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2-04-2015
Mots clés
Biodiversité
France
Interview

« Mettre des noms sur des espèces, c’est prendre conscience des petits miracles qu’on a sous les yeux »

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« Mettre des noms sur des espèces, c'est prendre conscience des petits miracles qu'on a sous les yeux »
(Crédit photo : Magnus Manske - Wikimedia)
 
Et si nous devenions tous naturalistes ? Le programme 65 millions d'observateurs, lancé à la fin du mois de mars, doit donner de l'ampleur aux sciences participatives. Précieuse pour les chercheurs… et pour le grand public.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Oiseaux, insectes et plantes sauvages n’ont qu’à bien se tenir. Dans les quatre ans à venir, tous risquent d’être placés sous surveillance rapprochée. Afin de permettre aux scientifiques de mieux appréhender la biodiversité, des milliers de simples citoyens seront sollicités pour les scruter. Comptages d’oiseaux, photographies d’insectes, identifications de plantes sauvages… Sous la houlette du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), ces vingt dernières années, quelque 10 000 personnes ont déjà mis leur curiosité au profit de la science. Pour les chercheurs, ces alliés sont précieux, mais pas assez nombreux. Le 27 mars dernier, le Muséum a donc lancé le projet 65 millions d’observateurs, un programme doté de 4 millions d’euros pour développer les outils numériques et relier les structures – associations, collectivités – tournées vers les sciences participatives. L’objectif : faciliter la collecte de données pour faire grossir les rangs des passionnés.

Romain Julliard, maître de conférence au sein du département écologie et gestion de la biodiversité du Muséum, coordonne le projet. Pour lui la science participative n’est pas uniquement au service des labos de recherche. Elle est surtout pour chacun un moyen concret de se reconnecter avec le vivant.

Terra eco : Que gagne-t-on à observer la nature ?

Romain Julliard : Des émotions et de l’émerveillement. Si vous regardez votre jardin de loin, vous y verrez des papillons. Si vous vous intéressez d’un peu plus près, vous reconnaîtrez parmi eux des petites tortues, des belles dames… Vous vous rendrez alors compte que certains de ces papillons ont fait 2 000 kilomètres depuis l’Afrique avant de se poser chez vous. Mettre des noms sur des espèces, comprendre la biodiversité dans sa complexité, c’est prendre conscience des petits miracles qu’on a sous les yeux.



A-t-on perdu cette capacité à s’émerveiller ?

Nous faisons de plus en plus rarement l’expérience sensible de la nature. Au sein des générations précédentes, beaucoup avaient encore des parents ou des grands-parents agriculteurs et passaient au moins une partie de leurs vacances à la campagne. Aujourd’hui, nous sommes nombreux à être nés en ville et à ne pas la quitter souvent. La nature a disparu de notre imaginaire, il n’y a qu’à voir l’évolution des décors des Disney. Une collègue écologue a montré qu’il y a soixante-dix-ans, la nature était omniprésente dans ces dessins animés. Aujourd’hui, la majorité d’entre eux ont pour décor des villes, des bâtiments ou d’autres milieux artificiels. Alors certes, on parle de la biodiversité dans la presse, à la télévision, mais pour beaucoup, elle devient un concept abstrait. Les chercheurs s’en inquiètent.

Parce que cette déconnexion porte à conséquence ?

Oui. Dans son rapport à la nature, chacun a un état de référence. C’est-à-dire une vision de la richesse de la biodiversité. Cette vision se construit principalement lorsque l’on observe et que l’on interagit avec la nature quand on est enfant. Si ces contacts sont rares, notre état de référence est pauvre et notre perception de la nature superficielle. En grandissant, nous ne nous rendrons donc pas compte qu’un milieu est appauvri. 98% des baleines et des requins ont disparu ? Qu’importe, puisque de toute manière nous n’avions pas conscience de leur existence. Le constat est d’ailleurs frappant chez les pêcheurs. L’état de référence des jeunes pêcheurs correspond à des quantités de poissons bien inférieures à celles qu’ont connues les générations précédentes. Il s’inquiètent donc peu de la disparition des stocks. De la même façon, la plupart d’entre nous ne sait plus ce que signifie vivre dans une nature riche. De même qu’on s’habitue à vivre avec des microparticules dans les poumons, on s’habitue à être entourés d’une biodiversité limitée.

Pour quelles raisons la reconnexion est-elle importante ?

Parce que c’est en ayant conscience de la biodiversité qu’on a envie de la protéger. C’est en comprenant ce qui détermine la présence d’une espèce qu’on va réfléchir à nos pratiques. Revenons à nos papillons. Si vous avez pris l’habitude de les observer et de les compter dans votre jardin, vous allez rapidement constater l’impact que l’usage de pesticides a sur eux. Vous commencerez alors à interroger vos pratiques… et celles de vos voisins. Le processus est le même chez les agriculteurs. Avec le fonctionnement actuel du secteur, la PAC (Politique agricole commune), les règlements… la relation entre les agriculteurs et la biodiversité s’est délitée. Eux aussi doivent réapprendre à l’observer. Ces dernières années, pas loin de 400 agriculteurs ont participé à nos programmes de sciences participatives. Beaucoup parmi eux ont alors pris conscience de manière collective des effets de la viticulture et de ses traitements sur la faune du sol et sur les insectes pollinisateurs.

Les sciences participatives sont-elles un moyen d’amener les gens à ouvrir les yeux sur leur environnement ?

Oui. Participer à une activité de recherche, aider les scientifiques est source de satisfaction. Cette participation donne du sens à des activités existantes, au travail des photographes animaliers, par exemple. Il y a aussi le plaisir d’appartenir à une communauté de passionnés. Pour que la pratique se propage, nos meilleurs ambassadeurs sont les observateurs eux-mêmes. Il nous faut miser sur leur fierté de participer. Or, aujourd’hui, je crains que cette fierté ne soit pas exacerbée. Rares sont ceux qui disent à leurs voisins : « Je compte les papillons dans mon jardin, c’est super, tu devrais faire pareil ! »

Comment faire en sorte que le plus grand nombre participe à l’opération ?

C’est le cœur de notre réflexion. Aujourd’hui, pour être observateur, il faut être très volontaire. Beaucoup de nos participants suivent le protocole, collectent les données, mais ne vont pas au bout de la démarche, car elle est encore très rébarbative. En s’appuyant sur les outils du Web, on va essayer de la rendre plus facile. Une plateforme permettra, par exemple, à chacun de savoir en quelques clics quel type d’observation lui correspond, en fonction de l’environnement dans lequel il vit, de ses compétences, de ses envies et du temps qu’il entend y consacrer. Nous allons aussi nous appuyer sur des structures existantes : l’école, les collectivités, les associations, les professionnels pour qu’ils relaient la démarche. L’idée, c’est d’offrir à chacun, à un moment de sa vie, une occasion de s’arrêter sur la diversité de la nature qui l’entoure.

Ce samedi 4 avril, la nature se laissera observer par les oiseaux de nuit. Pour la onzième année consécutive, la Ligue de protection des oiseaux (LPO) organise la Nuit de la chouette. Ces sorties, organisées aux quatre coins de la France, n’ont pas pour vocation de faire avancer la science, mais de vous donner l’occasion de distinguer une fois pour toutes la hulotte du grand duc !

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