Oh, la belle Com’ !

Baptiser son entreprise Beautiful World, ça peut faire sourire. Quant à se définir comme "agence de communication militante", gare aux ricanements. Et pourtant, cette société ne travaille que sur des problématiques "permettant de contribuer à l’amélioration du monde". Comprenez la lutte contre l’enfance défavorisée, la pauvreté, les violences faites aux femmes ou le commerce inéquitable. Et, contrairement à ce que l’on serait tenté de croire dans ce monde de brutes... ça marche !

Le parcours du fondateur est atypique dans le milieu papier glacé de la Com’. Jean-François Daniel est ancien cheminot, vendeur de journaux, passionné d’art contemporain et surtout militant associatif (Unicef, Femmes de demain, WWF). C’est pour mettre en relation acteurs sociaux, économiques et médias qu’il décide de monter une agence de communication événementielle. En janvier 2003, Beautiful World voit le jour à Bobigny, en Seine-Saint-Denis, sous la forme d’une entreprise individuelle. "Je n’avais pas d’argent et j’avais besoin de 20 000 euros pour démarrer". Aides publiques, fondations et prêts d’honneur lui permettent de se lancer et, un an plus tard, d’annoncer un million d’euros de chiffre d’affaires. Depuis, Beautiful World est devenue une SARL au capital de 40 000 euros.

La voix de Max Havelaar

Dans les locaux de Bobigny, on planche sec sur trois projets caritatifs (Novembre en Enfance, La rose Marie Claire, La vente directe a du cœur) mais aussi sur... la communication de Max Havelaar France. « Nous avions été contactés pour réaliser la troisième quinzaine du commerce équitable, puis nous avons signé un contrat pour trois ans », se félicite Antoine Martel, directeur général adjoint.

Aujourd’hui, Beautiful World emploie de neuf à treize salariés selon les saisons. C’est d’ailleurs une variable qui pose problème dans une entreprise qui se déclare équitable de A à Z. "Oui, nous employons en CDI, en CDD et en CNE. La différence, c’est que nous nous réunissons souvent afin de vérifier que cette souplesse de fonctionnement ne pose pas de difficultés aux employés", nous concède-t-on. La politique sociale constitue en effet une des préoccupations affichées de Beautiful World, implantée en "zone urbaine sensible, en Seine-Saint-Denis". Politique économique ensuite, puisqu’une partie de la trésorerie est placée sur des fonds solidaires et éthiques labellisés Finansol. "Et nous reversons un pourcentage de nos bénéfices à des projets économiques locaux", ajoute Antoine Martel.

Enfin, les salariés ne travaillent pas sur n’importe quoi, au sens propre comme au figuré. Produits informatiques labellisés Energy Star, papier recyclé blanchi sans chlore... Et dans la cuisine, si le produit d’entretien est Ecolabel, le café est forcément équitable. Alors, des entreprises peu scrupuleuses ne voudront-elles pas s’offrir l’image de "ceux qui bossent pour Max Havelaar" ? "Je ne pense pas que nous possédions le niveau de notoriété suffisant pour cautionner un groupe international ! Mais pour faire avancer les choses, nous ne devons pas travailler les uns contre les autres. Que le budget global consacré aux actions militantes augmente, c’est ça qui nous intéresse." Et c’est ça être militant. Pour Arnaud Martel, qui a quitté son poste chez Lycos, "le métier est le même, pas le salaire. Mais travailler sur des causes qui ont du sens, ça rémunère autrement." Ne vous fiez pas aux apparences : tous les coups sont permis pour récupérer les espaces publicitaires offerts par les médias. Mais si c’est pour la bonne cause...