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3-07-2008
Mots clés
Développement Durable

Pour ou contre la compensation carbone ?

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Voyager coûte cher en euros et en CO2. Des sociétés proposent de compenser vos tonnes de gaz à effet de serre en échange d’une contribution financière. Arnaque ou miracle ?
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Du voyage à bord d’un Boeing 747 à la chaudière au fuel de sa bicoque en passant par les al- lers-retours maison-boulot en voiture, toute activité humaine provoque des émissions de gaz à effet de serre. Il y a celles que l’on peut écarter, et les autres, inévitables, que des sociétés de service proposent désormais de « compenser ». La méthode consiste à s’acquitter d’une obole qui permettra de financer un projet sobre en carbone, en général dans des pays du Sud : installation de fours solaires, production de charbon « vert » – produit sans bois à partir de déchet végétal –, reforestation, énergies renouvelables, méthanisation.

Comme le rappelle l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), « le principe sous-jacent est qu’une quantité donnée de CO 2 émise dans un endroit peut être compensée par la réduction ou la séquestration d’une quantité équivalente de CO2 en un autre lieu. Ce principe de “ neutralité géographique ” est au cœur des mécanismes mis en place par le protocole de Kyoto. » Par exemple, pour un vol Paris-New York, un passager va émettre plus d’une tonne de CO2 dans l’atmosphère. Il peut dès lors décider de s’adresser à une société de compensation telle que Action Carbone, GoodPlanet, Climat Mundi ou CO2 solidaire. Et décider librement de financer un projet à la hauteur de ses propres rejets. En vogue aujourd’hui – les particuliers restent cependant à la traîne, les entreprises pèsent plus de 90 % du total des dons –, la compensation volontaire suscite des salves de questions.

N’est-elle qu’un moyen de s’acheter une bonne conscience ? Constitue-t-elle, au contraire, le premier pas vers la prise de conscience de l’impact environnemental de chacun de ses actes ? Comment vérifier la destination des fonds ? Peut-on craindre la vente de puits de carbone bidons ? Echange oxygénant entre le cofondateur de Climat Mundi, Eric Parent, et le consultant en énergie Alain Grandjean.

La compensation permet-elle l’absorption, voire l’annulation de la pollution que l’on a réellement produite ?

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Eric Parent, cofondateur de Climat Mundi - Crédit : Frédéric Stucin (M.Y.O.P)

Eric Parent : Objectivement non, puisqu’une fois que le gaz à effet de serre a été rejeté dans l’atmosphère, on ne peut plus l’annuler.

Alain Grandjean : Cela dépend des cas. Après un voyage en avion, un passager peut décider de compenser ses émissions en plantant des arbres. L’ab-sorption de dioxyde de carbone s’effectue alors sur la durée de vie de l’arbre, c’est-à-dire trente ans si celui-ci est planté dans une forêt gérée durablement. Dans ce cas, la pseudo-compensation ne survient pas au même moment que les émissions et elle n’est pas garantie. En revanche, dans le cas d’une opération de méthanisation de décharge [1], la compensation peut éventuellement avoir lieu tout de suite.

Existe-t-il de bonnes et de mauvaises méthodes de compensation ?

Eric Parent : Les mauvaises méthodes sont celles dont la réduction des gaz à effet de serre est très lente. Dans ces cas-là, on s’attribue des réductions qui vont s’étaler sur des délais de trente ans, comme je l’expliquais précédemment pour la reforestation. Quoi qu’il en soit, la compensation ne règle pas le problème à la source. Ni chez nous, ni ailleurs.

Alain Grandjean : En effet, il faut être absolument certain de réduire très rapidement les émissions de gaz effet de serre et ne pas seulement financer un « machin » qui plaira à l’opinion, comme des projets d’énergies renouvelables dans le Sud par exemple.

La compensation peut-elle alors régler la question de la réduction des gaz à effet de serre ?

Eric Parent : Compenser contribue à améliorer la situation. Le jour où des entreprises comme SFR ou Bouygues ont vendu leur premier téléphone portable, leur chiffre d’affaires ne représentait qu’une infime part de la téléphonie mobile. Les petits ruisseaux alimentent les grandes rivières. La compensation est un marché naissant, en plein essor, et il est tout à fait normal qu’elle ne concerne encore que de faibles parts.

Alain Grandjean : La compensation ne concerne que quelques dixièmes de pourcentage des émissions de gaz à effet de serre. Cette opération est loin d’être à la hauteur du problème. Disons les choses clairement : la compensation ne règle en rien notre dépendance à l’énergie fossile. Et il s’agit tout de même du véritable enjeu. Dans un monde où le prix du baril de brut croît fortement (lire aussi pages 50-52), l’opération de compensation ne rend guère de service. Or nous sommes entrés dans l’ère de la contrainte et le monde de l’entreprise n’a pas d’autre solution que de réduire sa dépendance au pétrole. Conseiller aux boîtes une simple compensation ne les encouragera pas à anticiper la fin du pétrole, à s’organiser afin de réduire leur consommation d’énergie.

Les programmes de compensation fleurissent pourtant du côté de l’entreprise. Est-ce un moyen de verdir ses activités à bon compte ?

Eric Parent : Quelques sociétés se lancent dans la compensation sans que celle-ci ne leur soit imposée. Je veux donc croire que ce mécanisme leur permettra à l’avenir de mieux accepter un objet plus contraignant, comme la taxe carbone [2] par exemple.

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Alain Grandjean, consultant en énergie - Crédit : Frédéric Stucin (M.Y.O.P)

Alain Grandjean : Disons que les entreprises qui communiquent sur leurs opérations de compensation avec l’unique objectif de verdir leur image mettent leur réputation en jeu. Car les programmes ne sont pas tous ni sûrs, ni contrôlés. En matière d’efficacité, la clé, c’est d’abord et avant tout la réduction des gaz à effet de serre dans le Nord. Un point, c’est tout.

La compensation peut-elle être efficace si elle n’est pas contraignante ?

Eric Parent : La dimension volontaire limite l’étendue du système, comme dans le cas de la consommation biologique ou équitable. En revanche, il prépare les esprits à des mesures plus fortes et plus réglementées.

Alain Grandjean : Sans contrainte, aucune mesure ne peut avoir d’effet en termes collectifs. La compensation volontaire est hors sujet dans les négociations internationales. Elle n’existe pas et son impact est de l’ordre de l’épaisseur du trait. La vraie contrainte, c’est la taxe carbone. Mais dans un monde compétitif, personne n’osera imposer une chose pareille. Notre gouvernement a été élu sur la perspective de prélèvements obligatoires constants. Soit on impose une taxe carbone et on discute de l’usage de cette taxe, soit ce sont des coups d’épée dans l’eau.

Eric Parent : Disons que la compensation est une forme de taxe carbone volontaire. Ceux qui promeuvent la taxe carbone sont contre la compensa- tion, alors que celle-ci ne constitue qu’un début. Il est exact que la taxe carbone s’avèrerait plus efficace, encore faudrait-il qu’elle existe.

Concernant la compensation volontaire, certains spécialistes, comme Jean-Marc Jancovici, parlent d’une « indulgence des temps modernes », d’autres d’une nécessité. Où se situe la vérité ?

Eric Parent : L’« indulgence » induit une notion de moralité alors que la compensation traite de phénomènes physiques et financiers. Il n’y a rien de moral là-dedans. L’autoresponsabilisation n’a rien à voir avec un pseudo-péché de pollution. Nous sommes nés dans une société dépendante à 100 % du pétrole, nous y sommes tous accros, et quoi que nous disions, il est impossible de s’en extraire du jour au lendemain. Ceux qui comparent la compensation à une « indulgence » veulent surtout éviter de se poser la question pour ne pas avoir à payer.

Alain Grandjean : Je ne sais pas où est la vérité. Peut-être la compensation est-elle un moyen de se convaincre individuellement que payer vaut mieux que ne rien faire.

La compensation permet de financer des projets dans les pays du Sud. Une façon pour les pays riches de s’acheter une bonne conscience ?

Eric Parent : Mais il faut savoir qu’on peut aussi compenser dans les pays du Nord. Cela dit, la réglementation y est plus contraignante.

Alain Grandjean : Le problème est surtout lié au contrôle. Si on développe un projet d’énergies renouvelables au Sud, comment obtenir la preuve irréfutable que l’énergie supplémentaire ainsi produite permettra d’éviter une production d’énergie à partir d’énergies fossiles ? C’est impossible. Au contraire, l’énergie renouvelable sera très probablement générée en supplément d’énergie fossile. Or pour être validé, un projet de compensation doit être « additionnel » : il doit prouver qu’il n’aurait pu être mis en œuvre hors du contexte inhérent à la lutte contre les changements climatiques.

Comment alors contrôler l’additionnalité de ces projets ?

Eric Parent : Je pense qu’il faut soumettre le projet à la grille d’analyse assez complète des Nations unies. On vérifie les critères les plus pertinents : le projet est-il indispensable ? A-t-il une rentabilité suffisante ? Il existe aujourd’hui un certain nombre de tests, mais il ne s’agit pas d’une science exacte et il subsiste encore une grande part de subjectivité.

Alain Grandjean : C’est bien là le problème. Dans les systèmes de compensation personnelle, il n’existe guère de contrôle, ni de label, ni aucune certitude que ce que vous financez pourra vraiment voir le jour. C’est un peu comme une coopérative de commerce équitable dont on ne sait si elle paie vraiment équitablement ses producteurs… Dans tous les cas, les contrôles induisent des coûts. Plus ces contrôles se développeront, plus les clients exigeront des garanties d’additionnalité et de sérieux. Et pour cela, il faudra sortir le carnet de chèques. —


Alain Grandjean, consultant en énergie. Coauteur du livre Le plein s’il vous plait ! consacré à la fin du pétrole, il milite pour la mise en place de la taxe carbone, seul outil pouvant, à ses yeux, forcer les entreprises à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Eric Parent, cofondateur de Climat Mundi, société de conseil spécialisée dans la compensation volontaire.


Remise en ordre du secteur

En novembre 2006, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a recensé 31 « compensateurs », présents dans une dizaine de pays dont une moitié basée au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Structures à but non lucratif ou agences-conseils pour un tiers d’entre elles, ces organisations sont très récentes : la majorité existe depuis moins de deux ans. Pour mettre un peu d’ordre dans tous ces programmes de compensation, l’Ademe a travaillé en 2007 à l’élaboration d’une charte des bonnes pratiques. Ses signataires s’engagent à vérifier la qualité de leurs projets, leur efficacité et leur additionnalité. www.compensationco2.fr

[1] la méthanisation permet de traiter des eaux usées, les boues de stations d’épuration, les déjections animales, les déchets de l’agroalimentaire ou les ordures ménagères tout en produisant de l’énergie sous forme de méthane.

[2] La taxe carbone concernerait tous les combustibles fossiles (pétrole, charbon, gaz naturel...) avec un taux variable, dépendant des émissions en dioxyde de carbone du combustible considéré.

Sources de cet article

Quelques sites français de compensation carbone :

- GoodPlanet

- CO2solidaire

- Climatmundi

- Eco-Act

- Action Carbone

- Planete Urgence

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Journaliste errant dans les sujets environnementaux depuis treize ans. A Libération, mais de plus en plus ailleurs, s’essayant à d’autres modes d’écriture (Arte, France Inter, Terra of course, ...). Il y a deux ans, elle a donné naissance (avec Eric Blanchet) à Bridget Kyoto, un double déjanté qui offre chaque semaine une Minute nécessaire sur Internet.

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