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30-10-2014
Mots clés
Immigration
France
Moyen-Orient

« Parfois, je me dis que je devrais aller me dénoncer »

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« Parfois, je me dis que je devrais aller me dénoncer »
(Crédit illustration : christophe merlin pour « terra eco »)
 
Hasan, Afghan, raconte son histoire à la permanence d'accès aux soins de Calais.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Hasan est afghan, il a 24 ans, et est accompagné de son frère Shere Ahmed, 12 ans. A la permanence d’accès aux soins (Pass) de Calais, seul lieu où les migrants peuvent être soignés, chacun raconte son histoire. Et, quand Hasan laisse entendre qu’il était en Angleterre il y a quelques mois, tous sont interloqués.

« La première fois que je suis passé en Angleterre, c’était en 2008. Ma famille a payé 8 000 livres (9 994 euros) et je suis parti d’Iran. Arrivé à Dunkerque, j’ai attendu deux jours et on m’a fait monter dans un camion. Dès que je suis arrivé à Londres, je me suis fait arrêter par la police, qui m’a emmené au centre d’accueil pour sans-papiers. Là-bas, ils ont pris mes empreintes et m’ont dit de patienter quelques jours, le temps d’entamer la demande de visa. Mais un oncle déjà installé en Angleterre m’a dit : “ Ils vont te déporter. Et tu feras quoi, à Kaboul, sans argent ? Viens plutôt travailler avec moi ! ” Je ne suis resté au centre qu’un jour, finalement. Si tu savais à quel point je regrette cette décision ! Au bout de quelques semaines, j’étais boucher, puis j’ai travaillé comme vendeur en téléphonie douze heures par jour, pour 30 livres (37,6 euros). Je n’ai rien étudié, j’ai à peine appris l’anglais. Je dormais dans un appartement avec deux autres Afghans et un Pakistanais. Même à eux je leur disais que j’avais des papiers, de peur de me faire balancer. Ma vie était horrible. Le temps passait, je ne réfléchissais pas. Et puis j’ai arrêté. Je n’ai plus aucun contact avec mon oncle, je le déteste. C’est comme si je faisais passer mon frère et que je le faisais travailler. Je pourrais avoir un passeport aujourd’hui, c’était beaucoup plus facile à ce moment et j’aurais pu rendre visite à ma famille. Tous les jours je m’en veux. Parfois je me dis que je devrais aller me dénoncer à la police pour me faire déporter. Mais ma mère me dit : “ Non ! Ne viens pas, on a besoin de toi. Et des gens meurent tous les jours ici. ”

Je l’explique aux gens ici, à Calais. Il y en a qui comprennent et d’autres pas. Beaucoup iront travailler sans papiers tout de suite. Chez moi, les gens pensent que l’Europe, c’est la belle vie. Ma famille ne sait rien, je ne peux pas leur dire, ils ne comprendraient pas. Quand ma mère a décidé d’envoyer mon frère, je lui ai dit qu’il était trop petit, mais elle m’a répondu qu’il allait mourir en Afghanistan, tué par l’armée ou les Talibans. Elle est entrée en contact avec une Afghane avec un passeport italien. J’ai payé 19 000 livres (23 736 euros) pour qu’elle fasse passer Shere Ahmed pour l’un de ses fils. Puis je suis parti pour Milan. La fille avait deux enfants avec elle. J’ai demandé : “ Lequel vient de Tagab ? ” Et c’est comme ça que j’ai fait connaissance avec mon frère.

Et nous voilà coincés à Calais depuis un mois. En partant de Londres, je ne me suis pas posé de questions. J’ai payé un chauffeur 350 livres (427 euros) pour passer en France. Je n’aurais jamais pensé que ce serait aussi difficile de rentrer en Angleterre. Je commence à être à cours d’argent, la pluie nous mène la vie dure dans la jungle, et on entend souvent dire que la police va venir ramasser ceux qui n’ont pas de papiers. Surtout, je m’inquiète pour mon frère.

Mais je veux retourner en Angleterre avec Shere Ahmed et recommencer les démarches pour obtenir le visa. En France, ils s’occupent des mineurs, mais moi je resterais à la rue, non ? En Angleterre, on ne sera pas séparé, je dirai que je peux travailler mais que j’ai besoin d’aide pour prendre soin de lui. Le risque, c’est que la police me dise : “ Tu as disparu il y a cinq ans, tu es resté sur le territoire illégalement, et aujourd’hui tu te pointes avec ce gamin, comment veux-tu qu’on croie que c’est ton frère ? ” Avec tous les gens qui demandent des papiers, il y a une compétition de celui qui a le plus souffert, ils aggravent leur histoire. Ma région est en guerre permanente et ma maison a été bombardée. Si je raconte tout ça, ils vont peut-être me dire que j’en fais trop et que je mens. Mais, il y a quelques jours, un homme venu de mon village, qui a vécu les mêmes problèmes, a obtenu un visa de cinq ans, alors je garde espoir. De toute façon, je n’ai pas le choix. » —


Carnet d’exil.

Hasan vient de Tagab, dans la province de Kapisa, en Afghanistan. Son frère et sa sœur l’envoient d’abord à Buchar, en Iran, puis en Europe. Il passe en Turquie par Istanbul, puis Izmir ; Patra, en Grèce, d’où il prend le ferry jusqu’à Bari en Italie, avant de rejoindre Dunkerque, puis Londres. A l’été 2014, il va chercher son frère en Italie. Il paie un chauffeur de poids lourd qui l’emmène jusqu’à Calais pour 350 livres. Puis se rend à Rome en train et y apprend qu’ils se rencontreront à Milan. Il rentre à Calais, où il est aujourd’hui coincé.

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