Ouste of Afrika

Luc Bassong, Comment immigrer en France en 20 leçons, Max Milo, 192 pages, 16€.

A table, lancez un sujet de conversation type "l’immigration, un bien ou mal ?" A moins d’accueillir une poignée de moines zen, vous avez de grandes chances de voir vos invités s’écharper dans la demi-heure qui suit et les noms d’oiseau voler : "occidentaux sans cœur" contre "misérabilistes angélistes", la soirée s’apprête à voler haut. Il faut dire que notre remuant ministre de l’Intérieur, qui s’échine à trancher entre les éléments "choisis" et "subis" de l’immigration, entre les "intégrés" et les "non-intégrables" ne rend pas le débat plus limpide. Ni plus serein.

Le "filtre à café" broie du noir

C’est pourquoi il faut lire Comment immigrer en France en 20 leçons de l’écrivain Luc Bassong, lui-même fils d’immigré. Ce roman retrace avec beaucoup d’humour l’itinéraire d’Isaac, un Africain de souche qui est nourri le même rêve, exactement, que ses concitoyens : "traverser le filtre à café" (la Méditerranée) et venir s’installer à Paris. Car Isaac sait cette vérité toute bête que bien peu de Français ont envie d’entendre : l’immigration n’est pas une question politique, juridique, ni même morale. Pour les Africains, c’est une simple question de survie. "En immigrant, j’accomplirai donc une des fonctions vitales qui font de moi un homme. Si cela dérange quelqu’un, je m’excuse d’exister et d’avoir envie de continuer à vivre". Isaac est un être qui mange, qui dort, qui respire et qui donc essaiera d’immigrer dans un pays où la vie est plus longue. Car, comme le professe encore notre héros philosophe, "quand le malheur frappe à ta porte, tu as intérêt à savoir sauter par la fenêtre".

Et somme toute, pourquoi ferait-il du sentiment ? La mondialisation économique n’est ni gentille, ni méchante : elle a juste décidé qu’il y aurait d’un côté des gagnants et de l’autre des perdants. Lui est né perdant et tente bien naturellement de rejoindre la terre des gagnants. Parce qu’il le sait : s’il décide d’attendre que ceux qui distribuent les cartes invitent l’Afrique au banquet des nations, il risque de ronger son frein jusqu’à l’an 2355... Luc Bassong a la finesse de ne pas nous dépeindre le parcours du "gentil" Africain contre la "vilaine" administration. Noirs, Blancs, riches, pauvres... Dans son jeu de massacre, tout le monde en prend pour son grade, des deux côtés de la Méditerranée. L’immigration Nord-Sud est toujours une mauvaise réponse à une mauvaise question.