On refait l’addition

Roger Godino, Réenchanter le travail, Pour une réforme du capitalisme, La Découverte, 192 pages, 15 €

« L’homme est devant les idées simples comme les chauves-souris devant la lumière : il est aveugle ». Cette phrase d’Aristote qui précède la conclusion de Réenchanter le travail peut sembler un brin prétentieuse. Mais franchement, il est tout à fait loisible de déclarer que l’ouvrage de Godino, ancien président d’Action contre la faim et proche de Michel Rocard, est un livre important. Parce que, justement, il développe une poignée d’idées simples, pragmatiques, presque de bon sens, mais… qui pourraient bien refonder le capitalisme européen !

Première idée : plutôt que de pester contre le pouvoir exorbitant des actionnaires, il suffirait de leur opposer le seul contre-pouvoir viable : celui des salariés. En leur permettant - au moins dans les grandes entreprises - de siéger au conseil de surveillance, on les associerait en amont aux décisions, ce qui permettrait d’échapper aux conflits sociaux qui font la spécificité française. L’argument pourrait paraître naïf ou démagogique. Mais il est excellemment étayé par son auteur.

Deuxième idée : plutôt que se lamenter quand les entreprises se comportent en entités inhumaines et pollueuses, il faudrait généraliser un système de notation sociale et environnementale, garanti par l’Etat. « A » pour les meilleures, « E » pour les cancres. Et à la clé, un système de bonus/malus identique à celui que les compagnies d’assurance appliquent aux conducteurs. Plus les performances socio-écolos de l’entreprise sont remarquables, plus la fiscalité est clémente.

Et avec celles dont le comportement laisse à désirer, on touche le seul endroit qui fait mal : le porte-monnaie ! Avec cet impératif : qu’« éviter les dégâts coûte moins cher que de les réparer ». Simple, mais efficace. Qu’on observe pour s’en convaincre le système des marchés d’échange de crédits de pollution…

Les derniers chapitres, évoquant une refonte de la fiscalité des entreprises et du patrimoine, laisseront probablement les non-spécialistes sans voix (c’est le cas de votre serviteur…) et les autres plus dubitatifs. Mais force est de constater que dans un océan d’ouvrages abstraits et verbeux, Réenchanter le travail a le mérite de proposer des solutions concrètes et applicables. Espérons que nos hommes politiques aient du temps à consacrer à cette lecture dans les semaines qui viennent…

Le blog d’ Arnaud Gonzague