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10-02-2012
Mots clés
Economie
France
Allemagne
Chronique

Made in France ou modèle allemand : il faut choisir !

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Made in France ou modèle allemand : il faut choisir !
(Crédit photoi : Clearlyambiguous - flickr)
 
Pour l'économiste Matthieu Crozet, on ne peut pas à la fois défendre le made in France et le modèle allemand. Car l'Allemagne a fait le choix de sous-traiter à l'étranger.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Les chiffres sont accablants. En trente ans, l’industrie française a perdu environ 2 millions d’emplois. Fin 2011, le taux de chômage avoisine les 10% et le déficit commercial français bat des records. Nul ne remet aujourd’hui en question l’importance du mouvement de désindustrialisation de l’économie française, et la nécessité de s’atteler d’urgence à l’enrayer. Au rayon des solutions avancées ces derniers mois, deux propositions semblent recueillir un large consensus : la promotion du made in France et les exhortations à s’inspirer du modèle allemand. Ces deux solutions reflètent un certain bon sens économique ; mais la comparaison s’arrête là. La promotion d’un label de fabrication française repose sur une vision de la compétitivité et une interprétation des enjeux de la mondialisation bien différente de ce qui fait la force du modèle industriel allemand.

Notre vision du « fabriqué en France »

La proposition de résolution « visant à développer le fabriqué en France », examinée le 2 février 2012 à l’Assemblée nationale, propose de mettre en place un label désignant les produits véritablement fabriqués en France. Il s’agit d’informer honnêtement les consommateurs et d’éviter de voir apposées des étiquettes made in France sur des produits dont l’essentiel de la valeur ajoutée à été réalisée à l’étranger. Il n’y a assurément rien à redire à cela : en matière d’information du consommateur, l’abondance est rarement nuisible. Mais l’initiative vise avant tout à susciter, chez le consommateur français, un réflexe d’achat en faveur des entreprises qui ont fait le choix de ne pas délocaliser une partie de leur chaîne de valeur. Le bien fondé de cette démarche reste à démontrer. Certes, les consommateurs peuvent se montrer solidaires et semblent adhérer volontiers aux vertus économiques du « consommer français ». Une étude du Credoc a d’ailleurs montré qu’ils sont nombreux à se déclarer prêts à payer plus cher des produits fabriqués en France. Mais de l’affirmation à l’acte de consommation, il y a une différence importante : celle des contraintes imposées par le pouvoir d’achat. Et reconnaissons que les expériences passées (notamment la campagne « nos emplettes font nos emplois » de 1993) ont vite tourné court.

Mais au-delà des ses effets sur la consommation, cette démarche a cela d’étonnant qu’elle prend le contre-pied du modèle industriel allemand, dont on cherche par ailleurs à s’inspirer. En effet, l’industrie allemande a pu maintenir sa compétitivité grâce des investissements importants et continus dans les déterminants de la compétitivité hors-prix (l’innovation des produits et la qualité) et une maîtrise des coûts de production. Revenons sur ces deux points.

L’Allemagne investit plus dans la recherche

Toutes les enquêtes le montrent, beaucoup de consommateurs considèrent a priori que les produits allemands sont de très bonne qualité. La raison en est simple : c’est généralement vrai. Mais la qualité a un coût, celui d’un investissement massif et continu dans la recherche et l’innovation. Sur ce terrain, la comparaison avec la France est sans appel. En 2010, l’Allemagne a consacré 2,82% de son produit intérieur brut à la recherche et développement, contre seulement 2,26% en France. Et cet écart dans les investissements en recherche et développement n’a cessé de progresser depuis dix ans. C’est à ce prix que le made in Germany est devenu une marque qui séduit les consommateurs du monde entier. Bien sûr, on voit mal comment l’initiative de la promotion du fabriqué en France pourrait vraiment être néfaste, mais il ne faut pas qu’elle nous détourne des vrais problèmes, et réduise les incitations à renforcer une image de l’industrie nationale fondée sur une réelle qualité des produits. C’est à ce prix que le label de production national pourra s’adresser à l’envie et la raison des consommateurs du monde entier plutôt qu’à l’effort de solidarité des seuls consommateurs nationaux.

L’Allemagne a baissé les salaires et sous-traité à l’étranger

Outre l’investissement dans la compétitivité hors-prix, l’Allemagne a su contenir sa compétitivité prix. Cet effort de modération des prix s’est fait, bien sûr, grâce à une politique rigoureuse de modération salariale. Mais cet élément, très souvent mis en avant, en masque un autre que l’on oublie souvent : l’industrie allemande a aussi maitrisé ses coûts en faisant appel de façon massive à des sous-traitants implantés dans des pays où la main-d’œuvre est relativement bon marché. En 2000, les importations de biens intermédiaires représentaient 4,5% du PIB français contre 4,9% du PIB allemand. En 2010, cette part est tombée à moins de 4% pour la France alors qu’elle avoisinait les 6% pour l’Allemagne. A l’évidence, les industriels allemands ont su, mieux que les autres européens, profiter de la mondialisation et du marché unique pour tirer profit des avantages comparatifs des pays à bas salaires, notamment d’Europe centrale [1]. Alors que l’initiative du fabriqué en France fait la promotion des entreprises qui ont fait le choix de produire localement, le modèle du « bazar allemand » cherche à exploiter au mieux les opportunités offertes par la mondialisation et pousser la fragmentation internationale des chaines de valeur pour gagner en compétitivité. Entre ces deux modèles, il faudra bien choisir.

Cet article de Matthieu Crozet a initialement été publié le 6 février 2012 sur le site du CEPII

[1] De nombreuses analyses détaillées soulignent que le recours massif à l’outsourcing international (c’est-à-dire aux délocalisations) est un élément essentiel de la compétitivité du modèle productif allemand. On verra par exemple, Fontagné et Gaulier (2008), Performances à l’exportation de la France et de l’Allemagne, Rapport du Conseil d’analyse économique et Sinn (2005), Die Basar-Ökonomie, Econ eds

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Matthieu Crozet est conseiller scientifique au CEPII (le Centre français d’étude et de recherche en économie internationale) en charge du programme Analyse du Commerce International, et professeur à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne.

5 commentaires
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  • le seul fabriquant de voiture qui communique sur le fabriqué en France est Toyota ! Les autres marques ne le font pas pourtant ce sont des marques françaises.Pour elles ce concept est dépassé sans doute mais elles oublient que les français ont massivement achetés leurs voitures.Sans le soutient des acheteurs français elles sont voués à disparaître.Dommage qu’il n’y ai plus aucune solidarité via la consommation, je suis d’ailleurs persuadé que les Allemands dans ce domaine sont beaucoup plus attentifs, l’état allemand soutient son industrie et le peuple allemand aussi en consommant allemand.Aujourd’hui les français achètent les yeux fermés et tous les produits viennent de chine.personnellement je cherche toujours des produits fabriqué en France et quelquefois çà fait peur, il n’y en a plus.Plus de produits français plus d’industries plus de travail, et c’est tous les français qui en pâtissent, pas seulement les ouvriers.La grande distribution est une des principale responsable de cette situation, elle achète des produits aux chinois pour rien et les revend avec une marge énorme, elle joue contre son camp en somme et ce tire à long terme une balle dans le pied mais à court terme elle se gave sur notre dos.

    22.02 à 22h01 - Répondre - Alerter
  • Est-ce de la naïveté ou de l’ignorance qui nous conduit à de fausses solutions. Car il faut être naïf ou aveugle pour vouloir défendre le travail ouvrier en France tandis que tous nos voisins ont compris que la mondialisation consistait à monter en gamme en délocalisant la sous-traitance des composants qui requièrent beaucoup de main d’œuvre non qualifiée et concentrer sur son territoire les cerveaux , les gestionnaires, les inventeurs, les spécialistes et les entrepreneurs qui sont capables de ramener la valeur des produits dans un assemblage et/ou un marketing qui, lui, se fait sur le territoire.
    En 1900, il y avait aussi des gens prêts à se mobiliser pour défendre les forgerons qui faisaient les fers à cheval, mais l’avenir était dans la voiture ! Aujourd’hui, c’est la même chose, notre avenir est ailleurs. Il est dans l’amélioration du niveau d’éducation et de formation de toute la population pour pouvoir exister dans les métiers qui feront les richesses de demain, à savoir les énergies propres et durables, la maitrise du savoir et des communications, les logistiques, les nanotechnologies, etc...
    ’Made in France’ apparait comme un appel du 20° siècle, alors que le 21° siècle sera plutôt ’made new and better’.

    14.02 à 17h40 - Répondre - Alerter
  • IL faut en finir de toujours se référer à l’ALLEMAGNE ses progrès sont des salaires de nombreux ALLEMANDS. De plus MERKEL ne joue pas le franc jeu avec nous. La zone EURO est en difficulté à cause de MERKEL qui ne veut pas changer les règles de la BCE. Nous nous en sortiront jamais. Exemple avec la GRECE qui mes des milliers de gens dans la famine.

    14.02 à 08h20 - Répondre - Alerter
  • pas "made in France" mais "fabriqué en France "

    11.02 à 18h04 - Répondre - Alerter
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