Le point de vue de vue des opposants à Monsanto :
Bazelais Jean-Baptiste, agronome de formation et fondateur de Seeds for Haiti [1]
Terra eco : pourquoi les paysans haïtiens refusent-ils le don de Monsanto qualifié de cadeau empoisonné ?
Bazelais Jean-Baptiste : « Monsanto a fait un don de semences hybrides ce qui signifie que chaque année les fermiers haïtiens devront racheter des semences à Monsanto car il est impossible de les replanter, la performance de ces semences (censées être à haut rendement) s’estompant chaque année. Or le prix est dix fois plus élevé que celui des semences locales. Les paysans ne seront donc pas en mesure d’acheter de telles semences. Ce don de Monsanto illustre la volonté de cette multinationale de convertir Haïti à l’agriculture industrielle, un modèle pas viable pour l’île. En Haïti, nous sommes en présence d’une agriculture de subsistance. Or ces semences hybrides nécessitent des conditions spéciales et l’utilisation de pesticides. Songez que nos paysans continuent pourtant de travailler pieds et mains nus et qu’ils n’ont ni engrais ni pesticides ni système d’irrigation (à part une petite minorité au sud de l’île) ce qui signifie qu’ils ne pourront pas obtenir de meilleurs rendements. Les semences locales sont beaucoup plus résistantes. »Monsanto se défend pourtant en déclarant qu’il s’agit d’un don purement philanthropique. Si vous contestez ce don de semences hybrides, quelle est selon vous la meilleure façon d’aider les paysans en Haïti ?
« Monsanto est une multinationale dont la motivation première est de gagner de l’argent et conquérir des marchés. Au lieu de donner des semences pour un montant de 4 millions de dollars, Monsanto aurait mieux fait de donner cet argent aux fermiers pour les aider à améliorer les semences locales. Les paysans ont par exemple besoin de silos et d’outils agricoles. Il est important de réaliser qu’en Haïti l’agriculture n’est pas subventionnée par le gouvernement contrairement aux États-Unis ou à la France. L’État ne finance pas la production agricole donc les fermiers ont besoin de prêts pour acheter leurs semences. Quant au gouvernement américain, il ne croit pas en la souveraineté alimentaire d’Haïti. La population locale est considérée comme une main d’œuvre bon marché que l’on peut exploiter en la faisant travailler dans des usines d’assemblage. »Le Ministère de l’agriculture haïtien a pourtant autorisé ce don de semences, loué les efforts de Monsanto et assuré que ces semences avaient été testées de manière concluante en Haïti.
« Il faut comprendre qu’en Haiti le gouvernement local n’a aucune autorité et qu’il dit oui à tout quand on lui propose de l’aide. J’ai travaillé pendant de longues années pour le ministère de l’agriculture mais son impact est inexistant. L’essentiel du budget du ministère est un budget de fonctionnement pour acheter des véhicules, de l’essence et payer les employés. Le ministère n’a pas les moyens d’investir dans le développement agricole et encore moins dans la recherche agronomique. »
Les faits selon Monsanto :
Darren Wallis, porte-parole de la multinationale américaine basée à Saint-Louis dans le Missouri, souvent accusée de vouloir convertir la planète aux bienfaits des semences OMG, a répondu par email aux questions de Terra eco.
Le pourquoi
« Ce don vise à aider les paysans d’Haïti à accroitre leur production alimentaire. Quelques faits : 66% des Haïtiens dépendent de l’agriculture pour gagner leur vie. En Haïti, 80% de la nourriture est importée et 1,9 million d’Haïtiens ne mangent pas à leur faim. Contrairement à ce que certains médias ont rapporté les semences données par Monsanto ne sont pas génétiquement modifiées. Il s’agit de semences de maïs hybride conventionnel et de semences potagères de haute qualité. Notre expérience dans un pays comme le Malawi nous a montré qu’un don de semences hybrides pouvait aider une région importatrice d’aide alimentaire à devenir exportatrice. »
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