Plus musicien que lui, tu meurs

Le lieu ne paie pas de mine. Tristounette, cette rue sans saveur du 20e arrondissement parisien accueille pourtant une bien sympathique initiative. Ici, derrière une porte barrée d’une poignée en forme de micro, dorment huit studios de répétition. "C’est une longue histoire, de plusieurs années", raconte Vincent Cotte, initiateur et désormais patron du projet. L’homme, 40 ans aujourd’hui, est technicien de maintenance de formation. Un peu touche-à-tout du métier, il est capable de tenir un studio à bout de bras.

"Je me suis aperçu, il y a longtemps, qu’il y avait un vide dans ce secteur. Les musiciens n’avaient pas de lieux à disposition pour répéter, pour créer. Ils n’avaient pas d’autre choix que d’aller voir des associations où le matériel, faute de moyens, n’est pas régulièrement entretenu." Alors Vincent prend son bâton de pèlerin et va frapper aux portes de financeurs potentiels. Les banques s’excusent une à une de ne pouvoir l’aider. Lui continue à se battre, convaincu de la faisabilité du projet. Il suit deux stages de formation à la création d’entreprise via la Boutique de gestion de Paris, et s’arme pour sauter dans le grand bain.

"Sans la Musique, On Meurt"

C’est en 1998 que la situation se débloque. Le réseau France Active, suivi de la Caisse d’Epargne et de la Ville de Paris, viennent en aide à Vincent. La Sarl Studios Smom ("Sans la musique on meurt") est née. Reste à s’installer. Par un heureux concours de circonstances, Vincent tombe sur des locaux d’une vieille entreprise laissés à l’abandon. Les propriétaires et le nouveau chef d’entreprise s’accordent rapidement. Les studios Smom ouvriront dans le 20e arrondissement. Aujourd’hui, la Sarl compte huit salariés, dont trois fixes et cinq en insertion. "C’était l’autre dimension qui m’intéressait dans ce projet, reconnaît Vincent. Former les autres à ce que je sais faire. Sans aucune autre prétention que celle d’aider ces jeunes à retrouver l’envie d’apprendre."

Vincent Cotte, patron des studios Smom

Et la recette fonctionne. A la fois lieu d’accueil pour les musiciens, centre de formation et espace convivial, les studios Smom font leur bonhomme de chemin. Ici, pas d’objectif grandiloquent ni de discours euphorisant. "Je pense que l’on vient combler un vide, tout en étant très professionnels." Les huit studios qui s’étendent sur plus de 700 mètres carrés, sans être du dernier cri, fonctionnent comme sur des roulettes. Avec environ 450000 euros d’investissement dans le matériel, la Sarl doit malgré tout rentabiliser son activité. "Il faut assumer la dimension économique du projet, argumente Vincent. On peut viser la rentabilité et rendre un service social dans le même temps. Je pense que c’est ça le cœur de l’économie sociale."

Lien social

Environ 250 musiciens passent chaque année chez Smom. Toutes les musiques y ont droit de cité, même si le maître des lieux avoue avoir eu maille à partir avec quelques rappeurs dans le passé. Même le grand Renaud est venu poser ses instruments entre les murs et les caissons de la petite Sarl, il y a quelques mois. Seul petit regret de Vincent Cotte, le peu de productions du studio. "Il ne faut pas non plus se leurrer. Nous ne sommes pas véritablement un espace culturel. Mais c’est vrai que nous aimerions produire, créer davantage ici." Quelques idées encore enfouies dans les cartons devraient ainsi voir le jour dans l’avenir. "Si cela ne vient pas amputer notre équilibre économique qui reste très fragile, alors nous tenterons quelques expériences", avance Vincent dans un sourire. Pour l’heure, les studios Smom font leur boulot. Modestement. Accueillir des musiciens pour 11 à 21 euros l’heure de location de l’espace de répétition. Une petite entreprise certes, mais où le lien social est consacré.

SMOM : 10, rue Boyer 75020 Paris - 01 46 36 46 28