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Menaces amères sur le monde du chocolat

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Menaces amères sur le monde du chocolat
(Crédit photo : denis closon - isopix - sipa)
 
Panique chez les amateurs de grands cacaos : une variété sud-américaine s’incruste chez les petits artisans. Son rendement est fabuleux mais sa saveur médiocre. Faites entrer l’accusée.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Le chocolatier belge Pierre Marcolini connaît tous les producteurs de ses fèves de cacao par leur prénom. Pourquoi ? Parce qu’il contrôle toute sa filière, quand la plupart de ses confrères se fournissent auprès de mêmes maisons spécialisées – il en existe deux ou trois –, en matière première, en chocolat dit « de couverture ». Marcolini est, lui, parti à la recherche des meilleurs planteurs au Venezuela, à Madagascar et à Java. Désormais, il est autonome. Et parle de ses différents crus avec fierté. D’autant que leur diversité est, selon lui, menacée : « En Equateur, 30 % à 40 % des plantations anciennes sont arrachées au profit d’une espèce de moins bonne qualité, qui pousse en douze mois », alerte-t-il.

A l’ombre des bananiers

Son nom ? Le CCN 51. Les amateurs de grands crus de cacao en parlent comme du diable en personne. Cette bête noire est un hybride créé en Equateur dans les années 1970. Son rendement est extraordinaire. Quand il faut attendre plusieurs années pour que les variétés traditionnelles soient productives, le CCN 51 offre des cabosses en nombre – autour de quatre fois plus – dès la première ou deuxième année. Il est par ailleurs très résistant aux maladies.

Mais pourquoi dérange-t-il autant ? Primo, on lui reproche son goût médiocre. L’Equateur est le plus grand fournisseur au monde de cacao dit « fin », celui recherché par les gourmets. 75 % de sa production est classée dans cette catégorie par l’Organisation internationale du cacao. On vante partout les notes florales de sa variété « Arriba nacional ». Le CCN 51, moins savoureux et plus amer, commence à entacher cette réputation. Secundo, on accuse l’hybride de menacer la biodiversité. Depuis les années 1990 en Equateur, on voit surgir des rangées de CCN 51 à découvert. Contrairement aux autres variétés, ces cacaotiers nouvelle génération n’ont pas besoin de grandir à l’ombre d’autres arbres, comme les bananiers. « On ne peut pas dire qu’on sacrifie des forêts pour lui, affirme cependant Philippe Bastide, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), puisqu’on le plante généralement dans la savane, dans des zones sèches. Mais la monoculture, monovariétale, c’est toujours dangereux. »

Amour et passionnés

Et le CCN 51 marque des points hors de l’Equateur. Il s’installe au Brésil, au Pérou, en Bolivie… Va-t-il conquérir le monde ? « Il va très certainement se répandre encore beaucoup, estime le spécialiste de la filière cacao. Mais probablement pas sur d’autres continents. Il pourrait propager avec lui des maladies auxquelles les espèces américaines résistent mais qui ravageraient les plantations africaines. Je ne pense pas que les planteurs prendraient ce risque. »

La question du CCN 51 devrait donc rester cantonnée à l’Amérique du Sud. Mais, pour Laurence Alemanno, c’est « un problème classique de mondialisation ». Elle aussi a été chercheuse en cacao au Cirad. Depuis quelques années, elle déniche et vend, dans sa boutique Chocolatitudes du XIVe arrondissement de Paris, des chocolats produits avec amour par de petits artisans passionnés. « D’un côté, lance-t-elle, il y a l’uniformité, l’industrie, la grosse artillerie, le court terme. De l’autre, ceux qui bataillent pour la biodiversité, le goût, l’humanité ! »

Désirs de « choco-addicts »

« Les planteurs ont deux options, explique Philippe Bastide : soit produire plus pour gagner plus avec le CCN 51, soit cultiver mieux pour gagner davantage, avec des variétés plus rares. Le problème est que la seconde stratégie ne rapporte pas assez. Il ne faut pas rejeter le CCN 51 en bloc car cela leur donne accès au crédit et leur permet de se développer. » Une solution ? « Investir dans la recherche pour trouver d’autres espèces très productives. C’est le seul moyen pour répondre à la demande croissante de chocolat, sans menacer la diversité », conclut Philippe Bastide. Mais d’ici là, comment va-t-on assouvir nos désirs de « choco-addicts » exigeants ? Laurence Alemanno milite pour le « moins mais mieux » : « Il faut arrêter de tout vouloir sans limite ». Allez, un petit shoot – en poule de Pâques, par exemple – de bon chocolat noir, intense, riche en arômes, et ça repart. —

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