Mise à jour du jeudi 6 janvier 2011 - La reprise économique mondiale, et notamment américaine, a été plus forte que prévue fin 2010, entraînant une demande accrue de pétrole, aggravée par la vague de froid qui a touché l’Europe et l’Amérique du Nord en décembre. Le prix du baril est reparti à la hausse ce mercredi 5 janvier 2011. Conséquence en France, les prix de l’essence et du gazole à la pompe sont les plus élevés depuis 2008. Cette nouvelle flambée des prix du pétrole, qui intervient dans un contexte où la raréfaction des stocks se précise, inquiète aussi les pays du Sud. D’autant que l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) vient de constater un nouveau record pour l’indice des prix alimentaires. Les cours sont au plus haut depuis depuis 2008, faisant craindre de nouvelles émeutes de la faim. |
Un choc pétrolier imminent ? L’hypothèse devient salement probable. Selon un rapport publié en mars par l’état-major interarmées américain, il faut s’attendre à une « crise énergétique sévère » d’ici à 2015. A Washington toujours, le Département de l’énergie reconnaît qu’il est possible que « nous fassions l’expérience d’un déclin » de la production de pétrole et de ses substituts dès l’année prochaine (1). Surprise ? Pas vraiment, hélas. Agitée depuis plus de dix ans par un groupe de géologues issus de l’industrie pétrolière, la menace imminente du « peak oil » est désormais relayée par des sources tout ce qu’il y a de plus officielles. Le pédégé du pétrolier brésilien Petrobras, Sergio Gabrielli, estime ainsi que les extractions mondiales de brut ont atteint leur maximum, et qu’elles sont sur le point de diminuer. Le problème, c’est que la demande, elle, continue de grimper, car elle est fortement tirée par la croissance vorace des économies émergentes. Celles de la Chine, de l’Inde et du Brésil, justement.
Le retour des émeutes de la faim ?
Mais au fait, qu’est-ce que le « peak oil » ou « pic pétrolier » ? C’est l’instant à partir duquel la production déclinera, faute de réserves nouvelles suffisantes. En clair, il s’agit d’un changement d’ère, ni plus ni moins. Car le pétrole est le liquide matriciel de la croissance depuis plus de cinquante ans. En dehors des crises politiques de 1973 et 1979, le monde ne s’est jamais trouvé à court. Aujourd’hui, nous serions face à une limite absolue, géologique. Ce n’est plus seulement à une contrainte conjoncturelle. Et comme toujours, les plus démunis risquent de se retrouver en première ligne. Rappelez-vous, en 2008, quand le baril de brut a frôlé les 150 dollars, une vingtaine de pays en voie de développement ont vu éclater des émeutes de la faim.
Car non seulement le pétrole est la matière première cruciale des transports et d’un nombre presque infini d’industries, mais il constitue aussi la clé de voûte du système alimentaire mondial. La plupart des nations – et en particulier les plus pauvres – doivent importer beaucoup de nourriture pour subvenir aux besoins de leurs habitants. Si ces aliments peuvent être produits en masse et à relativement bas coût par une poignée de pays exportateurs (Etats-Unis, Argentine, Australie, France…), c’est avant tout grâce au pétrole. Dans l’agriculture moderne, l’essence représente jusqu’à un tiers des coûts de production et d’acheminement des denrées. Autrement dit, nous mangeons du pétrole.
Des pactes nauséabonds
Mais du pétrole, il n’y en aura bientôt plus pour tout le monde. Même pour nous, les habitants des pays du Nord. Comme au-delà de 100 dollars le baril, la rentabilité du transport aérien de masse est compromise, prendre l’avion ou acheter des fruits du Kenya pourrait devenir un luxe réservé à une minorité toujours plus mince. Quelques optimistes avancent que la début de la fin du pétrole serait une bonne nouvelle : « Moins de pétrole, c’est moins de gaz à effet de serre », disent-ils. Naïveté ! Dans le monde, la première énergie de substitution au pétrole est – de loin – le charbon, encore plus nocif pour l’environnement.
Plus grave peut-être : comme le souligne le rapport du Pentagone, les tensions géostratégiques pour accéder aux réserves d’or noir risquent de s’exacerber. On peut ainsi se demander à quels pactes nauséabonds serait prête la France pour maintenir ses accès au brut, en sus de son soutien – non admis mais indéfectible – aux régimes de Birmanie, d’Angola, du Congo, du Gabon ou du Kazakhstan. —
(1) A lire sur le blog : http://petrole.blog.lemonde.fr
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