Que mangent les poules pondeuses de l’Hexagone ?
A l’image de leurs voisines allemandes, les volailles françaises boulottent au milligramme. Les éleveurs calculent très précisément leurs besoins nutritionnels quotidiens. Leur alimentation est composée de 60 % à 70 % de céréales (maïs, blé…), de protéines (majoritairement du soja), de 2 % à 3 % de minéraux et compléments vitaminiques et enfin de 1 % à 5 % de matières grasses (huiles de soja, palme, colza, tournesol…). Ce sont ces dernières qui ont fait l’objet d’une contamination outre-Rhin. A l’origine du scandale : un fabricant d’agrodiesel qui a fourni des acides gras à une société produisant des graisses pour l’industrie et l’alimentation animale. Cela n’aurait jamais dû se produire mais les acides gras du carburant – contaminés à la dioxine – ont été livrés… à des fabricants d’aliments pour animaux.
De quels contrôles dispose-t-on ?
En matière d’alimentation humaine et animale, c’est l’Europe qui fait la loi depuis 2006. Les 27 Etats membres doivent suivre à la lettre ce que l’on appelle le « paquet hygiène », qui regroupe six règlements communautaires. Côté professionnels, cela se traduit par des analyses de risques biologiques, physiques et chimiques, un guide de bonnes pratiques, de la formation, des auto-contrôles… Côté pouvoirs publics, on n’est pas en reste : la Direction générale de l’alimentation, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et le ministère de la Santé organisent également des contrôles à chaque maillon de la chaîne alimentaire.Sont-ils suffisants ?
« Nous avons vécu quatre crises en dix ans dans les élevages (1), rappelle Frédéric Vincent, porte-parole du commissaire européen à la Santé, John Dalli. A chaque fois, la contamination à la dioxine trouvait son origine dans ces fameux corps gras utilisés dans la fabrication des aliments pour animaux. » Interpellée par l’affaire allemande, l’Europe indique qu’elle réfléchit à un renforcement des contrôles, voire à une législation imposant une séparation claire entre la production de graisses industrielles et celles destinées à nourrir les animaux. « Au Danemark et au Royaume-Uni, il y a déjà une séparation physique des silos », souligne Frédéric Vincent. Et Berlin vient d’annoncer des mesures similaires. La France ne faisant pas partie des pays zélés, le risque de contamination n’est pas nul.Comment éviter l’omelette dioxinée ?
Autrement, dit, y a-t-il des œufs plus sûrs que d’autres ? « Qu’il s’agisse d’œufs de qualité supérieure ou d’œufs conventionnels, les contrôles (sur la dioxine, ndlr) sont effectués par les services vétérinaires et sont les mêmes pour tous », explique-t-on à l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao), établissement public sous tutelle du ministère de l’Agriculture. « Ce qui s’est passé en Allemagne aurait pu se passer en France, renchérit Cécile Hareau, chef de produit de la coopérative Le Gouessant, spécialisée dans l’alimentation des animaux de ferme. Il peut y avoir des fraudes partout. » Manger bio ou Label rouge ? « Le risque de contamination à la dioxine est le même dans l’absolu », explique Jean-Christophe Rodallec, responsable qualité de la marque « L’œuf de nos villages ». D’autant que les aliments pour poules pondeuses standard ou certifiées Label rouge viennent souvent des mêmes usines ! Oui, mais dans le cadre d’œufs arborant le macaron, « on a des garanties et une sécurité supplémentaires », assure Agnès Laszczyk, directrice du Syndicat national des labels avicoles de France.
« L’organisme certificateur va auditer le fabricant d’aliments en se déplaçant sur le site au minimum une fois par an », explique Jean-Christophe Rodallec. Pour des œufs courants, exit cette obligation. Attention, les organismes certificateurs ne mènent pas la chasse à la dioxine : ils vérifient l’application d’un cahier des charges. « En revanche, ils peuvent contrôler de manière ciblée quand un risque a été identifié », souligne l’Inao. « Le fait qu’il y ait de toute façon plus de contrôles fiabilise la filière », assure Jean-Christophe Rodallec.
Parfois même, les producteurs de qualité supérieure font du zèle dans la prudence. La marque « Les fermiers de Loué » a ainsi un « plan de surveillance des matières premières, explique le directeur général Yves de la Fouchardière. Chaque semaine, nous analysons un échantillonnage afin d’écarter le risque de retrouver des métaux lourds, des insecticides ou encore des nicotoxines. » Loué a aussi construit en 2000 sa propre usine d’aliments. Les céréales – 80 % de l’alimentation – sont produites localement par des exploitants sous contrat. « On ne cherche pas à faire de l’optimisation à tout prix et nous ne passons pas par un intermédiaire, affirme Yves de la Fouchardière. Cela supprime les risques de crise. » —
(1) 1999 en Belgique, 2004 et 2006 aux Pays-Bas, 2008 en Irlande.
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