertant de voir certaines personnes encourager les fermiers haïtiens à brûler les semences données par Monsanto, d’autant plus que les principales victimes de ces actions seront les paysans et le peuple haïtien et non pas nous, observateurs extérieurs. Heureusement, sur le terrain on nous rapporte qu’aucun lot de semences n’a été brûlé et que des milliers de fermiers sèment ces graines sans faire de bruit pour nourrir leur famille ainsi que leurs compatriotes. »

[1] une association à but non lucratif basée à New York qui milite pour le développement d’une agriculture durable dans l’ile ravagée par le tremblement de terre de janvier dernier et par l’ouragan Hanna en 2008

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Correspondante de « Terra eco » en Californie, Anne Sengès est l’auteur de « Eco-Tech : moteurs de la croissance verte en Californie et en France », paru en novembre 2009 aux éditions Autrement.

13 commentaires
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  • Quel courage de réussir à dire NON quand on a quasiment le ventre vide !!!
    Chapeau bas donc , aux personnes de’Haiti et d’ailleurs qui résistent à l’arnaque sans nom ques sont les semances ogm de monsanto(toujours pas de majuscule) . Perso j’aurais honte de bosser pour des gens comme ça : ce qui est terrible c’est que leurs fameuses graines bidouillées ne donnent JAMAIS les soit disant rendements miraculeux tant promis !!! c’est ça le pire .. La rage me prend quand je vois leurs manoeuvres dé ....... ! tenter d’asservir par ce moyen des peuples déjà suffisament malmenés par l’existence : c’est juste immonde .mais je dirais presque que je ne suis pas étonnée au fond ...

    30.07 à 17h10 - Répondre - Alerter
  • puisque visiblement des gens ignore encore de quoi monsento est capable (ils ne méritent pas la majuscule) je leur conseille de regarder le reportage "le monde selon monsento" et ils pourront constater par eux-mêmes des ""bienfaits" de monsento :(

    16.07 à 11h45 - Répondre - Alerter
  • Ce que craint le plus les entrepreneurs haitiens, c’est le fait de voir les paysans haitiens non plus acheter les intrants et les semences importés par eux mais directement ceux de Monsanto.

    Et tout le monde en fait une histoire ...

    Les semences traditionnelles n’arrivent pas a nourrir la population haitienne (faible rendement, peu resistants, pas assez de calorie).

    Pourquoi refuser les semences issues des laboratoires de recherche ?

    Soit les haitiens utilisent les bonnes semences, soit ils se laissent mourir a petit feu par l’insuffisance alimentaire, l’avitaminose, la famine etc ...

    Le but, c’est d’assurer la bouffe pour toute la population et non de satisfaire les intérets économiques des opérateurs économiques locaux.

    12.07 à 22h51 - Répondre - Alerter
    • Bouffer n’importe quoi à n’importe quel prix ? Attention à l’intoxication...

      Les OGM en tout cas sont très dangereux quant à la contamination génétique des autres espèces végétales. Certains parlent de danger pour la santé de l’homme !! Personnellement je ne vois pas comment, mais il ne faut rien laisser de côté...

      Monsanto ne pratique pas l’amélioration par hybridation ou sélection artificielle, ce n’est pas rentable et le paysan sait très bien le faire lui même à son petit niveau. Ce n’est que l’ingénierie génétique qui intéresse Monsanto, car elle provoque un très haut niveau de dépendance économique et de rentabilité directe. Monsanto n’est PAS une ONG humanitaire, c’est une multinationale puissante ! Et même si Monsanto n’avait pas le très lourd et très noir passé qu’il a, il n’en reste pas moins une multinationale dont le but est de faire de l’argent, pas la charité ou le bénévolat.

      Il y a bien assez de "greniers" dans ce monde pour nourrir mille fois une petite population comme celle de Haïti et à long terme. Alors : même si les OGM étaient totalement inoffensifs, pourquoi les leur imposer s’ils ne sont pas nécessaires ?

      Il existe aussi l’intoxication médiatique, elle est peut-être bien encore plus dangereuse, car beaucoup se font avoir !

      15.07 à 22h32 - Répondre - Alerter
  • Jean-Pierre : Précisions nécessaires

    A lire cet article, sans connaissances particulières, on reste perplexe... Il faudrait connaître la différence entre semences hybrides, conventionnelles et génétiquement modifiées.
    Il doit bien y avoir des gens à terra Eco qui pourraient nous éclairer là-dessus et déméler le vrai de l’intox dans cette histoire ?...même si, connaissant le lourd passif de Monsanto, on peut à priori accorder plus de crédit à l’interlocuteur Haïtien...

    12.07 à 21h58 - Répondre - Alerter
  • Ce n’est pas la première fois que Monsanto se voit refuser ses semences et c’est tant mieux

    L’Inde qui jusqu’alors avait accepté, entre autres,les semences de coton de la part de Monsanto qui avait pour le coup proposé de financer des universités indiennes pour leurs "études agronomiques" vient enfin de s’apercevoir que les intentions de ce géant américain étaient non seulement cupides mais également dangereuses. Elle a donc il y a quelques mois finalement refusé de cultiver les semences d’aubergines proposées par Monsanto.. un petit pas par rapport au coton, mais quand même le geste est plus que symbolique.

    Malheureusement bien d’autres pays, comme par exemple Madagascar n’ont pas encore analysé sur le long terme ce qu’impliquait l’investissement de Monsanto qui a offert à tous les spécialistes agronomes du gouvernement malgache un super voyage aux Etats Unis avec visites guidées d’une "agriculture qui marche" et briefing sur les meilleures façons d’optimiser les sols !!! Depuis une grande partie de l’agriculture malgache est "coachée" par Monsanto...
    Quand on connait la richesse et la rareté de la biodiversité sur cette île, on ne peut qu’avoir peur pour ce fragile équilibre mis en danger par les pesticides, fertilisants et autres semences génétiquement modifiées...

    12.07 à 16h55 - Répondre - Alerter
  • Finalemement, ces semences peuvent être replantées ou non ? la question n’est pas posée au responsable de Monsanto alors que le probléme est bien dans la dépendance induite aprés les premiéres plantations, d’aprés le témoignage de JB Bazelais.

    12.07 à 14h25 - Répondre - Alerter
  • iota368 : Cela va de soi...

    Il est bien évident que la "politique" de Monsanto est triple : 1) redorer son image, très ternie par son histoire et les actuels OGM ; 2) rendre dépendante de ses produits hors de prix une population qui comprend à peine le potentiel de danger que représente ce "don" et qui crève de faim ; 3) récupérer de l’argent "humanitaire" donné par les états en imposant un système de dépendance. On pourrait peut-être bien ajouter que Monsanto a besoin de laboratoires naturels pour ses nouveaux produits, ce qui en même temps lui permettra de faire du marketing. La firme privée a donc de gros intérêt a offrir cette "aide humanitaire". Cependant, et comme il est très bien souligné dans l’article, l’argent que représente ce don aurait été beaucoup plus bénéfique à la reconstruction d’une politique agraire sur l’île. La véritable volonté d’aider Haïti à se rendre indépendante et autogérable doit passer obligatoirement par une suppression de la dette externe (au moins un congèlement à long terme) et un apport d’argent frais sans intérêt ni remboursement (mais à la hauteur des nécessités réelles, non pas des aumônes). On continue de traiter comme assistés des gens mieux capables que quiconque de fomenter la reconstruction d’un pays engoncé dans le marasme à cause d’un surendettement qui a des origines connues et patentes à un niveau historico-politique. La volonté de dépendance, de domination, voire d’impérialisme est de nouveau manifeste de la part des USA et de ceux qui décident réellement : les grandes multinationales... Ce type de néocolonialisme des sociétés qui pratiquent le "fondamentalisme-démocratique" avec des vues géopolitiques, stratégiques et énergétiques sur un pays dévasté va tout-à-fait dans le sens d’une politique hégémonique à un niveau global et de l’extrême dépendance vis-à-vis des ressources pétrolières qui vont en s’amenuisant très rapidement.

    12.07 à 12h25 - Répondre - Alerter
  • La seule philosophie de Monsanto est la cupidité...
    Quand les Haïtiens auront ensemencé leurs terres, ils n’auront plus qu’à dépendre de Monsanto pour leurs futurs ensemencements.
    Monsanto poussent la "bonté", jusqu’à leur faire cadeau de leurs poisons pour la terre et pour l’Homme : les insecticides, herbicides, engrais chimiques et divers terricides et homicides.

    12.07 à 10h10 - Répondre - Alerter
  • pema3 : Responsabilité

    quel cynisme, messieurs monsanto !

    12.07 à 09h07 - Répondre - Alerter
  • on devrait tous en prendre de la graine, bel exemple de la part des haitiens qui ont bien compris que ce cadeau est en fait empoisonné, et qui n’hésite pas à s’opposer à ce monstre destructeur.
    Il s’est imaginé que de vivre dans la misére rend idiot, et bien il s’est trompé.

    12.07 à 08h30 - Répondre - Alerter
    • Bonjour,
      Tout d’abord je me présente : je suis docteur-ingénieur agronome travaillant pour une entreprise semencière. Je suis totalement d’accord que l’image des semenciers et notamment celle de Monsanto a été bien ternie par des opérations commerciales malsaines, la dissémination des OGM de façon frauduleuse dans certains pays, et le fait que certaines semences sont cultivables uniquement avec les produits phtyosanitaires de la même entreprise.
      Si l’on reprend l’information de terra-economica ici, elle est très succinte et se résume rapidement : Monsanto a proposé des semences aux agriculteurs haïtiens pour leur permettre des cultures cette année, sachant que tout avait été détruit par le tremblement de terre.
      Il n’est ni question d’OGM, ni question de semences stériles.
      Pour la plupart des semences potagères, il n’y a ni OGM ni semences stériles. Les cultures concernés par les semences stériles sont principalement les céréales (maïs, colza notamment). Pour les OGM les cultures concernées sont le maïs et la soja.
      Je suis tout à fait d’accord que les semences paysannes sont bien mieux adaptées à Haïti, mais n’ont-elles pas été détruites en grande partie lors de la catastrophe naturelle ? Je pense que les haïtiens auraient besoin de ce don de semences, à mon avis toutes ces semences ne sont pas à "usage unique" ou stériles, il y aura possibilité à partir de certaines variétés de les adapter au climat haïtien et de diversifier les semences paysannes de l’île. De même, je ne pense pas que Monsanto cherche à pénétrer le marché haïtien, je ne pense pas que Haïti soit un client commercial intéressant à long terme...
      Je veux bien confirmer la majorité des torts attribués à Monsanto, mais sur les quelques lignes fournies par terra economica, je ne vois pas quels arguments peuvent être apportés à l’encontre de ce don de semences proposé par Monsanto.

      16.07 à 10h34 - Répondre - Alerter
  • BA : Merci

    Merci pour presenter les deux points de vue.

    10.07 à 02h30 - Répondre - Alerter
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