publicité
haut
Accueil du site > Actu > Énergie > Obama et le nucléaire : chronique d’une relance annoncée
22-02-2010
Mots clés
Politique
Etats-Unis
Enquête

Obama et le nucléaire : chronique d’une relance annoncée

Taille texte
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
Obama et le nucléaire : chronique d'une relance annoncée
 
En annonçant le soutien financier du gouvernement fédéral pour la construction de deux nouveaux réacteurs dans l’État de Géorgie, Barack Obama signale une nouvelle ère pour l’industrie nucléaire. Opportunisme politique de la part d'un président soucieux d'amadouer ses adversaires ou engagement sincère ? Terra eco a recueilli l’avis d’experts.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
SUR LE MÊME SUJET

Les faits : l’engagement pro-nucléaire d’Obama

Dans son premier discours sur l’état de l’Union le 27 janvier dernier, Barack Obama l’avait affirmé : « l’Amérique devra construire des centrales nucléaires pour la première fois depuis trente ans, prendre des décisions difficiles au sujet de l’autorisation de l’exploitation pétrolière et gazière de nouveaux gisements situés au large des côtes, poursuivre les investissements dans la mise au point de biocarburants perfectionnés et de procédés d’épuration du charbon. Cela veut dire aussi adopter un texte de loi global sur l’énergie et le climat prévoyant des incitations qui rentabiliseront finalement la production d’énergie propre aux États-Unis ». Cette tirade, qui mettait en valeur la nécessité de construire de nouvelles centrales nucléaires aux États-Unis, alors que cette source d’énergie ne fournit que 20% des besoins électriques du pays mais 70% de l’énergie « propre », lui avait même valu les (rares) applaudissements de l’aile droite du Congrès.

Le 29 janvier, le Département de l’énergie annonce la création d’une « Blue Ribbon Commission » qui aura la tâche délicate de passer en revue toutes les politiques de gestion du combustible nucléaire après son utilisation et formuler des recommandations au cours des prochains mois. L’absence de solution de stockage — suite à la décision de l’administration Obama en mars 2009 de suspendre le projet très controversé d’enfouissement des déchets nucléaires du pays sur le site de Yucca Mountain dans le Nevada —, représentait un frein majeur à l’éclosion de centrales nucléaires aux États-Unis.

Le 16 février, Barack Obama passe à l’acte en annonçant que son administration va tripler le montant des prêts garantis accordés au secteur en 2005 sous le règne du républicain George W. Bush (prêts qui n’avaient toujours pas été déboursés), l’enveloppe passant de 18,5 milliards à 54,5 milliards de dollars. Barack Obama commence par accorder 8,3 milliards de prêts garantis à la Southern Company, société qui va construire deux réacteurs dans l’État de Géorgie. Il s’agira de la première centrale nucléaire construite sur le sol américain depuis l’accident de Three Mile Island en 1979. Les partisans du nucléaire crient victoire pendant que les défenseurs de l’environnement font valoir qu’aucune solution n’a été trouvée pour la gestion des déchets.

Ce qu’en pensent les experts :

L’avis de Dan Kammen :, co-directeur de l’Institut de l’environnement à l’Université de Berkeley et spécialiste des questions énergétiques.

« Il s’agit d’un engagement significatif de la part de Barack Obama en faveur du nucléaire. Le président démocrate ne se contente pas d’appliquer une décision prise en 2005 par son prédécesseur républicain, il s’engage aussi à tripler les montants des prêts fédéraux garantis accordés au secteur nucléaire afin de permettre la construction de nouvelles centrales. De plus, en nommant une commission chargée de résoudre l’épineuse question des déchets nucléaires, Obama a également fait part de sa volonté de considérer l’ensemble du cycle de vie des installations nucléaires. S’agit-il d’une décision politique, Barack Obama cherchant à amadouer les Républicains pour qu’ils votent en faveur de la loi sur le climat ? La question est étroitement liée à celle du changement climatique, le président Obama ayant rappelé la nécessité de considérer le nucléaire dans le mix énergétique pour mieux lutter contre le réchauffement climatique. Cependant, l’opposition à une relance du nucléaire demeure forte aux États-Unis, les défenseurs de l’environnement argumentant qu’il serait préférable que le gouvernement fédéral consacre son énergie à développer le solaire et l’éolien. Notons aussi que dans un État comme la Californie, la loi interdit la construction de nouvelles centrales nucléaires tant que la question de la gestion des déchets n’aura pas été résolue. »

- L’avis de Carl Seligson, consultant new-yorkais pour le secteur de l’électricité et spécialiste du nucléaire.

« Pour l’industrie du nucléaire toutes les conditions semblent réunies pour une véritable renaissance. Le contexte actuel représente en quelque sorte une ’perfect storm’ (une tempête parfaite). La question du changement climatique a forcé l’Amérique à se pencher sur la question de produire de l’électricité sans polluer l’air. L’Amérique dépend du charbon sale pour 50% de son électricité et le nucléaire, dont on reconnaît les bénéfices aujourd’hui, ne couvre que 20% de nos besoins. Mais il est important de rappeler que ces nouveaux réacteurs ne seront pas mis en circulation avant 2016, au plus tôt. On parle beaucoup du potentiel du charbon propre mais les technologies n’ont pas encore fait leurs preuves et il s’agit d’un processus à long terme. On sait capturer le carbone mais on ne sait pas encore vraiment le séquestrer. Aujourd’hui la NRC, Nuclear Regulatory Commission, agence chargée de réguler l’industrie du nucléaire, a 13 projets à examiner, projets qui se traduiraient par la construction de 22 réacteurs supplémentaires aux États-Unis (l’Amérique en compte 104 à l’heure actuelle). »

- L’avis d’Andrew Klein, professeur d’ingénierie nucléaire à l’université d’Etat de l’Oregon

« Le président Obama a insisté dans ses discours sur le fait que la relance de l’industrie du nucléaire permettra aux États-Unis de rester un acteur majeur dans le secteur et de rester compétitif. Si l’Amérique renonce à investir dans la nouvelle génération de réacteur, elle risque de perdre sa voix sur la scène internationale alors que c’est aux États-Unis qu’est née l’industrie, même si les Français en sont devenus les champions incontestés et qu’un pays comme la Chine devient un acteur majeur. Cette relance représente une opportunité en or pour les General Electric, Westinghouse et Areva de ce monde. Il s’agit également pour Obama d’un outil de relance économique puisque chaque unité emploiera en moyenne 800 employés sans compter les 2000 à 4 000 emplois qui seront créés pour construire les réacteurs. Les centrales nucléaires sont en général localisées dans des régions rurales et leur impact économique est majeur pour les communautés locales même si, aux États-Unis, nombreuses sont encore les voies à s’opposer au nucléaire [1].

Le nucléaire aux États-Unis en 5 chiffres
- 54 milliards de dollars : le montant des prêts garantis accordés par le gouvernement fédéral à l’industrie pour la construction de réacteurs nucléaires
- 10 milliards de dollars : le coût de construction d’un gros réacteur nucléaire
- 104 : le nombre de réacteurs opérationnels aux Etats-Unis
- 20% : la part du nucléaire dans la production d’électricité aux Etats-Unis
- 6 ans : le temps minimum qu’il faudra pour construire les nouveaux réacteurs

A lire aussi sur terraeco.net :
- Pas de loi sur le climat pour Obama en 2010 ?
- Nucléaire : Et si la faille, c’était l’homme ?
- Les outsiders du nucléaire
- Le nucléaire sauvera-t-il la planète ?

[1] selon un sondage de l’institut Gallup effectué en mars 2009, l’opinion publique américaine est aujourd’hui largement favorable (à 59%) à l’utilisation du nucléaire comme source d’énergie)

Sources de cet article

- Pour en savoir plus : http://earth2tech.com/2010/02/19/nu...
- Photo : Idaho National Laboratory (laboratoire de recherche nucléaire)

Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Vous aimez Terra eco ? Abonnez-vous à la Newsletter

Correspondante de « Terra eco » en Californie, Anne Sengès est l’auteur de « Eco-Tech : moteurs de la croissance verte en Californie et en France », paru en novembre 2009 aux éditions Autrement.

2 commentaires
TOUS LES COMMENTAIRES
COMMENTAIRES SÉLECTIONNÉS
RÉPONSES DE LA RÉDACTION
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
  • Il est fort intéressant d’opposer aux experts mentionnés dans l’article, l’opinion à contre-courant d’un très grand expert de l’énergétique, Amory Lovins de l’Institut Rocky Moutain.

    A la question : " Le nucléaire peut il aider à lutter contre le changement climatique ? " , Amory Lovins répond :

    " Par euro dépensé, les nouvelles centrales permettront 2 à 20 fois d’émissions de co² en 20 à 40 fois plus de temps que l’efficacité énergétique couplée à des énergies renouvelables.
    Le temps que les nouvelles centrales nucléaires entrent en fonctionnement, il y aura eu un tel saut technologique dans le photovoltaïque qu’il vaut mieux commencer à économiser l’énergie et décentraliser les réseaux électriques "

    Source : Laure Nouahlat dans Libération du 16/05/09.

    22.02 à 16h07 - Répondre - Alerter
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte

publicité
1
publicité
2
    Terra eco
    Terra eco
publicité
3
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas