Port cinématographique s’il en est (Carné, Renoir, Buñuel...), dont la reconstruction, toute de béton, fut une utopie sociale et architecturale, Le Havre offre un cadre idéal à ce conte populaire, qui, sous des dehors désuets, parle de la France d’aujourd’hui. « Le cinéma européen ne traite pas beaucoup de l’aggravation continue de la crise économique, politique et surtout morale causée par la question non résolue des réfugiés. Je n’ai pas de réponse à ce problème, mais il m’a paru important d’aborder ce sujet dans un film qui, à tous égards, est irréaliste », raconte le réalisateur finlandais Aki Kaurismäki dans sa note d’intention. Marcel Marx (André Wilms), cireur de chaussures, vit dans une petite maison de briques avec sa femme, Arletty. Au moment où celle-ci, très malade, part pour l’hôpital, la ville est agitée par l’arrestation de vingt Africains qui tentaient de gagner l’Angleterre, dissimulés dans un container.
Un petit garçon, Idrissa, parvient à s’échapper et fait la rencontre de Marcel, qui le cache avec la complicité des commerçants du quartier. L’inspecteur de police (Jean-Pierre Darroussin), faux méchant en imper noir, mène alors l’enquête sur fond de lutte active contre l’immigration. Une scène montre les personnages en train de regarder, au journal télévisé, le démantèlement de la « jungle » de Calais en septembre 2009. Pourtant, ils vivent dans un monde à part, nostalgique – les décors vintage déplacent le récit dans un temps incertain –, et merveilleux. Inspirés, naïfs parfois, et généreux, les habitants du Havre de Kaurismäki incarnent des figures intemporelles de la résistance. A la maladie, la pauvreté et l’oppression, ils opposent une solidarité sans faille et croient encore aux miracles.
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