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Rouspétance

Par rouspetance
13-12-2015

Mea culpa

Un matin devant mon miroir lorsque, comme à mon habitude, je pris la décision de ne pas me raser, j’aperçus une lueur dans mon regard que je ne connaissais pas. Je voulus chercher quelques explications à ce bouleversement oculaire et, m’approchant encore un peu plus, scrutant toujours plus loin, mon insistance se transforma vite en méditation contemplative. Je ne sais combien de temps je restai là, nez à nez avec moi même, mais lorsque je mis fin à cette transe immobile, je sus que j’avais observé, le temps d’un battement de cils, le reflet de mon âme.

Il n’y eut malheureusement pas grand chose à retenir de cette matinale introspection. Peut-être la glace était-elle trop embuée ? À moins que cela ne soit mon esprit... Cela servit néanmoins à me révéler une chose déterminante : des années durant, avec rigueur et obstination, j’avais fais preuve d’un égoïsme latent envers mes congénères hominidés. Il me fallait remédier à la chose sans surseoir. Ma première réaction, bien qu’un tantinet désuète, fut d’aller me racheter un rasoir. Une fois l’opération débroussaillage terminée, je pris la résolution de changer radicalement de comportement afin d’épargner frasques et lubies au monde qui m’entourait. Pour y parvenir il fallut m’affranchir de tout remord inutile et pour se faire entamer une longue et douloureuse repentance.

Je décidai donc, entre deux auto-flagellations d’orties fraîches, de présenter des excuses plates, entières et sincères aux apôtres incrédules, détenteurs bienheureux d’un vague maroquin réconciliateur :

- Alors que je m’entêtai chaque hiver à croquer dans la pomme d’un si proche et familier jardin, et refuser de goûter à de fades et lointaines fraises misérables... Déjà, m’interpelliez-vous sur mes dérives sectaires. Mea culpa.

- Alors que je fis preuve d’outrecuidance en préférant Éole, entre autres, afin d’illuminer d’autres voies que celle de l’insaisissable atome... Déjà, opposiez-vous quelques raisons à ma folie. Mea culpa.

- Alors que par pure inconscience je privilégiai la douce flamme d’honorables chênes séculaires, pour délaisser de funestes hydrocarbures... Déjà, proclamiez-vous le confort de la vertueuse modernité. Mea culpa.

- Alors que par niaiserie je pensai bannir de sous mon toit le chaud et le froid par l’adoption de rustiques brins de paille, et d’oser l’abandon de laineuses fibres urticantes... Déjà vous étonniez-vous de mes écarts moyenâgeux. Mea culpa.

- Alors que mon audace me fit imaginer ne garder que deux roues quiètes et légères sur les quatre d’un char roulant à tombeau ouvert... Déjà, me mettiez-vous en garde contre une paralysie solitaire. Mea culpa.

- Alors que mon impertinence me poussa à débrancher celle qui était devenue une compagne futile et asservissante, pour retrouver les délices de choix affranchis... Déjà, souffriez-vous le mal devant mon supplice. Mea culpa.

- Alors, enfin, lorsque par faiblesse je cédai à de vulgaires instincts bestiaux en m’adonnant, à deux reprises, à la procréation par préméditation... Déjà sus-je quel lourd fardeau deviendrait cette innocente descendance pour notre chère Patrie. Mea culpa.

Je dressai cette liste sans intention de complétude. Mais l’essentiel fut que dans votre immense mansuétude, vous permissiez que j’accédasse à l’absolution. Alors peu importeraient les doutes, même tenaces.

Me suis-je opposé trop ouvertement à de bienveillants desseins communautaires ? Ai-je manifesté la moindre supériorité lorsque, face à la plupart de nos actes, j’appelai au recul et à la réflexion ? Je prenais votre réponse comme une gifle !

J’eusse voulu peut-être vous extirper à votre dévorante atonie. J’eusse voulu sans doute imposer dans cette démarche toute personnelle la perspective d’une collective postérité. Je recevais votre déni comme un coup de pied au cul !

Quelle oppressante sensation que celle de la résignation. Ne me dis-je pas d’ailleurs régulièrement qu’il faudrait faire preuve de persévérance et de patience pour qu’enfin s’opère mon aliénante métamorphose ?

À chaque jour suffit sa peine, aussi lorsque, convalescent, je crois ne plus être l’hôte de vaniteux démons, j’anticipe d’instinctives récidives en vous priant d’accepter, une fois de plus... toutes mes excuses.

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