« La société du XXIe siècle n’est plus une société de la discipline mais une société de la performance », écrit Byung-Chul Han dans cet essai incisif. Pour le philosophe allemand, la société du fitness, des tours de bureaux et des centres commerciaux succède à celle des casernes et des usines. Si ces dernières sont encore légion dans les pays-ateliers du monde, l’homme y devient « entrepreneur de lui-même », mû par « l’idée de liberté et de dérégulation » dans une économie qui « érige la survie en principe absolu ».
In fine, « le sujet performant s’exploite lui-même jusqu’à se consumer complètement ». Cette « auto-agressivité » est, selon l’auteur, à l’origine des « maladies du XXIe siècle » – dépression, hyperactivité, burn-out… – et de la « société du dopage » qui y répond. Et la psychanalyse ne peut rien, car « les conditions de son existence ont été supprimées » : la guérison dépend de la reconnaissance d’un conflit intérieur. Or, le surmoi répressif a été remplacé par un moi idéal positif. Le philosophe se tourne donc vers Friedrich Nietzsche, prédisant, en 1878, que « par manque de repos notre civilisation court à une nouvelle barbarie ». « L’homme souverain de Nietzsche est un contre-modèle critique du sujet performant épuisé. Il apparaît comme un homme du loisir ». Une salutaire charge contre la « valeur travail » et la servitude volontaire qu’elle génère. —
La Société de la fatigue, Byung-Chul Han, Éditions Circé, 120 p., 13 euros
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